Irak
Le manque d’eau tue
Ali al-Fadhily
Ravitaillement d'eau par citerne - Photo Unicef
Dimanche 19 août 2007 L’effondrement
des l’infrastructures en Irak a entraîné une pénurie d’eau
qui ne fait que s’aggraver et qui tue un grand nombre
d’Irakiens.
L’Irak, avec ses célèbres fleuves du Tigre et
de l’Euphrate qui coulent tout le long du pays, n’arrive pas
à fournir de l’eau potable à la plupart de ses habitants.
L’ingénieur chef Ahmad Salman, du Service des
Eaux de Bagdad a expliqué à l’IPS (Inter Press Service News
Agency) : « Les deux fleuves sont encore là, toujours
majestueux, et ils coulent tout au long de l’année. Pourtant,
les Irakiens ont soif, et nous avons honte d’être des ingénieurs
dans ce service. Nous avons simplement échoué à fournir à
notre peuple la moitié de l’eau potable dont il a besoin. »
Une grande partie du pays souffre d’un manque
d’eau aigu, et les faibles quantités fournies sont impropres à
l’utilisation humaine.
Selon le Dr Ibrahim Ali, propriétaire d’un
laboratoire à Bagdad :« J’ai analysé l’eau
fournie par le service de l’eau, et le résultat était
choquant. Elle n’est certainement pas bonne pour la consommation
humaine, et chaque fois que nous l’analysons nous trouvons de
nouvelles substances qui pourraient, avec le temps, entraîner la
mort. » Et il a ajouté : « Plusieurs sortes de
pollutions microbiennes et bactériologiques que nous trouvons
peuvent être aussi dangereuses que des armes biologiques. »
Les hôpitaux irakiens sont pleins de gens qui ont
des maladies dues à de l’eau dangereuse. Des médecins de
plusieurs hôpitaux ont confirmé au correspondant d’IPS que
l’eau est une des pires causes de maladies, surtout parmi les
enfants, et que des enfants étaient morts de maladies véhiculées
par l’eau, aggravées par un manque aigu de médicaments.
Ces problèmes sont exacerbés durant l’été,
lorsqu’aussi bien la quantité que la qualité de l’eau sont
au plus bas.
Un membre du conseil municipal de Bagdad a confié
à IPS, sous condition d’anonymat : "Une des raisons
pour cette pénurie d’eau est le manque d’électricité et de
combustibles pour les générateurs. Nous avons assez de mettre en
avant nos besoins concernant les stations de pompage, car nos
ministres et leurs dirigeants sont trop occupés à lutter pour
des postes pour pouvoir gagner le plus d’argent possible avant
d’être jetés."
Le 19 juillet, l’ambassadeur des Etats-Unis,
Ryan Crocker, a confirmé que les habitants de Bagdad n’avaient
accès, en moyenne, qu’à une heure d’électricité par jour.
Avant l’invasion menée par les Etats-Unis, ils en recevaient
entre 16 et 24 heures [malgré l’embargo]. Or, sans électricité,
on ne peut pas pomper de l’eau vers les habitations.
Un rapport publié le 30 juillet 2007 par l’ONG
internationale Oxfam et NCCI, un réseau d’organisations
d’aide qui travaillent en Irak, disait que huit millions d’Irakiens
– presque un sur trois – avaient un besoin désespéré
d’aide d’urgence. Ce rapport, intitulé Répondre au défi
humanitaire en Irak déclarait que 70% des Irakiens n’ont pas
des fournitures d’eau adéquates, alors qu’en 2003, année de
l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis, ce pourcentage
était encore de 50%. Selon ce même rapport, environ 80% des
Irakiens manquent d’infrastructures sanitaires.
Selon le rapport d’Oxfam : « le taux
de malnutrition infantile, qui était de 19% avant l’invasion
menée par les Etats-Unis en 2003, atteint maintenant 28%. »
Le manque d’eau potable est à l’origine de la plupart de ces
cas.
D’après un ingénieur du Service des Eaux de
Bagdad qui a demandé l’anonymat : « C’est surtout
le résultat de la corruption. Les autorités sont corrompues de
bas en haut, et il n’y a aucun moyen d’améliorer la situation
à moins d’améliorer la situation politique en retirant ces
officiels corrompus. »
On a recommandé à un correspondant de l’IPS de
ne pas se rendre au Ministère Irakien de la gestion des eaux, car
il courrait le risque d’être enlevé par les forces de sécurité
du ministère.
Selon Abou Mahmoud, un charpentier de 62 ans de
Bagdad : « C’est encore une arme avec laquelle les Américains
nous tuent. Ne pas avoir de l’eau entraîne des maladies qui
conduisent à une mort lente mais sûre. Ils ont déjà fait cela
lors des sanctions, et maintenant c’est leur chance de le faire
à nouveau sans tirer de munitions et sans faire de scandales ».
Rares sont les Irakiens qui ont encore de
l’espoir sous le gouvernement actuel. Un habitant de Bagdad,
Nabhan Mukhlis a expliqué au correspondant d’IPS :« Le
problème, c’est que nous n’avons pas un gouvernement comme
n’importe quel autre pays. Nous devrions arrêter de nous
plaindre et nous incliner devant la peine de mort qui a été décrétée
lorsque les Américains ont décidé d’envahir notre pays. »
(Trad. A l’encontre)
* Ali al-Fadhily est correspondant d’IPS à
Bagdad
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