Nouvelles d'Irak
Rations alimentaires diminuées
Le cadeau
empoisonné de Nouri al-Maliki
Gilles Munier
Gilles Munier
Samedi 3 avril 2010
Avant les élections législatives, Nouri al-Maliki promettait
tout à tout le monde… s’il était réélu. Comme cela risque fort
de ne pas l’être, il a fait un cadeau empoisonné à son
successeur en décidant de diviser par deux l’aide alimentaire
accordée à plus de la moitié de la population,
selon une estimation du ministère du
Commerce.
Cette aide mensuelle (1), mise en place en 1995 par
Saddam Hussein dans le cadre du
programme « Pétrole contre nourriture »,
comprenait du riz
(trois kilos par personne); du
sucre (deux kilos par personne)
; de l’huile (un litre par personne)
; de la farine (neuf kilos par personne);
du lait pour adultes (250 grammes par personne)
; du thé (200 grammes par personne)
; des fèves (250 grammes par personne)
; du lait pour enfants (1,8 kilo par enfant)
; du savon (250 grammes par personne)
; des détergents (500 grammes par personne)
; et de la purée de tomate (500 grammes par
personne).
Depuis avril 2003, les Irakiens accusaient le régime
américano-iranien d’incompétence et de corruption dans la
distribution des rations alimentaires. Une étude conduite, en
2008, par Oxfam Internationale et l’ONG irakienne
al Amal avait confimé leurs dires. Sur 1700 femmes des
provinces de Bagdad, Ninive, Bassora, Kirkouk et Nadjaf: 30%
déclaraient n'avoir jamais reçu d'aide de la part du
gouvernement au cours des cinq dernières années, tandis que 76%
, veuves, n'avaient reçu aucun soutien de qui que ce soit
(2).
En 2009, une enquête a révélé que les rations n’avaient pas été
distribuées à 18% de la population depuis un an, et que les
produits essentiels étaient de très mauvaise qualité. Le
scandale a fini par éclater quand on a appris que
Abdul-Falah al-Sudani,
ministre du Commerce
(3),
importait des aliments périmés. Ses deux frères, qui
travaillaient pour la force de sécurité du ministère, avaient
détourné plusieurs millions de dollars dans le cadre de contrats
d'importation. Ils menaient la grande vie : une vidéo placée sur
YouTube
les montra éméchés, en compagnie de femmes vêtues du strict
minimum. Suite à ce scandale, 997 mandats d'arrêt furent émis
pour corruption, mais trop tard, une partie des suspects –
pour la plupart membres d’Al-Dawa
- avait fui à l’étranger.
La décision de Nouri al-Maliki de réduire le nombre des
bénéficiaires de l’aide alimentaire et de la diviser de moitié,
est présentée comme une tentative de rationalisation du système.
Ce n’est pas l’avis des Irakiens qui vont se serrer un peu plus
la ceinture, tandis que l’argent des ventes du pétrole engraisse
la
nomenklatura
au pouvoir
(4).
Notes :
(1)
Source IRIN, organisme d’information
rattaché au Bureau de la
coordination des affaires humanitaires
des Nations unies.
(2)
Quel Irak pour les Irakiens ? par Xavière Jardez
(AFI-Flash, n°92 – 2/5/09)
(3)
Abdul-Falah
al-Sudani, né en 1947 à
Bassora, est membre du Parti
Al-Dawa – Organisation Irak, un
courant différent de celui dirigé par Nouri al-Maliki. Il a été
ministre de l'Education nationale dans le Gouvernement irakien
de transition (du 3 mai 2005 au
20 mai 2006 – Premier ministre : Ibrahim al-Jaafari).
(4)
Après la Révolution de juillet 1968, le gouvernement baasiste
allouait à chaque Irakien des produits alimentaires essentiels à
un prix inférieur à celui du marché, à retirer dans un magasin
du quartier où les habitants étaient enregistrés
automatiquement.
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 3 avril 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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