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Affaire Galbraith
Les pétrodollars du lobby kurde
Gilles Munier
Gilles Munier
Mardi 15 décembre 2009
Rien ne va plus pour Peter Galbraith, ancien ambassadeur
américain en Croatie et spécialiste du Kurdistan, qui espérait
devenir gouverneur (démocrate) de l’Etat du Vermont. Son
implication dans le scandale pétrolier DNO, en Norvège,
met en doute son intégrité et laisse penser que sa campagne est
financée par les pétrodollars de Massoud Barzani, président du
Kurdistan irakien, dont il a été le conseiller spécial. De plus,
on lui reproche de ne pas être enregistré comme lobbyiste,
formalité obligatoire aux Etats-Unis quand on sert des intérêts
étrangers.
Peter Galbraith, connu pour ses relations avec la CIA, est le
fils de l’économiste John Kenneth Galbraith, conseiller du
président Kennedy. En 1988, membre du Comité aux relations
extérieures du Sénat et proche du secrétaire d’Etat George
Schultz, il rédigea les rapports à l’origine des campagnes de
diabolisation du président Saddam Hussein, notamment celui
l’accusant d’avoir utilisé des gaz de combat lors de la bataille
de Halabja. Nommé en 1993 ambassadeur en Croatie, il fut un des
protagonistes du dépeçage de la Yougoslavie. En 2000-2001,
Galbraith est intervenu au Timor oriental en négociant, au nom
de l’ONU, le partage des revenus pétroliers et gaziers de la Mer
de Timor avec l’Australie.
Fin
2002, professeur au Naval War College, Galbraith a
préparé l’agression de l’Irak comme conseiller de Paul Wolfowitz,
sous-secrétaire à la Défense. Après l’invasion, en désaccord
avec l’administration néo-conservatrice sur la marche à suivre,
il a mis fin à sa carrière de diplomate. Il reprochait à George
Bush de ne pas accorder suffisamment d’autonomie aux Kurdes,
notamment le droit d’exploiter les ressources pétrolières du
Kurdistan sans en référer à Bagdad. Dans l’ombre, Galbraith
participa ensuite, secrètement
- comme consultant du Gouvernent régional kurde -
à la rédaction de la nouvelle constitution irakienne. Il
expliqua aux deux représentants kurdes, Barham Saleh et
Nechirvan Barzani, tout l’intérêt qu’il y aurait à instaurer un
Etat irakien fédéral. Le Kurdistan irakien, leur dit-il, serait
seul maître de son pétrole. Parallèlement, il créa avec son
fils, en 2004, la société pétrolière Porcupine (Porc-épic).
Son premier client fut le groupe pétrolier norvégien DNO.
Dès l’installation de Porcupine à Erbil, Massoud Barzani
lui renvoya l’ascenseur en autorisant DNO à prospecter le
champ de Tawke, près de Dohouk. Dans son livre « La fin de
l’Irak », paru en 2007, Galbraith expliquait – contre toute
évidence - que ce n’était pas la balkanisation du pays qui était
déstabilisatrice… mais le maintien de son unité ! En novembre
2008, tous les espoirs lui semblaient permis : son vieux
complice Joe Biden, partisan de la désintégration de l’Irak,
était élu à la vice-présidence des Etats-Unis. Oui, mais…
Attention : chien méchant !
Les
activités commerciales de Peter Galbraith - devenu
provisoirement un nouveau Gulbenkian, Monsieur 5% des années 20
- seraient passées inaperçues sans le scandale provoqué par l’Oslo
Stock Exchange (OSE), le 18 septembre, révélant que DNO
avait versé 30,04 millions de $ sur le compte bancaire personnel
de Ashti Hawrati, ministre des Ressources naturelles du
Kurdistan irakien. L’enquête de l’Okokrim, police
économique norvégienne, allait remonter inévitablement à
Porcupine.
Un
malheur n’arrivant, dit-on, jamais seul, le 29 septembre, Ban Ki-moon
licencia Galbraith qui co-dirigeait l’équipe de l’ONU
surveillant le processus électoral en Afghanistan. Il lui
reprochait d’accuser le Norvégien Kai Eide, chef de la mission,
de couvrir les fraudes constatées au profit du président Hamid
Karzaï. Depuis, Galbraith est soupçonné, en relation avec
Richard Holbrooke, représentant d’Obama dans la région, de
chercher à remplacer Karzaï - ancien consultant du pétrolier
UNOCAL, absorbé depuis par Chevron - par une marionnette
proche à la nouvelle administration américaine et, peut être, de
Porcupine. Une chose est sûre : Galbraith n’a pas réagi
au bourrage des urnes constaté au Kurdistan irakien, en faveur
de Massoud Barzani, à l’élection régionale du 25 juillet.
Enfin, le 10 octobre, le quotidien norvégien Dagens
Naeringsliv, rendant compte du dernier rapport d’activités
de DNO, signala que Porcupine était en procès
d’arbitrage contre un milliardaire yéménite et réclamait 250
millions de dollars de compensations à la société norvégienne
pour avoir, semble-t-il, perdu sa licence au cours d’un
retournement de situation commerciale, très fréquent vue la
corruption qui sévit au Kurdistan irakien.
La révélation du contrat DNO-Porcupine embarrasse le
lobby kurde qui faisait passer Galbraith pour un saint. En Irak,
elle conforte le discours de la résistance sur l’illégitimité de
la dernière constitution. A Bergen, interrogé près de son
domicile sur ses activités occultes par des journalistes
norvégiens, l’ancien diplomate ne trouva rien de mieux que de
les menacer de son chien… et de s’enfuir !
Lobby kurde (suite) -
Najmaldin O. Karim et Kendal Nezan, piliers du lobby kurde, et
respectivement directeurs des instituts kurdes de Washington et
de Paris, joueraient un rôle non négligeable dans la politique
pétrolière du KRG. En février 2008, ils participaient à une
conférence sur « La question kurde au 21ème
siècle », organisée au Palais Bourbon, en compagnie de
l’incontournable Peter Galbraith. François Loncle (PS,
ex MRG), ancien secrétaire d’Etat, député de l’Eure, y avait
annoncé la création d’un groupe d’études sur le Kurdistan à
l’Assemblée nationale. Danielle Mitterrand, présente à une table
ronde, avait encouragé les Kurdes « dans leur combat pour la
démocratie ».
Publié le 15 décembre 2009 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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