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La flottille de la Liberté pour Gaza
Un
témoignage : « Le dernier Set »
Thomas Sommer-Houdeville
Le bateau turc Marvi Marmara
Dimanche 30 mai 2010Un jour ou l’autre
peut-être, quelqu’un écrira l’histoire complète de cette
aventure. Il y aura beaucoup de rires, de véritables cris et
quelques larmes. Mais ce que je peux dire maintenant, c’est que
nous n’avions jamais imaginé que nous ferions flipper Israël
comme ça. Enfin, peut-être dans certains de nos plus beaux
rêves.... Tout d’abord, ils ont créé une équipe spéciale
d’urgence réunissant le ministère israélien des Affaires
étrangères, le commando de marine israélien et les autorités
pénitentiaires pour contrer la menace existentielle que nous et
nos quelques bateaux remplis d’aide humanitaire représentent.
Puis, Ehud Barak lui-même a pris le temps, malgré son agenda
chargé, de nous mettre en garde à travers les médias israéliens.
Ils nous annoncent maintenant qu’ils nous enverront dans la pire
des prisons israéliens, dans le désert près de Beersheva.
Ce sont des annonces pour nous faire peur. Et d’une certaine
façon nous avons peur. Nous avons peur de leurs navires de
guerre, peur de leurs Apaches et de leur commando tout noir. Qui
n’en aurait pas peur ? Nous avons peur qu’ils saisissent notre
cargaison et toute l’aide médicale, les matériaux de
construction, les maisons préfabriquées, les kits scolaires, et
qu’ils les détruisent. Toute cette solidarité patiemment
rassemblée dans de si nombreux pays pendant plus d’un an. Tous
ces efforts et cette vague d’amour et d’espoir envoyés par des
gens normaux, d’humbles citoyens de Grèce, Suède, Turquie,
Irlande, France, Italie, Algérie, Malaisie. Tout ceci pris comme
un trophée par un État agissant comme un vulgaire pirate des
îles. Qui ne sentirait pas un certain sentiment de
responsabilité et de peur de ne pas être capable d’accomplir
notre mission et livrer nos marchandises à la population
emprisonnée de Gaza ? Mais nous savons que la peur est aussi de
l’autre côté. Parce que depuis le début de notre coalition,
l’Etat d’Israël fait tout ce qu’il peut pour éviter la
confrontation avec nous. Depuis le début ils ont essayé de nous
empêcher de partir, de regrouper nos forces et de prendre le
large tous ensemble vers Gaza. Ils ont essayé de nous briser.
Leur scénario idéal était de nous diviser, les Irlandais d’un
côté, les Grecs et Suédois d’un autre, les Américains d’un autre
encore et les Turcs tout seuls. Bien sûr, ils savaient qu’ils ne
pourraient pas mettre la pression sur la Turquie, ni agir
directement là-bas. Alors ils ont concentré leurs attaques sur
les parties irlandaises et grecques de notre coalition.
Le premier set a commencé il y a deux semaines quand ils ont
saboté le cargo irlandais, l’obligeant à retarder son départ
pour près d’une semaine. Mais, les Irlandais ont réparé aussi
vite qu’ils le pouvaient et maintenant ils sont à un ou deux
jours derrière nous. Puis ils ont mis une pression énorme sur le
gouvernement grec, affaibli par la crise économique, pour
l’obliger à ne pas laisser partir le cargo grec et le bateau de
passagers greco-suédois. A cause de ces pressions, nous avons dû
retarder notre voyage deux fois et demander aux Turcs, à leurs
500 passagers et aux amis américains qui étaient prêts à partir
de nous attendre. C’est ce qu’ils ont fait heureusement !
Jusqu’à la dernière minute avant leur départ de Grèce, nous ne
savions pas si les deux bateaux auraient l’autorisation du
gouvernement grec, mais finalement le gouvernement grec a décidé
de prendre ses responsabilités en agissant comme un Etat
souverain et a laissé le cargo et le bateau de passagers quitter
le port du Pirée à Athènes.
Le deuxième set a eu lieu hier, dans la partie grecque de
Chypre, là où nous avions négocié avec le gouvernement
d’embarquer une délégation VIP de parlementaires européens et
nationaux de Suède, d’Angleterre, de Grèce et de Chypre. Alors
que les deux bateaux de Grèce, le bateau américain venant de
Crète et les 4 bateaux turcs étaient déjà au point de
rendez-vous attendant que la délégation VIP arrive et embarque à
notre bord, nous avons reçu la nouvelle que notre délégation
était encerclée par la police chypriote dans le port de Larnaka
et interdite de bouger où que ce soit. Chypre, un pays européen,
était en train d’interdire a des parlementaires européens de se
déplacer librement sur son sol, en rupture complète de toute
législation et réglementations européennes ! Alors que nous
commencions à négocier avec le gouvernement chypriote, nous
avons clairement compris que ce changement soudain d’attitude
envers nous était dicté directement par Israël. De sept heures
du matin jusqu’au soir, le gouvernement de Chypre nous mentait,
disant que c’était un malentendu que les VIP aient été autorisés
à embarquer pour n’importe quelle direction qu’ils souhaitaient,
que c’était juste une question bureaucratique à résoudre. Mais
rien ne s’est passé et nos parlementaires ont été pris au piège.
Le gouvernement chypriote agissait comme un auxiliaire d’Israël
et nous a fait perdre un temps crucial. Ce matin, la délégation
VIP a décidé que le seul choix qui restait était d’aller au port
de Formogossa dans le Nord de Chypre sous contrôle turc, et de
là prendre un bateau rapide pour nous rejoindre au point de
rendez-vous. Bien sûr, parce que notre coalition est formée de
Turcs et de Grecs et de Chypriotes, la Chypre du Nord qui est
sous occupation turque, est une question politique très
importante. Et envoyer notre délégation prendre un bateau dans
le port de Formogossa, encore sous embargo des Nations Unies,
est une question politique encore plus importante. Cela aurait
pu briser le dos de nos amis grecs et chypriotes de la
coalition. Ce fut presque le cas. Mais c’est le contraire qui
s’est révélé. Notre coalition tient toujours. C’est le parti
chypriote au pouvoir qui est sur le point de se briser, et les 7
parlementaires grecs et chypriotes qui faisaient partie de la
délégation et ne pouvaient pas aller au nord de Chypre sont
furieux contre le gouvernement chypriote. Un immense débat a
toujours lieu en ce moment en Grèce et à Chypre sur ce qui s’est
passé et sur notre flottille pour Gaza. Dans une heure ou deux,
80% de notre délégation VIP embarquera sur nos bateaux et nous
partirons pour Gaza comme prévu. Donc nous pouvons dire
qu’Israël a perdu les deux sets qu’il a joués.
Dans quelques heures, le dernier set, crucial, commencera
quand nous entrerons dans les eaux de Gaza. Bien sûr,
matériellement, il serait très facile pour Israël de nous
stopper et nous arrêter, mais le coût politique qu’ils auront à
payer sera énorme. Vraiment énorme, à tel point que toutes les
ruses et les pièges qu’ils ont tenté de mettre sur notre route
ont réussi à faire une seule chose : sensibiliser de plus en
plus de gens partout dans le monde sur notre flottille et sur la
situation de Gaza. Et de tout ça, nous apprenons quelque chose :
la peur n’est pas de notre côté, mais du côté d’Israël. Ils ont
peur de nous parce que nous représentons la colère des gens tout
autour du monde. Les gens qui sont mécontents de ce que l’Etat
criminel d’Israël fait aux Palestiniens et à chaque amoureux de
la paix qui ose prendre le parti des opprimés. Ils ont peur de
nous parce qu’ils savent que, dans un proche avenir il y aura
encore plus de bateaux à venir à Gaza comme il y a de plus en
plus de personnes à décider de boycotter Israël chaque jour.
Thomas Sommer-Houdeville,
depuis l'un des bateaux de la flottille de Gaza.
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