Nouvelles d'Irak
Saadoun Shaker, condamné à mort par pendaison.
Son épouse parle ...
Gilles Munier
Jeudi 11 novembre 2010
Saadoun Shaker, ancien ministre irakien de l’Intérieur
(1979-1987),
a été condamné à la peine capitale par la
« Haute cour pénale »
irakienne en même temps que Tarek Aziz et trois autres
dirigeants baasistes*. Siham Shaker, son épouse, est de passage
à Paris pour raisons médicales. Xavière Jardez l’a
rencontrée. Interview :
Xavière Jardez :
En 1991, votre mari avait pris sa retraite et n’était plus ni
membre du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR),
ni membre du gouvernement. Dans ce cas-là, quelles accusations
a-t-on pu porter contre lui ?
Siham Shaker :
Mon mari a été ministre de l’Intérieur de 1980 à 1987. En 1990,
il n’exerçait plus aucune fonction. L’accusation qui a été
retenue contre lui est celle de la répression des partis
religieux. Or, la sécurité était de la compétence du Président
Saddam Hussein et non du ministre de l’Intérieur qui n’avait
sous sa tutelle que les forces de police et de la gendarmerie.
En fait, c’est sa seule qualité de membre du Conseil de
Commandement de la Révolution qui fonde les accusations. Le
juge a dit qu’ « étant donné qu’il était membre du CCR,
Saddam Hussein lui avait donné tous les pouvoirs ». Or, Saddam
Hussein a depuis le début reconnu sa responsabilité personnelle
pour toutes les importantes décisions de l'Etat. On assiste là à
une peine collective qui n’a même pas été appliquée lors du
procès de Nuremberg où chaque individu a été condamné pour les
ordres qu’il avait donnés et exécutés. De toute manière, le
tribunal qui a jugé mon mari et les autres n’est pas légal : il
a été constitué par Bremer et sa constitution n’a même pas été
ratifiée par les Irakiens.
Tous les prisonniers irakiens sont des prisonniers de guerre qui
tombent sous la juridiction des conventions internationales. Il
n’est pas permis de les livrer à leurs ennemis, ceux qui sont
actuellement au pouvoir en Irak. Les Américains sont
responsables de ce qui leur arrive et de ce qui peut leur
arriver dans les jours et mois à venir. C'est pour cela que nous
sommes résolus à poursuivre le gouvernement américain et l'armée
américaine en justice s'il arrive malheur à mon mari et à ses
camarades.
X.J :
Est-il vrai que le droit pénal irakien exclut la condamnation à
la peine capitale pour les personnes âgées de 70 ans et plus ?
Siham Shaker :
Oui, et voyez-vous, on s’est empressé d’exécuter Saddam Hussein
avant qu’il n’ait 70 ans. Il avait 69 ans. Mon mari a maintenant
71 ans et Tarek Aziz plus de 70 ans aussi.
X.J :
Dans quelles conditions votre mari a-t-il été arrêté ?
Siham Shaker :
C’est une question un peu délicate car je ne peux citer de noms.
Mais, des amis arabes ont discuté, en 2003, avec les Américains
qui nous ont promis de transférer la famille en Jordanie et de
ne retenir mon mari à Bagdad que quelques heures ou tout au plus
quelques jours, le temps de le questionner. Ce qui n’a pas été
respecté. A l’époque de la guerre, mon mari s’était retiré de la
vie politique depuis 16 ans. Rien ne lui est reproché en tant
que ministre de l’Intérieur. Sur les 160 personnes appartenant
au parti religieux Dawa qui ont porté plainte, trois
ont désigné l’ensemble des accusés. Personne ne l’a nommé
personnellement.
X.J :
Comment sa défense a-t-elle été assurée ? A-t-il eu le choix de
ses avocats ; ont-ils eu accès au dossier d’accusation ? Sur
quelles preuves les accusations ont-elles été basées ?
Siham Shaker :
La famille a choisi un premier avocat qui a été assassiné.
Le deuxième le fut aussi, et le troisième, Maître Badie, n’a
jamais pu se rendre en Irak où il est interdit. Le Tribunal a
nommé des avocats d’office qui appartiennent tous au parti
Dawa. Il n’y a aucune preuve écrite dans le dossier, aucun
dossier qui ait une relation quelconque avec l’interdiction des
partis religieux.
X.J :
Quelles furent ses conditions de détention aux mains des
Américains d’abord, au Camp Cropper puis ensuite quand il fut
remis aux Irakiens ?
Siham Shaker :
J’ai pu rendre visite à mon mari, ainsi que mes enfants.
Ses conditions de détention étaient certainement meilleures au
Camp Cropper où il pouvait être examiné par un médecin alors
qu’avec les Irakiens, il n’a pas de soins, de suivi médical ou
de médicaments. Il en va de même des autres prisonniers et de
Tarik Aziz qui ne peut ni marcher ni parler. (propos
recueillis le 5 /11/10)
* Lire aussi : Tarek Aziz demande qu’on l’enterre en Jordanie
http://www.france-irak-actualite.com/article-tarek-aziz-demande-qu-on-l-enterre-en-jordanie-60294342.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 12 novembre 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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