Nous venons de rentrer du Caire. Le gouvernement égyptien a
interdit aux 1360 internationaux de rentrer à Gaza pour
manifester leur soutien aux Gazaouis et pour dire NON au blocus.
Mais ce faisant, il a nous a amené à créer, à partir de la
capitale égyptienne, une situation qui a permis de soutenir de
manière encore plus spectaculaire le peuple palestinien.
Ce bilan, ce sont nos amis Gazaouis, qui
l’ont rapidement tiré, en nous envoyant des messages de
remerciements et de félicitations pour avoir mené des actions au
retentissement mondial, concernant le siège qui leur est imposé,
et ceux qui en portent la lourde responsabilité.
"Les actions spectaculaires et très médiatisées que vous menez
actuellement au Caire sont bien plus efficaces pour nous que la
visite programmée de la bande de Gaza", nous ont affirmé les
organisateurs palestiniens de la Gaza Freedom March.
Récit des faits :
Dès notre arrivée au Caire le 26 décembre,
notre groupe de 300 participants français apprenait que le
gouvernement égyptien interdisait aux organisateurs américains
de la marche de se réunir le lendemain au Collège des Jésuites
de la Sainte Famille, afin de permettre aux quelque 800
internationaux de divers pays de faire le point sur la
situation. Le même jour, il leur était annoncé que les autocars
dans lesquels ils comptaient monter le 28 au matin ne seraient
pas au rendez-vous. Nous apprenions également que toutes les
personnes, arrivées plus tôt et ayant essayé de se rendre par
leurs propres moyens (seuls ou en petits groupes) en direction
de Gaza, avaient été arrêtées et se trouvaient bloquées par les
forces de l’ordre égyptiennes sur la route, dans leurs hotels ou
dans les gares routières. (A noter, que parallèlement, nos amis
de la caravane "Viva Palestina", conduite par George Galloway
étaient également bloqués par le gouvernement égyptien)
Et le dimanche 27 décembre, un an jour pour
jour après les massacres israéliens dans la bande de Gaza,
Moubarak allait jusqu’à interdire une commémoration pacifique
des internationaux, consistant à déposer sur le Nil des bougies
(biodégradables) à la mémoire des martyrs de Gaza.
Le même soir à 19 H, les 300 participants
français à la marche se retrouvaient, comme convenu depuis
longtemps avec la compagnie de cars AstralEgypt, devant
l’ambassade de France, située sur une artère majeure en plein
centre du Caire. Juste avant, l’ambassadeur de France, Jean
Félix-Paganon, nous recevait dans son bureau, en présence du
responsable de la compagnie de cars, qui avait déjà reçu 4100
dollars de notre part, soit 50 % de la facture, pour nous
transporter jusqu’à Rafah et en revenir.
Et là, l’ambassadeur nous affirmait en
présence de plusieurs témoins qu’il avait l’assurance du
gouvernement égyptien que nous pourrions prendre la route en
direction de El Arish (40 km avant Rafah), et que nos cars
seraient bien présents au RV de 19 H devant l’ambassade, même
s’il ne pouvait garantir que nous serions autorisés à entrer
dans Gaza.
Ancien contrat en mains + nouvel engagement
écrit, en présence de l’ambassadeur, de la part du responsable
de la compagnie égyptienne (qui réclamait à cor et à cri le
paiement immédiat des 50 % restant à acquitter !), quelques-un
d’entre nous partaient chercher les autocars, tandis que le
reste du groupe attendait devant l’ambassade.
Après 3 heures d’attente debout, nous
apprenions, à 22 H, que les autocars ne viendraient pas nous
chercher, et nous occupions alors l’avenue Charles de Gaulle,
bloquant la circulation dans toute la capitale en restant assis
au milieu de la chaussée, à ce point névralgique d’intense
traffic au coeur du Caire.
Une action surprise, rapide, correspondant
aux orientations que nous avions décidées en commun, bien avant
le départ : réagir de manière déterminée et la plus
spectaculaire possible, si nous étions empêchés d’atteindre
notre but, et ceci quel que soit l’endroit où nous serions
bloqués.
Nous estimions plus probable un blocage par
le gouvernement égyptien sur la route, en plein désert, mais ce
dernier, comptant sans doute sur le désemparement, et le
morcellement des internationaux isolés dans des dizaines
d’hôtels différents, en décida autrement.
Erreur fatale pour lui : car les 300 Français
se trouvaient regroupés, sans hôtel —puisqu’ils comptaient
partir et rouler de nuit—, et très soudés par les rencontres et
discussions organisées avant le départ par CAPJPO-EuroPalestine.
Réclamant nos cars et la possibilité de
pouvoir nous rendre à Gaza, nous décidions de camper devant
l’ambassade de France, déclinant l’offre de l’ambassadeur qui
proposait de nous faire conduire au Lycée Français du Caire, et
de nous y laisser enfermer sous bonne escorte, jusqu’à notre
retour en France (nous conseillant vivement d’anticiper
celui-ci, si nous ne souhaitions pas occuper le reste de la
semaine à faire du tourisme) .
L’ambassade de France, en liaison avec le
Quai d’Orsay, et avec le gouvernement égyptien prit alors
quelques mesures de rétorsion à notre égard, limitant l’accès
aux toilettes, ne nous permettant pas de recharger quelques
téléphones portables au sein de l’ambassade, ni de laisser les
plus vulnérables dormir sur sa grande pelouse inoccupée —et
payée avec nos impôts.
La sénatrice Alima Boumediene-Thiery,
présente à nos côtés, ne s’est pas privée de faire savoir à
l’ambassadeur ce qu’elle pensait d’une telle attitude de la part
du gouvernement français.
Nous saluons au passage le courage de
Monseigneur Gaillot, qui a tenu bon, dormant par terre et
vaquant avec le sourire, malgré des problèmes de santé. Un grand
coup de chapeau également au doyen de nos participants, Michel
Sergent, 82 ans, qui a dormi pendant toute la semaine, en
position assise, contre un arbre, et qui a entrainé un groupe de
marathoniens tous vêtus des T.Shirts "Palestine Vivra - Boycott
Israël" dans les rues du Caire, sous les applaudissements des
passants !
Hedy Epstein, 85 ans, rescapée du génocide
nazi, qui tentait pour la troisième fois de se rendre à Gaza,
est venue le féliciter dans notre mini-blocus de l’ambassade de
France la veille du Nouvel An.
Comptant sur la fatigue et les conditions
sanitaires déplorables (pas de possibilité de se laver, alors
que la pollution était maximale, deux heures d’attente pour
accéder à un seul WC pour plusieurs centaines de personnes), le
gouvernement français s’est couché devant le gouvernement
égyptien, qui obéissait lui-même aux injonctions israéliennes
(Netanyahou était d’ailleurs reçu par Moubarak le 29 décembre).
Mauvais calcul, puisque ce durcissement, au
lieu d’entamer notre détermination, l’a renforcée. Au point que
l’ambassade s’est vu obligée de reculer sur plusieurs fronts,
autorisant les gens à sortir pour aller aux toilettes des cafés
voisins, faisant installer 4 WC sanisette, renonçant à exiger de
voir les passeports français de ceux qui se rendaient aux
toilettes, et surtout laissant entrer les délégations
d’internationaux de tous pays qui venaient nous rendre visite et
nous encourager.
Ce dernier point nous a permis d’établir une
coordination très efficace avec les représentants de tous les
pays et d’organiser avec eux différentes actions spectaculaires
et très unitaires.
Ainsi un rassemblement de protestation, le 31
décembre, réunissait entre 500 et 600 internationaux devant
l’endroit le plus fréquenté du Caire (à la fois par les
Egyptiens et les touristes), le Musée Egyptien et la place de la
Libération, et faisait la une de tous les journaux égyptiens. Le
lendemain, un autre rassemblement devant l’ambassade d’Israël au
Caire regroupait à nouveau plus de 600 personnes.
Inspirées par notre action devant l’ambassade
de France, couverte par les télévisions, radios et journaux du
monde entier, les délégations des autres pays ont à leur tour
organisé des manifestations devant leur ambassades, avant d’en
être délogées.
Pendant une semaine, nous avons réussi, en
reproduisant un mini blocus symbolique devant l’ambassade de
France, en confectionnant des banderoles visibles de loin,à
attirer l’attention des médias jusqu’alors silencieux sur le
blocus de Gaza et sur la collaboration honteuse à ce siège de
nos gouvernements.
Même les jeunes appelés, massés par centaines
devant l’ambassade pour nous empêcher de sortir, pactisaient
avec nous et se faisaient constamment rappeler à l’ordre par
leurs supérieurs.
Malgré l’action des forces de police
égyptiennes qui arrêtaient, embarquaient, intimidaient les
journalistes qui cherchaient à nous interviewer, et qui
mettaient même des amendes aux automobilistes qui ralentissaient
et klaxonnaient pour nous féliciter, le retentissement a été à
la hauteur du caractère inédit de telles manifestations dans une
dictature qui interdit tout regroupement de plus de 6 personnes.
Au point que les organisateurs américains, un
moment tentés par une proposition de Moubarak de sélectionner 80
personnes qui seraient autorisées à se rendre à Gaza, ont
finalement décliné cette tentative de division, qui aurait
permis au gouvernement égyptien de redorer son blason à peu de
frais.
Consultés, nos amis de Gaza, les
organisateurs de la Gaza Freedom March, ont vivement conseillé à
tous les internationaux de ne pas tomber dans ce piège. Ils ont
d’ailleurs accueilli avec la plus grande froideur ceux qui ont
malgré tout accepté de monter dans ces deux cars affrétés par
Moubarak, et les ont rapidement reconduits hors de la bande de
Gaza.
Deux vidéos réalisées par les participants à
la marche sont déjà en ligne sur le site
http://www.europalestine.com. Un troisième épisode le sera
incessamment.
Nous revenons de cette aventure plus
déterminés que jamais à mener le combat contre l’inhumanité du
siège de Gaza, de l’emprisonnement et de la spoliation de tout
le peuple palestinien, par l’occupant israélien. Crimes contre
l’humanité qui ne peuvent être perpétrés qu’avec l’assentiment
de nos dirigeants, parmi lesquels le gouvernement égyptien qui
montre son vrai visage de collabo en construisant un mur destiné
à étrangler et affamer davantage encore la population de Gaza.
Des liens très forts ont été tissés entre les
représentants de tous les pays durant cette "Marche pour Gaza"
stoppée au Caire. Profitons-en pour faire de 2010 l’année qui
nous rassemble, pour faire trembler tous ces tyrans !