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Nouvelles menaces américaines
envers l’Iran concernant son programme nucléaire
Peter Symonds

Photo RIA Novosti
26 mai 2007
L’administration américaine
a répondu de façon agressive au dernier rapport de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le refus de
l’Iran de suspendre son programme nucléaire en exigeant une
troisième résolution de l’ONU et des mesures plus dures. Le
rapport, qui a été remis aux états membres de l’AIEA mercredi
passé, prépare le terrain à une intensification des tensions
dans le Golfe persique où la marine américaine a commencé de façon
provocatrice des manœuvres d’envergure le même jour.
Washington a déjà fait
pression sur le Conseil de sécurité de l’ONU en décembre et
en mars pour qu’il adopte des résolutions demandant que l’Iran
suspende ses activités d’enrichissement de l’uranium, qu’il
arrête la construction de son réacteur de recherche à l’eau
lourde et qu’il permette des inspections plus poussées de l’AIEA.
La dernière résolution visait quinze individus et treize
organisations, y compris une importante banque iranienne. Elle
imposait aussi des sanctions au Corps des gardiens de la révolution,
qui n’est pas directement lié au programme nucléaire iranien,
mais que les Etats-Unis accusent d’armer la milice
anti-occupation du pays voisin, l’Irak.
Les principales puissances
européennes (la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne) se
sont rangées sans critiques derrière l’administration Bush
pour soutenir la résolution de mars. Bien qu’elles
s’objectaient à des mesures précises, la Chine et la Russie
ont refusé de remettre en cause la substance des mesures parrainées
par les Etats-Unis dont le but est de donner à Washington une
justification pour continuer sa campagne pour isoler et paralyser
le régime iranien et le prétexte d’une future action
militaire. Sous pression des Américains, l’Afrique du Sud, l’Indonésie
et le Qatar ont retiré leur proposition d’amendements mineurs
et ont voté pour la résolution.
Voilà la « communauté
internationale » constamment invoquée par les officiels américains
lorsqu’ils exigent que l’Iran se plie aux demandes américaines.
« Le monde a parlé et a dit non aux programmes
d’armements nucléaires », a déclaré Bush le jeudi 24
mai, indiquant que les Etats-Unis tordront une fois encore le bras
des autres grandes puissances « pour renforcer notre régime
de sanctions ». Faisant plus précisément référence à la
Chine et à la Russie, Bush a déclaré : « La première
chose que ces dirigeants doivent comprendre, c’est que l’Iran
doté d’une arme nucléaire serait incroyablement déstabilisant
pour le monde. »
Bush considère comme un
fait que les programmes nucléaires iraniens ont pour but la
production d’armes, mais son administration n’a présenté
aucune preuve en ce sens. Le rapport de l’AIEA confirme
seulement ce que Téhéran a déjà déclaré publiquement :
qu’il continuera le développement de son usine
d’enrichissement de l’uranium à Natanz dans le but de
produire du carburant pour les réacteurs nucléaires qu’il prévoit
construire. La plus récente inspection de l’usine de Natanz, il
y a deux semaines, a trouvé que 1312 centrifugeuses étaient
fonctionnelles, que 300 autres étaient testées et qu’environ
300 autres étaient en construction. Des échantillons collectés
par les inspecteurs de l’AIEA ont établi que l’uranium était
enrichi à environ cinq pour cent, la concentration requise pour
un réacteur nucléaire, pas à 80 ou 90 pour cent comme la
construction d’une bombe l’exige.
L’Iran a insisté à
maintes reprises qu’il avait le droit en vertu du Traité de
non-prolifération nucléaire de développer tous les aspects de
la technologie nucléaire dans un but pacifique. Comme dans les précédents
rapports depuis dix ans, l’AIEA n’a trouvé aucune preuve
permettant d’établir que l’Iran était engagé dans des
programmes d’armements. L’agence ne pouvait que dire qu’elle
« ne pouvait pas offrir l’assurance… sur la nature
exclusivement pacifique » des programmes nucléaires de ce
pays. Le président de l’AIEA Mohamed ElBaradei a dit aux
journalistes jeudi dernier qu’il faudrait à l’Iran entre
trois et huit ans pour produire l’arme nucléaire, si on
supposait que c’est ce qu’il voulait.
Pour l’administration Bush, les allégations
de « programmes d’armes nucléaires » iraniens sont
un prétexte utile pour intensifier la pression sur Téhéran,
justifier sa campagne à peine voilée de « changement de régime »
et brandir la menace d’une opération militaire. Plus tôt la
semaine dernière, ABC News a révélé que Bush avait
officiellement autorisé la CIA à mettre en œuvre des opérations
secrètes afin de déstabiliser le gouvernement iranien.
Au même moment, la Maison-Blanche soutient
hypocritement qu’elle cherche à résoudre le conflit de manière
diplomatique. Toutefois, ses affirmations sont démenties par sa réaction
à l’appel à un compromis par ElBaradei. A la suite de la récente
inspection par l’AIEA, il a déclaré au New York Times
que les scientifiques iraniens semblaient avoir résolu les problèmes
de fonctionnement des centrifugeuses à gaz. « Du point de
vue de la prolifération », a-t-il déclaré, « la réalité
est que les objectifs de la suspension [du programme nucléaire]
— les empêcher de développer le savoir — ont été dépassés
par les événements. » Plutôt que de continuer à insister
pour un arrêt complet, ElBaradei a proposé que des efforts
diplomatiques soient entrepris afin de contenir le programme et
permettre à Téhéran de sauver la face en maintenant un
enrichissement limité d’uranium.
Vendredi, des représentants américains,
britanniques, français et japonais ont rencontré ElBaradei afin
de protester officiellement contre ces commentaires, qui vont à
l’encontre selon eux des résolutions américaines qui insistent
que l’Iran cesse toute activité d’enrichissement d’uranium.
Cette critique avait non seulement pour but de rappeler à
l’ordre le directeur de l’AIEA, mais aussi d’empêcher toute
action, venant particulièrement de la Russie et de la Chine, qui
viserait une entente permettant l’établissement d’une usine
expérimentale ou d’installations d’enrichissement complet
dirigées par un consortium international. Alors que d’autres
puissances poursuivent les pourparlers avec l’Iran,
l’administration Bush refuse catégoriquement de négocier sur
la question nucléaire tant que Téhéran n’aura pas d’abord
cessé ses activités d’enrichissement.
Les
Etats-Unis font l’étalage de leur force militaire
Le plus sinistre présage des intentions de
l’administration Bush fut la démonstration la semaine dernière
de la puissance navale américaine dans le Golfe persique. Deux
groupes de porte-avions dirigés par le USS John C. Stennis et le
USS Nimitz furent rejoints par un troisième groupe de combat,
comprenant un sous-marin d’assaut et cinq larges vaisseaux
mer-sol dirigés par le navire d’assaut amphibie Bonhomme
Richard. Neuf vaisseaux de guerre de cette énorme armada ont passé
mercredi dans le détroit d’Ormuz, en plein jour. D’habitude,
la marine américaine effectue le passage de nuit.
Bien qu’un officiel américain ait tenté
de rassurer les médias que ceci ne se voulait pas une épreuve
d’intimidation, l’opération visait clairement à menacer
l’Iran. Les marchés internationaux ont certainement compris le
message, faisant grimper le prix du baril de pétrole à 71 $.
Les entraînements militaires, qui n’avaient pas été annoncés,
se dérouleront durant deux semaines et comporteront des exercices
aériens, au sol et de sous-marins. Les deux porte-avions ont à
leur bord 140 avions de guerre, des missiles de croisière et
environ 17.000 marins. Les opérations se termineront par un
exercice de débarquement amphibie au Koweït, pas très loin du
territoire iranien.
Les représentants américains continuent
d’insister publiquement qu’il n’y a pas de plan de
bombardement de l’Iran, mais les éléments les plus
militaristes de l’administration Bush ne font un secret de leur
appui pour une nouvelle aventure militaire. Il y a deux semaines,
debout sur le pont du USS John C. Stennis, le vice-président Dick
Cheney déclarait: « Nous sommes unis avec d’autres afin
d’empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire et de
dominer la région. » Malgré les démentis publics, une série
de fuites dans les médias au cours des deux dernières années
rendent claire que le Pentagone a déjà un rédigé le plan détaillé
d’une attaque aérienne massive contre l’Iran.
L’ancien ambassadeur américain à l’ONU,
John Bolton, libéré des contraintes de son poste, apparaît de
plus en plus comme le porte-parole des tenants de la guerre à la
Maison-Blanche elle-même et partout ailleurs. Sur Fox News,
mercredi, il accusait les puissances européennes de manquer de sérieux.
« Au cours des derniers mois, ils voulaient des sanctions
sans douleur. Ils ne veulent pas interférer avec le commerce et
les investissements pour l’Iran. Cela ne fonctionne pas, et tant
qu’ils ne seront pas sérieux, ils ne régleront pas le problème. »
Bolton a demandé « une augmentation
importante de la pression, et si les Européens ne peuvent y
parvenir rapidement, nous devrons malheureusement faire autre
chose, comme changer de régime, ou, en dernier ressort, recourir
à la force de frappe des Etats-Unis. » Pour ne pas être en
reste, il s’est attaqué à ElBaradei, le décrivant comme un
« défenseur de l’Iran dès le départ ». « Une
chose sur laquelle nous devons être très clairs avec l’AIEA
est de dire à son directeur général d’aller se rasseoir et de
cesser de tenter d’interférer avec nos efforts pour prévenir
la prolifération. »
Le Times rapportait hier que la semaine
prochaine « un groupe de puissants néo-conservateurs — y
compris certains de ceux qui sont les plus actifs partisans
d’une invasion de l’Iran — planifie de se réunir pour une
conférence toutes dépenses payées intitulée "Face à la
menace iranienne : la voie de l’avant" dans un luxueux
tout inclus aux Bahamas ». Ce groupe sélect d’invités de
près de trente personnes, y compris l’actuel ambassadeur à
l’ONU, Zalmay Khalilzad et sa femme, le sous-secrétaire d’Etat,
Paula Dobriansky et quatre autres représentants en service de
l’administration Bush. Sponsorisé par la Fondation pour
la défense de la démocratie, une organisation de droite, la
rencontre vise à « rassembler un vaste éventail
d’experts afin d’examiner toutes les options pour traiter avec
l’Iran ».
C’est dans ce climat que les représentants
américains et iraniens de niveau intermédiaire doivent tenir des
discussions bilatérales à Bagdad lundi — pour la première
fois depuis des années. La rencontre doit se concentrer
exclusivement sur l’amélioration de la sécurité de l’Irak
occupé par les États-Unis et va sans doute être dominée par
les allégations non fondées que Téhéran fournit des armes et
de l’entraînement aux milices anti-américaines en Irak. Toute
discussion sur le programme nucléaire iranien a été exclue
d’avance — laissant à la Maison-Blanche la liberté
d’intensifier agressivement la pression diplomatique, économique
et militaire sur Téhéran dans les semaines à venir.
(Article original publié le 26 mai 2007)
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