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Nouvelles d'Irak

Entretien n°4 - FBI-Saddam Hussein
Gilles Munier


Gilles Munier

Vendredi 26 février 2010

Baghdad Operation Center
13  février 2004

Entretien conduit par George L. Piro
Rapport traduit de l’arabe en anglais par le FBI

Traduction en français : Xavière Jardez

Titres, sous-titres et notes : Gilles Munier

« Si un homme renie ses principes, sa vie n’a aucune valeur… »

   Saddam Hussein (Détenu de Haute Valeur n°1) a été interviewé le 13 février 2004 dans un bâtiment de détention militaire à l’Aéroport International de Bagdad (AIB), Bagdad, Irak. Hussein a fourni les informations suivantes :

   Le principal interviewer a expliqué que l’entretien du jour serait un dialogue d’ensemble sur les différentes résolutions de l’ONU et les autres résolutions concernant l’Irak.

   Hussein a demandé : « Laissez-moi poser une question. Je voudrais vous demander où sont allées les informations depuis le début de ces entretiens jusqu’à aujourd’hui? Pour que notre relation soit franche, je veux le savoir ». L’interviewer lui a répondu qu’il était un représentant du gouvernement US et que les rapports étaient certainement examinés par un certain nombre d’officiels du gouvernement. Bien qu’il ait nié le savoir personnellement, ces individus devaient inclure le Président des Etats-Unis. Hussein a alors répondu qu’il n’avait aucune réserve si « d’autres participaient » à ce processus et que cela "ne lui faisait" rien si les informations étaient publiées.

   A la question de savoir s’il avait utilisé des « sosies » ou autres personnes lui ressemblant, comme cela a souvent été discuté dans des publications et livres, Hussein a ri et assuré que « c’est du cinéma, pas de la réalité » ajoutant qu’il était très difficile de se faire passer pour un autre.

Dieu nous crée et décide seul du jour où Il nous rappelle

   D’autres au sein du gouvernement, y compris son fils Oday, avaient-ils eu recours à des « sosies », comme l’avait écrit dans un livre un Irakien. Hussein a dit l’ignorer : « Je ne pense pas que mes fils auraient fait cela » précisant qu’ils auraient pu l’avoir envisagé en temps de guerre. Il a demandé pour la forme : « Ne pensez pas que cela m’ennuie quand vous me parlez de mes enfants. Je pense toujours à eux et au fait qu’ils sont morts en martyrs. Ils seront un exemple pour chacun à travers le monde ». Ses deux fils se sont battus dans la guerre contre l’Iran dans les années 80 avant d’atteindre «un âge normal ». Eux et un autre jeune sont les seules personnes que connaisse Hussein ayant combattu alors qu’ils étaient encore mineurs.

   Au cours de la guerre Iran-Irak, Hussein et tous les hommes de sa famille ptoche ont pris part à la bataille pour la libération de la péninsule de Fao (1) en 1987, bataille décisive comme l’avait fait savoir Hussein à tous les Irakiens. Et d’observer : « Quand je crois en des principes, j’y crois totalement, non partiellement, ou graduellement, mais complètement ». Hussein a ajouté que Dieu nous crée et décide seul du jour où Il nous rappelle. Hussein a mis fin à cette partie de l’interview en disant : « Si vous décidez de publier un livre, assurez-vous de le faire en arabe et en anglais ».

   L’interviewer a ensuite fait porter la discussion sur les vues/opinons de Hussein sur les Nations unies dans les années 1990,  en commençant par la résolution 687. Comme rappelé par ce dernier, la résolution 687 exigeait de l’Irak, entre autres choses, qu’il reconnaisse l’existence ou non d’armes chimiques, biologiques, accepte leur destruction et ne cherche plus à reconstruire ou acquérir de telles armes. Elle demandait aussi que l’Irak réaffirme l’application du Traité de Non Prolifération Nucléaire. Elle détaillait aussi les mesures que devait prendre l’Irak afin de voir la levée des sanctions qui lui étaient imposées. L’interviewer a demandé plus spécifiquement à Hussein le du raisonnement qui l’avait conduit à s’opposer à cette résolution.

Refus de la résolution 687, mais d’accord pour l’appliquer

   Hussein a précisé que la première résolution des Nations unies sur l’Irak n’était pas la 687 mais la 661 (2) qui avait contribué à créer les tensions et  conduit à la dernière guerre avec les Etats-Unis. Bien que familier de cette résolution, l’interviewer a déclaré que la discussion  porterait d’abord  sur la résolution 687.

   Hussein a reconnu que l’Irak avait accepté la résolution 687 et qu’il avait commis une erreur en détruisant des armes sans supervision de l’ONU. Avait-il fait aussi une faute en n’assurant pas une transparence complète, initialement et tout au long du processus. Hussein a répondu : « C’est une très bonne question ». La résolution 687 n’a pas été rédigée « dans le style des Nations unies ». Elle a succédé à la résolution 661, prise après la 1ère guerre du Golfe et, tout comme celle-ci, a été soutenue par les Etats-Unis.  « Les Etats-Unis en sont à l’origine, les autres ont suivi. La 661 avait été acceptée par toutes les parties, pas la 687 ».

   Hussein a rappelé qu’au commencement de la 1ère guerre du Golfe, le président US avait proposé une rencontre sur un navire dans le Golfe, comme cela s’était passé avec le Japon à la fin de 2ème guerre mondiale, pour discuter d’un accord de cessez-le-feu. L’Irak a refusé mais a, finalement, rencontré les dirigeants des autres pays dans un endroit près des  « frontières »,  mais a répété Hussein, elle le fut sur l’insistance des Etats-Unis. Selon Hussein, jamais une  « telle résolution » n’avait  été prise dans l’histoire des Nations unies.

   Quand la 1ère guerre du Golfe a commencé, les forces armées irakiennes étaient « loin des frontières ». Il y avait ceux qui voulaient « violer » l’Irak par la guerre, comme ils ne pouvaient pas le faire par la paix. L’Irak a adressé des lettres à l’ONU pour affirmer son respect de la résolution 687. L’Irak ne l’avait pas acceptée, mais était d’accord pour l’appliquer afin que le  « peuple ne soit pas touché ».

   Selon Hussein, les inspecteurs des Nations unies voulaient que toutes leurs dépenses (logement, voyages, et autres) soient défrayées par l’Irak. Au lieu d’attendre les inspecteurs et de supporter le coût de leurs dépenses, l’Irak a commencé à détruire ses armes et ne les a pas cachées. Les inspecteurs ont ensuite demandé les documents sur ces destructions et visité certains sites pour prélever des échantillons à analyser. Hussein a expliqué : « Si on suppose que nous nous sommes trompés sur le pourcentage d’armes que nous disons avoir détruites, combien de fautes  les Etats-Unis n’ont-ils  pas commis sur la base de la résolution 687 ». Ce sont l’occupation de l’Irak, la zone de non-survol du nord et du sud de l’Irak et le bombardement de ce pays, du premier jour de la 1ère guerre du Golfe à la dernière. Hussein a demandé pourquoi les Nations unies avaient imposé cette résolution à l’Irak si durement alors que d’autres résolutions et celles sur Israël n’avaient jamais été exécutées. Hussein a terminé en disant : «  Si nous devions faire venir un professeur des Etats-Unis en Irak, il serait d’accord avec moi sur la résolution 687 des Nations unies, à l’exception de la question de la souveraineté d’un autre pays » (le Koweït).

«Un pays qui accepte d’être profané  apporte le déshonneur à son peuple »

   Au cours d’une longue discussion avec l’interviewer sur la résolution 687, Hussein a fait plusieurs déclarations. Il a reconnu qu’elle avait été adoptée et que l’Irak avait accepté de « s’en occuper ». Sur les destructions d’armes, il a dit : « Nous les avons détruites ; nous vous l’avons dit, documents à l’appui ». A la question des restrictions imposées aux inspecteurs à la visite de certains sites, Hussein a répondu : « Quels lieux? » L’interviewer les lui a cités, dont le ministère de l’Agriculture, à quoi Hussein a rétorqué : « Par Dieu, si j’avais eu ces armes, je m’en serais servi contre les Etats-Unis ». L’interviewer a souligné que les accusés qui sont innocents acceptent, pour la plupart, de prendre connaissance de la totalité des détails de l’accusation. Une fois disculpé, l’accusé  fournit alors la preuve de mauvais traitements au cours de l’interrogatoire. Hussein a dit : « Cela n’est pas la question. C’est un dialogue. Bon ».

   Hussein a remarqué alors que les Etats-Unis ont utilisé des armes interdites au Vietnam. L’Amérique accepterait-elle que des Irakiens inspectent la Maison Blanche à la recherche de ces armes ? Une telle recherche n’apporterait rien. «Un pays qui accepte d’être profané apporte le déshonneur à son peuple ». La négociation est la méthode habituelle de résolution de conflits, particulièrement entre nations. La négociation est « la méthode des Nations unies ».  

« Nous sommes parmi les derniers chevaliers ».

   La communauté internationale reconnaissait, a-t-il été souligné, que l’Irak ne respectait pas la résolution 687. A ça, Hussein a répondu que l’Irak pensait qu’il y avait quelque chose de faux dans « la voie internationale». Les Etats-Unis avaient convaincu le monde de leur position sur l’Irak. Avant toute discussion complémentaire, il a demandé de pouvoir « préparer une réponse afin qu’elle tienne la route. Oublions le passé non pas que nous soyons d’accord mais parce qu’il nous faut optimiser notre temps ». Hussein a remarqué que, lors de la dernière guerre, la Grande-Bretagne était le seul allié des Etats-Unis. Tous les autres pays importants, la France, l’Allemagne, la Chine, la Russie étaient contre. Les Etats-Unis « cherchaient un prétexte pour faire quelque chose ». Ils sont ici, maintenant, et ils n’ont pas trouvé d’armes. Hussein a remarqué que les décisions étaient prises par l’ensemble de la direction irakienne et non par lui seul. Les dirigeants irakiens ont pris des décisions qui ont fourni aux Etats-Unis « une ouverture » et le motif pour la dernière guerre.

   Hussein a observé qu’à certains moments, on a dit à Jésus, au Prophète Mohammed, à Moïse, et à d’autres prophètes, d’abandonner leurs croyances, leur enseignement et leurs principes pour sauver leur vie. Hussein a  déclaré : « Si un homme renie ses principes, sa vie n’a aucune valeur. Dans les cas des prophètes, ils auraient ignoré les ordres de Dieu ». « Si l’Irak avait fait fi de ses principes, nous ne vaudrions rien ». Hussein a déclaré qu’il avait été élu par le peuple et qu’il n’avait pas été « amené par un autre pays ou des compagnies ». Il était ainsi contraint de se conformer aux principes du peuple.

   L’interviewer a souligné que ce sont les agissements de l’Irak qui ont conduit à l’application des sanctions de l’ONU. Ces agissements ou encore l’inaction ont obligé l’organisation internationale à persévérer dans ses sanctions. « C’est votre opinion », a dit Hussein, « Je vous ai répondu ». « Il est difficile, a-t-il continué, de renoncer à sa nationalité, à son pays et à ses traditions ». Hussein a remarqué qu’un autre Américain pouvait avoir une idée différente de celle de l’interviewer sur l’Irak.

   Hussein a dit : « Si j’avais voulu être un politicien, j’aurais pu. Mais, je n’aime ni les politiciens ni la politique ». Quand on lui a fait remarquer que d’aucuns pensaient qu’il avait joué avec les Nations unies, il a rétorqué : « Nous nous sommes conformés à toutes les résolutions internationales. Les Etats-Unis devraient porter la responsabilité pas les Nations unies. Nous sommes parmi les derniers chevaliers ».

   Si on examine la responsabilité, a poursuivi l’interviewer, il faut commencer par ce qui est à l’origine de la discorde entre l’Irak et le monde, à savoir l’invasion du Koweït. Ce à quoi Hussein a rétorqué : « L’Amérique avait un plan avec le Koweït pour attaquer l’Irak et nous avions une copie de ce plan entre les mains. Si j’avais eu ces armes (prohibées), aurais-je laissé les forces US s’installer au Koweït sans attaquer ? J’aurais souhaité que les Etats-Unis n’aient pas eu l’intention d’attaquer l’Irak ».

   L’invasion du Koweït, qui a abouti à la guerre avec les Etats-Unis, a-t-elle précipité les sanctions imposées à l’Irak ? Hussein a dit : « Je vous demande, en tant qu’Américain, quand les Etats-Unis ont-ils cessé leurs livraisons de blé  à l’Irak ? En 1989. Quand ont-ils contacté les pays européens pour boycotter les ventes d’équipement technologique à l’Irak ? En 1989. Les Etats-Unis envisageaient de détruire l’Irak, poussés en cela par le sionisme et le  poids du sionisme sur les élections américaines ». Ce « plan » était aussi sous influence des pays voisins de l’Irak particulièrement d’Israël qui considérait, avec la conclusion de la guerre Iran-Irak, ce dernier comme une dangereuse menace militaire. Hussein a précisé : « J’en suis profondément convaincu ».

   Sur le Koweït et la guerre, Hussein a observé : "Il est difficile d’éviter quelqu’un d’armé, sur le pas de votre maison sans sortir et lui tirer dessus". L'Irak est un petit pays qui, indépendamment des mesures prises, ne pouvait que difficilement faire barrage aux Etats-Unis. Sur la dernière guerre, les Etats-Unis ont fourni au monde, a-t-il dit, beaucoup d' "histoires" à propos de l’Irak et « il était difficile pour moi ou pour toute personne honorable d’essayer d’arrêter l’entrée des Etats-Unis en Irak ».

   Comparant ses observations personnelles à ses opinions en tant que Président, Hussein a remarqué : « Il n’y a rien que je considère comme privé. Je ne peux oublier ma charge de président. C’est ce que je sais et dont je suis convaincu. Il m’est difficile de répondre de façon personnelle. Je ne peux  oublier mon rôle de président et mes principes pour une seconde, et oublier ce que je fus ».

   Vers la fin de l’entretien, on a demandé à Hussein quels avaient été ses mouvements en mars 2003 quand la guerre a commencé. Il a précisé qu’il n’était pas dans les environs de Dora (3), à Bagdad, le 19 mars 2003 qui a essuyé un bombardement des forces de la coalition, ni dans les dix jours précédant cette attaque, ni à aucun moment pendant la guerre. Hussein croit que ce lieu avait été ciblé parce que les dites forces pensaient qu’il s’y trouvait.

   Sur sa stratégie de déplacements, avant la chute de Bagdad en avril 2003, Hussein a observé que, pour que le transport de personnes ou d’équipement réussisse, au cours d’une guerre, il faut connaître aussi bien les capacités de l’ennemi que « ses propres capacités ». Les proches de Hussein (les Murafiqin) (4) lui indiquaient d’ « aller de ce côté ou de l’autre ». A la question de savoir si Hussein, avant la guerre, se déplaçait dans une Mercedes noire, il a dit : « Peut-être. Nous avions des Mercedes de toutes les couleurs », ou, s’il voyageait en convoi, il a répondu : « Je laisse cela à  l’histoire ».

Notes :

(1) La péninsule de Fao, située au sud de Bassora, a été occupée par l’Iran le 10 février 1986 (Opération al-Fajr 8), suite - disait-on à l’époque - à la remise à l’Etat-major irakien, par les Américains, d’images satellites sur les mouvements de troupes iraniennes de l’autre côté du Chatt al-Arab, ne correspondaient pas à la réalité. Fao a été repris le 17 avril 1988 (Opération « Ramadan béni »). Cette victoire a mis fin aux visées de l’ayatollah Khomeiny sur l’Irak.

(2) La résolution 661 de l’ONU, votée le 6 août 1990, après l’entrée des troupes irakiennes au Koweït, imposa le boycottage commercial, financier et militaire de l’Irak. Elle était considérée à Bagdad comme la « mère de toutes les résolutions », à l’origine de la mort de plus d’un million et demi d’Irakiens, dont plus de 500 000 enfants (selon les agences de l’ONU).

(3) Quartier situé au sud de Bagdad.

(4) Les Murafiqin (les Compagons) constituaient la garde spéciale du Président Saddam Hussein (une quarantaine de membres). Ils faisaient partie de l'Himaya al-Raïs qui assurait la protection des principaux dirigeants baasistes.

© X.Jardez et G. Munier – Traduction en français et notes

© G. Munier/X.Jardez
Publié le 27 février 2010 avec l'aimable autorisation de Gilles Munier

Entretien n°3 - FBI-Saddam Hussein
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Le dossier Irak



Source : France Irak
http://www.france-irak-actualite.com/...


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