Moyen-Orient . La Maison-Blanche, qui ne sait
comment se sortir du chaos irakien, veut donner des gages à
ses alliés arabes dans la région pour éviter de discuter
avec Damas et Téhéran.
George W. Bush et Condoleezza Rice se sont réparti
les tâches. Au président le volet irakien, à la secrétaire
d’État le dossier israélo-palestinien. Le premier s’est
donc rendu en Jordanie pour y rencontrer tout d’abord l’un
de ses fidèles alliés dans la région, le roi Abdallah II,
puis le premier ministre irakien, Nouri Al Maliki. Une
rencontre un temps ajournée après la divulgation d’un
rapport d’un proche de la Maison-Blanche qui, en substance,
instille l’idée que Maliki n’est pas à la hauteur de la
situation ! Le rendez-vous a tout de même eu lieu. Le
compte rendu est pour le moins indigent. « Nous avons
intérêt à faire prévaloir la liberté au Moyen-Orient, et
d’abord en Irak. C’est la raison pour laquelle l’idée
d’une sortie élégante est totalement irréaliste »,
a fait valoir Bush, en ajoutant : « Le premier
ministre a clairement dit qu’un partage de son pays, proposé
par certains, ne correspondait pas à ce que veulent les
Irakiens et que toute partition aboutirait seulement à une
aggravation des violences de type religieux. C’est aussi mon
avis. »
Bush a précisé qu’ils étaient aussi
d’accord pour accélérer l’instruction des forces de sécurité
irakiennes et le processus de délégation de la sécurité
aux Irakiens. L’armée américaine, a-t-il dit, est en Irak
pour « que le travail soit fait » et elle y
restera tant que le gouvernement de Bagdad le souhaitera. Ce
qui tombe bien puisque le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé,
mardi, dans un vote unanime de la résolution présentée par
les États-Unis, de proroger d’un an le mandat de la force
multinationale en Irak.
Appui sur les pays arabes sunnites amis
En réalité, l’essentiel n’est pas là.
Pour tenter de gagner les bonnes grâces des groupes sunnites
en Irak, Bush entend s’appuyer sur les pays arabes sunnites
amis, ce qui lui éviterait des discussions avec Damas et Téhéran,
comme d’aucuns le suggèrent, à commencer par le Groupe
d’étude sur l’Irak, que préside James Baker. Pour cela,
il doit donner des gages. Le week-end dernier, son vice-président,
Dick Cheney, a ainsi dû se rendre d’urgence en Arabie
saoudite, quasiment convoqué, Riyad étant particulièrement
soucieux des dommages que le conflit en Irak provoque dans la
région.
L’administration américaine veut donc la
peau de Moktada Sadr, ce chef chiite de l’armée du Mahdi,
peut-être pas tant à cause des exactions commises par ses
hommes que par ses prises de position, en apparence
contradictoires. Il a toujours dénoncé l’occupation et il
a montré sa sympathie à l’opposition armée alors que,
dans le même temps, il participait au processus politique mis
en place par les États-Unis et au combat des groupes armés.
Son mouvement est chiite mais il tient un discours
nationaliste, il ne cache pas son hostilité aux autres
acteurs chiites - l’ayatollah Sistani et le Conseil suprême
de la révolution islamique en Irak (CSRII) - et il recueille
le respect de nombreux sunnites. Fort de 32 députés sur 275
à l’Assemblée, il vient de suspendre la participation de
ses cinq ministres au gouvernement.
Bush doit lâcher du lest
Pour donner des gages à ses alliés sunnites
dans la région, George W. Bush sait aussi qu’il doit lâcher
du lest pour la résolution du conflit israélo-palestinien.
C’est le job de Rice qui a su faire discrètement pression
sur le premier ministre israélien, Ehud Olmert, pour qu’il
apparaisse comme celui qui tend la main de la paix, et elle
est venue rencontrer, hier, le président palestinien, Mahmoud
Abbas, à Jéricho. Condoleezza Rice, après avoir félicité
Abou Mazen pour ses efforts en vue de l’établissement du
cessez-le-feu dans la bande de Gaza, a évoqué avec son
interlocuteur palestinien les possibilités « d’intensifier
nos efforts pour soutenir nos engagements pour permettre de
progresser vers une solution fondée sur deux États. (...) La
création d’un État palestinien viable, indépendant, démocratique
et en paix, au côté d’Israël, ne sera pas uniquement une
réalisation remarquable mais une réalisation juste ».
Elle a par ailleurs insisté à plusieurs reprises sur la nécessité,
selon elle, « d’accélérer » et « d’intensifier
les efforts » en vue de parvenir à un accord de paix.
Fort de ce soutien pourtant très vague - ce n’est pas la
première fois que les États-Unis évoquent une telle éventualité » -,
Mahmoud Abbas a laissé entendre qu’il avait décidé
d’interrompre les négociations avec le Hamas pour la
formation d’un gouvernement d’union nationale et qu’il
allait consulter le conseil suprême de l’OLP pour décider
de la marche à suivre.