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Des scientifiques britanniques
avertissent que les Etats-Unis préparent une attaque terrifiante
contre l’Iran
Peter Symonds
24 septembre 2007
Une étude de quatre-vingt pages publiée le 28
août dernier par deux analystes en matière de sécurité
britanniques fait une estimation à glacer le sang de la violence
destructrice que les Etats-Unis emploieraient lors d’une attaque
contre l’Iran. « Les Etats-Unis ont fait des préparatifs
dans le but de détruire les armes de destruction massive de l’Iran,
son énergie nucléaire, son régime, ses forces armées, son
appareil d’Etat et son infrastructure économique dans les
quelques jours, sinon les quelques heures qui suivraient un ordre
donné par le président George W. Bush » dit cette étude.
Les auteurs de cette étude, Dan Plesch et
Martin Butcher, tirent, en s’appuyant sur des sources
accessibles au public, cette conclusion que « Les
bombardiers et les missiles à longue portée américains sont
d’ores et déjà prêts à détruire en quelques heures 10.000
cibles à l’intérieur de l’Iran. Les troupes d’infanterie,
de l’armée de l’air et de la marine déjà présentes dans le
Golfe Persique, en Iraq et en Afghanistan ont la capacité de détruire
en peu de temps les forces armées iraniennes, le régime du pays
et son Etat. »
Plesch et Butcher ont écrit abondement sur les
relations et la sécurité internationale. Plesch est directeur du
Centre for International Studies and Diplomacy à la prestigieuse
School of Oriental and African Studies de Londres. L’étude
intitulée « Envisager une guerre avec l’Iran : un mémoire
pour une discussion sur les ADM [Armes de destruction massive] au
Moyen-Orient » ne fait pas d’évaluation du programme
nucléaire iranien, le prétexte d’une guerre des Etats-Unis
contre l’Iran, ni ne tire de conclusion sur la probabilité
d’une attaque. Mais elle décrit les vastes préparatifs du
Pentagone et examine les stratégies militaires probables des
Etats-Unis.
Plesch et Butcher estiment qu’une attaque américaine
quelle qu’elle soit ne se limiterait pas aux installations nucléaires
iraniennes mais aurait aussi pour objectif d’éliminer sa
capacité de réplique par la destruction de ses capacités
militaires et de son infrastructure économique. « Toute
attaque aura vraisemblablement lieu à une très grande échelle,
sur plusieurs fronts, évitant toutefois une invasion terrestre.
Une attaque qui se concentrerait sur les armes de destruction
massive, laisserait à l’Iran trop d’options en matière de
contre-attaque, permettrait que le président Bush soit accusé de
n’avoir pas utilisé une force suffisante et laisserait le régime
intact » déclarent-ils.
Le mémoire examine les plans de « Frappe
planétaire » (Global Strike) du Pentagone, développés
sous l’égide de l’administration Bush et destinés à rendre
l’armée américaine capable de frapper à brève échéance
n’importe où dans le monde. Depuis 2001 en particulier, on a
modifié le rôle de STRATCOM (US Strategic Command), un moyen de
dissuasion nucléaire contre l’Union soviétique dans le passé,
afin de « permettre l’obtention d’effets sur mesure
partout et à tout moment dans le monde entier…Les Etats-Unis
ont des forces stratégiques prêtes à lancer des attaques
massives contre l’Iran en l’espace de quelques heures après
que l’ordre en sera donné. »
Plesch and Butcher analysent les types de
bombardiers et de bombes conventionnelles disponibles et calculent
que cent bombardiers stratégiques, armés chacun de cent « bombes intelligentes »,
suffiraient à frapper 10.000 cibles individuelles. « Cette
force de frappe est à elle seule suffisante pour détruire toutes
les capacités politiques, militaires, économiques importantes de
l’Iran ainsi que ses capacités de transport » concluent
les auteurs. « L’emploi d’une telle force amènerait
la technique "choc et épouvante" (shock and awe) à un
stade supérieur et ne laisserait à l’Iran que peu ou pas de
capacités militaires conventionnelles pour bloquer le détroit
d’Hormuz ou pour fournir un soutien militaire conventionnel à
des insurgés en Irak ».
Le mémoire exclut dans une bonne mesure
l’usage d’armes nucléaires par les Etats-Unis, déclarant que
« les conséquences humaines, politiques et
environnementales serait dévastatrices tandis que leur valeur
militaire resterait limitée ». Mais les auteurs
reconnaissent aussi qu’il existe « de nets indices qu’
[aux Etats-Unis] on considère sérieusement une telle utilisation
d’armes atomiques [contre l’Iran] ». Et tout en déclarant
qu’une attaque nucléaire américaine ou britannique contre l’Iran
était « très improbable », Plesch et Butcher ne la
tenaient pas pour impossible. Ils calculent que près de trois
millions de « morts soudaines » se produiraient au cas
où l’on jetterait des bombes nucléaires de 300 kilotonnes sur
ne serait-ce qu’onze sites censés abriter des armes de
destruction massive.
Une bonne partie de cette étude traite des
options diverses qu’ont les Etats-Unis dans l’utilisation des
forces présentes dans la région pour contrer une riposte
iranienne à leur attaque. « L’Iran a une armée de
l’air et des capacités de défense antiaérienne faibles, la
plupart vieilles de vingt ou trente ans et ne possède pas de système
de communications moderne et intégré. Non seulement ses forces
seront-elles rapidement détruites par la puissance de
l’aviation américaine, mais l’armée de l’air et
l’infanterie iraniennes devront encore lutter sans protection
devant une attaque aérienne » écrivent les auteurs.
L’étude évoque l’existence de plans américains
pour contrer tout blocus du détroit stratégique d’Hormuz, dans
le Golfe persique et pour se saisir de la province iranienne
occidentale de Khuzestân, où s’effectue la plus grande partie
de la production pétrolière du pays. Elle décrit en détail la
capacité de l’armée américaine, stationnée non loin, en Irak
et en Afghanistan, à détruire l’armée et les bases militaires
iraniennes, même si elles se trouvent à des centaines de kilomètres
des frontières et ce, sans invasion terrestre. Elle cite diverses
sources faisant état d’opérations américaines secrètes ayant
d’ores et déjà lieu à l’intérieur de l’Iran dans le but
d’identifier des cibles et de fomenter une rébellion armée
parmi les minorités ethniques et religieuses.
Examinant la question « dans quelle mesure
peut-on considérer qu’une attaque est probable? » les
auteurs font remarquer : « L’administration [américaine]
a constamment refusé de renoncer à l’option militaire et elle
a continué de préparer une guerre. Le Congrès a rejeté une
motion exigeant du président qu’il le consulte avant d’aller
en guerre contre l’Iran ». L’étude cite un certain
nombre de commentaires menaçants faits cette année par des
membres de l’administration Bush, ainsi que des déclarations
anti iraniennes belliqueuses par des candidats républicains et démocrates
à l’élection présidentielle. Elle énonce aussi les mesures
prises par le Congrès en vue d’imposer des mesures plus sévères
contre Téhéran.
Les auteurs de l’étude réfutent de nombreux
arguments généralement avancés pour expliquer pourquoi les
Etats-Unis n’attaqueraient pas l’Iran. Ils estiment que la
probabilité d’un compromis sur le programme nucléaire iranien
est « extrêmement faible » étant donné que « les
Etats-Unis refusent d’offrir toute garantie de sécurité à
l’Iran et s’emploient effectivement et de façon active à
affaiblir les autorités iraniennes. » Quant à la tentative
de l’Union européenne de servir d’intermédiaire dans un
marché avec l’Iran « les responsables américains…se
moquent, tant en privé que de façon moins privée, des efforts
de l’UE, qu’ils jugent futiles ».
Répondant à ceux qui font remarquer que
l’armée américaine est enlisée en Irak et manque de troupes,
l’étude déclare : « Le déploiement de l’armée
aux limites de sa capacité, dû à de longs tours de service en
Irak est un problème sérieux, mais fournir des forces pour une
guerre de courte durée (suivant le modèle de l’invasion
initiale de l’Irak) constituerait un bien moindre problème.
L’Iran n’a guère la capacité de conduire une attaque
militaire conventionnelle en dehors de son propre territoire,
donnant aux Etats-Unis de bonnes possibilités de se retirer et
d’attendre la suite événements dans le pays après une attaque
du genre de celle décrite dans cette étude. »
Le mémoire explore également la capacité de
l’Iran à répondre d’autre manière, soit directement contre
un allié des Etats-Unis comme Israël ou contre des bases américaines,
soit indirectement par l’encouragement d’une sédition
parmi les Chiites irakiens. Les auteurs considèrent que de tels
arguments renforcent la proposition d’une attaque massive plutôt
que celle d’une attaque limitée. Ils font aussi observer que
l’Iran conservait l’option de contre-frappes à l’aide de
missiles et avait observé de très près les opérations
militaires américaines autour de ses frontières. « En même
temps, les forces armées américaines se sont préparées à
cette éventualité pendant de nombreuses années et il sera
difficile d’être le général qui dira au président Bush
qu’attaquer l’Iran n’est pas ‘faisable’. »
Plesch et Butcher ne font aucune prédiction
quant à une guerre, mais ils notent que le manque de publicité
autour des préparatifs militaires américains ne constitue pas
une garantie qu’une attaque n’aurait pas lieu. « L’état
de préparation militaire, sinon politique, des Américains pour
une guerre utilisant des forces d’invasion minimum, indique que
leur inaction apparente vis-à-vis de l’Iran est trompeuse. La
capacité des Etats-Unis de mener une opération militaire de
grande envergure contre l’Iran est intacte. Quant à savoir
s’il existe une volonté politique de poursuivre une telle
ligne, cela n’est connu que de quelques personnalités
dirigeantes de l’administration Bush ».
Plesch et Butcher n’ont pas essayé
d’analyser les raisons économiques et stratégiques
sous-jacentes d’une attaque américaine de l’Iran ou
d’examiner en détail le potentiel qu’une telle action avait
de déclencher une guerre plus étendue. Leur étude ne contredit
en rien la campagne de propagande de plus en plus importante sur
les prétendus programmes nucléaire iraniens. La réelle
motivation d’une nouvelle guerre irresponsable des Etats-Unis
contre l’Iran réside dans la tentative de l’administration
Bush d’établir une domination sans partage des Etats-Unis sur
les régions riches en ressources minérales du Moyen-Orient et
d’Asie centrale. Tout ce qui aurait pour conséquence de
permettre à des rivaux européens et asiatiques de renforcer leur
influence dans ces régions clés est tout simplement intolérable
pour l’élite dirigeante américaine.
L’optique plutôt limitée de l’étude ne
fait que rendre sa conclusion plus troublante : les préparatifs
militaires qui permettraient à l’administration Bush de faire,
en peu de temps, d’une grande partie de l’Iran un champ de
ruines, sont déjà terminés.
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Publié le 24 septembre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS

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