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Malheureux
lendemains
Rania Adel
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Palestine. Cinq ans après les
attentats du 11 septembre, les territoires occupés n’en
finissent pas de subir les conséquences néfastes de la guerre américaine
engagée contre le terrorisme.
Si la question palestinienne avait été résolue,
on n’aurait jamais connu le terrorisme. C’est le constat que
fait la majorité des observateurs et des analystes. Pour eux, la
poursuite de l’occupation, la politique de deux poids deux
mesures, le dédoublement des critères ne font que compliquer
davantage la situation dans les territoires occupés et créer un
climat propice pour la réception des idées d’Al-Qaëda. Cinq
ans après les attentats du 11 septembre, l’Administration américaine
poursuit son unilatéralisme et s’aligne toujours sur la
politique israélienne. Si à un certain moment, le président américain
George W. Bush s’est montré intéressé par le conflit au
Moyen-Orient et a appelé à la création d’un Etat palestinien,
aucune avancée tangible n’a été réalisée. Face à leur
incapacité d’atteindre les ombres insaisissables d’Al-Qaëda,
les Etats-Unis ont dirigé leurs canons vers les Etats. Le
discours sur « l’axe du mal » a résumé la nouvelle politique
américaine : les Etats qui abritent ou aident des terroristes
(notons que les Etats-Unis ne font pas de distinction entre résistance
et terrorisme) seront traités comme eux, et ceux qui ne sont pas
avec nous sont contre nous. Un discours qui n’a fait
qu’alimenter les courants fondamentalistes et attiser
l’animosité envers les politiques américaines. Selon le
chercheur Diaa Rachwan, spécialiste des groupes islamistes,
c’est la politique américaine qui a ressuscité les mouvements
islamistes dont le résultat est « l’extension d’Al-Qaëda,
et l’augmentation de la popularité de l’islam politique.
Depuis avril 2002, quinze élections ont été organisées dans
douze pays, lesquelles ont témoigné de l’avance des
islamistes. Ceux-ci ont accédé au pouvoir en Turquie et en
Palestine, et ont vu leur nombre doublé dans les autres Etats.
C’est le danger que les peuples musulmans ressentent qui les
pousse vers ces courants ».
En Palestine, le mouvement de résistance
islamique, le Hamas, a remporté le 25 janvier dernier les législatives
au détriment du Fatah, mouvement du président de l’Autorité
palestinienne Mahmoud Abbass. Malheureusement, les Palestiniens
n’ont fait, depuis, que payer le prix de leur choix démocratique.
Une fois que le gouvernement du Hamas fut mis en place, le cabinet
israélien s’est empressé de rompre tous les contacts avec l’Autorité
palestinienne, considérant le Hamas comme une organisation
terroriste. Les pays donateurs ont de même suspendu leurs aides
directes à l’Autorité palestinienne afin qu’elles ne
parviennent pas au Hamas. L’asphyxie est totale : l’économie
est effondrée, les projets de reconstruction sur les anciennes
colonies sont absents, les conditions de vie ont atteint un état
déplorable et les services publics sont en déliquescence. Dans
cet état de choses, le rêve de voir un Etat palestinien s’est
envolé. Après la guerre au Liban, le premier ministre israélien
Ehud Olmert a souligné que le projet de retrait de la
Cisjordanie, sur lequel il a été élu, n’était plus à
l’ordre du jour.
Pour faire échouer davantage le gouvernement
palestinien, Israël a arrêté 64 responsables du Hamas, dont
huit ministres et 29 députés après l’enlèvement le 25 juin
dernier d’un soldat israélien. 28 députés, dont le président
du Parlement, Aziz Doweik, et cinq ministres sont toujours en détention.
Outre les pressions externes, les deux grandes
factions palestiniennes se sont livrées à un conflit intestin
qui a dégénéré en mai en affrontements armés meurtriers.
Campant sur leurs positions, le Fatah et le Hamas n’arrivent pas
à se mettre d’accord depuis plusieurs semaines sur la formation
d’un gouvernement d’union nationale, perçu comme une solution
pour sortir de la crise.
« Conditions iniques »
Les cinq dernières années n’ont donc pas
permis de relancer le processus de paix. Toutefois, les efforts
diplomatiques n’ont pas cessé, même si leurs résultats ne
sont pas palpables. Comme en témoignent les visites accomplies
ces derniers jours par trois ministres des Affaires étrangères,
d’Italie, de Russie et d’Allemagne, qui se sont succédés au
Liban, en Israël et en Cisjordanie, ainsi que la visite du
premier ministre britannique Tony Blair. Au cours de cette dernière,
le clan israélien a manifesté sa volonté de reprendre le
dialogue avec le président Mahmoud Abbass, mais « uniquement sur
la base de la Feuille de route », dernier plan international de règlement
du conflit. La ministre israélienne des Affaires étrangères,
Tzipi Livni, a préconisé une « rencontre immédiate » entre
des hauts responsables de son pays et M. Abbass, estimant qu’Israël
« ne devrait pas poser de conditions ». S’agit-il d’une
volonté réelle de réactiver le processus de paix, ou plutôt
d’une déclaration qui vient s’ajouter à d’autres et qui ne
se concrétise pas ?
De son côté, M. Blair a soutenu l’idée
d’un gouvernement palestinien d’union nationale.
Néanmoins, le Hamas rejette les conditions posées
par la communauté internationale pour reprendre sa coopération
avec l’Autorité palestinienne. « Nous exerçons tous les
efforts possibles pour lever le siège contre le peuple
palestinien, mais cela ne se fera pas aux dépens des principes et
des droits des Palestiniens. Le Hamas refuse les conditions du
Quartette, car ce sont des conditions iniques », a affirmé le
porte-parole du mouvement islamiste, Sami Abou-Zouhri. Le
Quartette exige du Hamas qu’il reconnaisse Israël et les
accords signés avec lui.
De même, le premier ministre palestinien Ismaïl
Haniyeh a critiqué son homologue britannique. « Le problème réside
dans l’alignement sans faille du gouvernement Blair sur les
administrations Clinton, puis Bush, qui voient la question du
Moyen-Orient à travers le seul regard de l’Etat juif », a
estimé Haniyeh qui écarte toute démission de son gouvernement.
Nous sommes donc dans un cercle vicieux : les
Etats-Unis et l’Europe, en refusant tout contact avec le Hamas,
exercent des pressions sur le côté palestinien, et donnent à
Israël la liberté de faire ce qu’il veut. Et c’est le peuple
qui en paye le prix .
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