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Nouvelles d'Irak

Halabja, procès en catimini
Gilles Munier


Gilles Munier

Dimanche 24 janvier 2010

Talabani accuse un rival d’être responsable du massacre

Le 17 janvier dernier, la Haute Cour pénale irakienne - ex Tribunal spécial irakien, créé en 2003 par les autorités d’occupation - a condamné à mort Ali Hassan al-Majid  pour avoir ordonné le bombardement au gaz de la ville kurde de Halabja, le 16 mars 1988. A l’époque, l’Irak était en guerre avec l’Iran et il coordonnait les activités militaires et de renseignement dans le nord du pays. La peine capitale prononcée à son encontre par le juge Aref Abdoul-Razzak al-Chahine étant courue d’avance, la tenue du procès avait été fixée d’un commun accord par Nouri al-Maliki et Massoud Barzani, pour tomber avant les élections législatives, alors prévues fin janvier.

Le procès de Hassan al-Majid ayant été uniquement instruit à charge, il est bon de rappeler que la bataille de Halabja a été provoquée par l’entrée au Kurdistan irakien d’une colonne de Gardiens de la révolution iranienne (Pasdarans), guidée par un groupe de peshmergas de l’Union Populaire du Kurdistan (UPK), le parti de Jalal Talabani, actuel président de la République. En pleine guerre Iran-Irak, c’était un acte de trahison.

L’opération Val Fajr-10

Arrivés près de la ville, les Iraniens s’étaient emparé d’une garnison irakienne, et - selon le témoignage d’un ancien ambassadeur de France à Bagdad - égorgé les prisonniers et leur famille. A Téhéran, les mollahs organisateurs de cette opération, baptisée Val Fajr-10, savaient ce qui risquait de se passer ; les chefs de l’UPK probablement aussi. A chaque fois que les Iraniens perçaient dangereusement les lignes irakiennes, les gaz étaient utilisés pour les repousser. Malgré le danger, l’UPK avait ordonné à la population de Halabja de se rassembler pour accueillir leurs « libérateurs ». Qu’est-il arrivé ensuite ? En avril 2003, George Bush et ses alliés kurdes avaient promis un procès retentissant. Il s’est déroulé en catimini, ou presque ; comme si Halabja n’intéressait plus grand monde. La presse internationale, qui avait fait du massacre le nerf de la campagne de diabolisation de Saddam Hussein, était absente. Quid alors des preuves et des révélations annoncées depuis plus de vingt ans ? On aurait aimé entendre des experts expliquer ce qui s’est réellement passé ce jour-là, documents à l’appui, et savoir quels pays occidentaux avaient livré le ou les gaz aux belligérants, car dans ce domaine les Iraniens n’étaient pas en reste. Les pasdarans avaient – les premiers - utilisé du gaz au cyanure dès le début de la guerre Iran-Irak, à Mouhamarra (Khorramchahr, en persan), pour casser l’offensive irakienne en Arabistan (Khouzistan, en persan), et au Kurdistan iranien en 1982 et 1987, selon un témoignage du regretté docteur Abderrahman Ghassemlou, secrétaire du Parti Démocratique Kurde d’Iran.

Les Pasdarans croyaient que la ville avait été reconquise…

Que l’armée irakienne ait utilisé du gaz pour annihiler l’offensive iranienne sur son territoire ne fait pas de doute, mais pourquoi escamote-t-on les documents accusant l’Iran d’en avoir fait autant au cours de la bataille, et à Halabja précisément ? Le 4 mai 1990, le Washington Post a résumé un rapport classifié de l'Army War College affirmant que l’interception par les Etats-Unis des communications échangées sur le champ de bataille désignait l’Iran comme l’auteur du bombardement au gaz de Halabja. Les Pasdarans croyaient que la ville avait été reconquise… Ce rapport, co-rédigé par le docteur Stephen Pelletiere, analyste de la CIA spécialiste de l’Irak, précisait que l’Irak ne possédait pas le type de gaz utilisé à cet endroit.

Ali Hassan al-Majid sera sans doute pendu dans les prochaines semaines (1), mais l’affaire du massacre de Halabja ne sera pas close pour autant. Le site kurde Rudaw.net a révélé qu’il y a deux mois, pendant l’assemblée plénière de l’UPK, Jalal Talabani a accusé son ancien n°2, Nawshirwan Mustafa -  aujourd’hui chef du Gorran (Changement), mouvement kurde d’opposition - d’être responsable du bombardement. Que voulait-il dire exactement ? Il est vrai qu’ « Oncle Jalal » était à Londres au moment des faits, tandis que Nawshirwan dirigeait la guérilla séparatiste sur place, mais il est impensable que la participation de l’UPK à l’offensive Val Fajr-10 ait été décidée sans son accord. La vérité finira par éclater. Le déballage en famille s’annonce nauséabond, surtout quand on sait que Peter Galbraith* - impliqué aujourd’hui dans un scandale pétrolier impliquant le gouvernement kurde de Massoud Barzani - est à l’origine de la campagne accusant Saddam Hussein d’avoir « massacré son propre peuple ». Aujourd’hui, on comprend mieux pourquoi le 16 mars 2006, lors de la cérémonie anniversaire du massacre, la population de Halabja a incendié le monument qui le commémore. Le détournement des dons qui y sont recueillis, au bénéfice des victimes civiles de la bataille, n’était dans doute pas la seule raison de la fureur des manifestants.

(1) Article mis en ligne le 24/1/10. Ali Hassan al-Majid a été pendu le lendemain.

© G. Munier/X.Jardez
Publié le 26 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de Gilles Munier

Le dossier Irak



Source : Bulletin des Amitiés franco-irakiennes


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