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L'EXPRESSIONDZ.COM
LA
CRISE PAKISTANAISE S’ENLISE
Bhutto exige
le départ de Musharraf
Othmane Siddik
Benazir Bhutto - Photo AP
14
novembre 2007 Assignée à résidence,
la pasionaria pakistanaise n’a pu prendre part à la longue
marche de protestation entamée sans elle par ses partisans. Benazir
Bhutto avait annoncé, lundi, qu’elle allait marcher de Lahore
(la grande métropole de l’Est) jusqu’à la capitale Islamabad
en signe de protestation contre l’état d’urgence instauré le
3 novembre par le président Musharraf. Cette manifestation
programmée pour hier a débuté sans l’ex-Premier ministre,
Benazir Bhutto. En effet, dans la nuit de lundi à mardi, Mme
Bhutto a été destinataire d’un mandat d’arrêt à domicile
de sept jours dans une maison de Lahore, dans l’objectif de la
priver de la participation à la «longue marche» à
laquelle elle avait appelé dans la journée de lundi. C’est la
deuxième fois en moins de dix jours que l’ex-Premier ministre
fait l’objet d’une assignation à résidence. Sa maison est
devenue pour Mme Bhutto une prison devant laquelle un détachement
de la police a pris position. Plus de mille policiers ont par
ailleurs cerné sa maison et ses environs, interdisant tout
contact avec la «prisonnière». Malgré cet inconvénient,
ses partisans ont néanmoins entamé cette marche, hier à Lahore,
en signe de protestation contre l’état d’urgence d’une
part, et pour demander la démission du président Pervez
Musharraf d’autre part. Hier, des centaines de militants du
Parti du peuple pakistanais (PPP, dirigé par Mme Bhutto) se sont
réunis devant le siège du parti à Lahore d’où une procession
de voitures (une centaine selon les témoignages) s’est ébranlée
en direction de la ville de Kasur (près de la frontière
indienne) première étape vers Islamabad distante de 275km. De
leur côté, les services de sécurité ont indiqué que «plusieurs
dizaines de voitures et un nombre indéterminé de personnes à
pied ont formé un cortège» sur cette route. Empêchée
physiquement, Benazir Bhutto n’est pas (encore) interdite de
parole, ce qui lui a permis de continuer à faire entendre sa voix
et demander des comptes au pouvoir de Musharraf, duquel elle exige
la démission. Dans une déclaration, par téléphone, à la chaîne
de télévision britannique Sky News, Mme Bhutto a indiqué: «Nous
affirmons que Musharraf doit partir. L’époque de la dictature
est révolue», ajoutant que «le général Musharraf doit
partir. Il doit démissionner de ses fonctions de président et de
chef des armées». Rentrée d’exil le 18 octobre pour négocier
un éventuel partage du pouvoir avec Pervez Musharraf, Benazir
Bhutto s’est vue propulsée à la tête de l’opposition au
pouvoir militaire à Islamabad. D’ailleurs lundi, dans le même
temps où elle annonçait la «longue marche» sur
Islamabad, Mme Bhutto a indiqué qu’elle rompait «définitivement»
les pourparlers avec le président Musharraf qui a décrété l’état
d’urgence le 3 novembre. «Je ne serais jamais Premier
ministre sous la présidence d’un homme qui n’a pas tenu, à
plusieurs reprises, ses promesses, un homme qui est un dictateur»
a-t-elle assuré. «Regardez ce qu’il a fait du pays, en
imposant l’état d’urgence», a-t-elle encore souligné et
d’affirmer: «Nous ne pouvons pas travailler avec quelqu’un
qui a suspendu la Constitution, imposé l’état d’urgence et
qui opprime le pouvoir judiciaire.» Dans un autre entretien,
hier, au téléphone avec l’agence française AFP, Mme Bhutto a
demandé à la communauté internationale de ne plus soutenir le
président Musharraf qui mène, selon elle, le pays «au chaos»,
indiquant: «Je demande à la communauté internationale de
cesser de le soutenir, de cesser de soutenir l’homme dont la
dictature menace d’enfoncer cette puissance nucléaire dans le
chaos.» C’est précisément la détention par le Pakistan
de l’arme nucléaire qui semble le plus préoccuper son puissant
protecteur américain, plus soucieux du sort de ces armes, qui
risquent de tomber entre des mains «inamicales», que de
ce qu’il adviendra au peuple pakistanais. Selon les critères de
l’administration américaine, le président Musharraf est un
dictateur «typique». Cela n’empêche en rien Washington
de le soutenir, réagissant mollement à l’instauration de l’état
d’urgence. Mais l’inédit dans la crise pakistanaise est
l’information rapportée lundi par le Washington Post, selon
lequel les Etats-Unis se préparent à tous les scénarii que
puisse susciter cette crise et envisagent de «saisir»
l’arsenal nucléaire pakistanais dans le cas d’une arrivée «inopportune»
au pouvoir à Islamabad. Le journal de Washington affirme ainsi
que «plusieurs anciens responsables américains» lui ont
«dit que ces plans envisagent la possibilité de récupérer
une arme nucléaire s’il y a un risque imminent qu’elle tombe
entre les mains de terroristes». Ces informations ont fait
vivement réagir le ministère pakistanais des Affaires étrangères,
lequel dans un communiqué affirme: «Nos armements stratégiques
sont autant en sécurité que ceux des autres puissances nucléaires»,
et d’assurer: «Nous disposons du plus haut niveau requis de
protection de nos armements stratégiques pour assurer leur sûreté
et leur sécurité». De son côté, le porte-parole de la
diplomatie pakistanaise, Mohammed Sadiq, affirme: «Si un
risque quelconque pèse sur nos armes nucléaires, nous avons la
capacité de nous défendre nous-mêmes». Ce qui explique
l’intérêt qui est porté à une crise politique qui n’est
pas uniquement interne au Pakistan et retient l’attention de la
communauté internationale par ses possibles retombées «négatives»
pour la «sécurité» dans le monde. Droits de
reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Publié le 14 novembre avec l'aimable autorisation de l'Expression
© Crédit Photo: AP
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