Si les Palestiniens s’attendaient à une inévitable percée du
Hamas aux élections législatives, ils croyaient
tout de même que la majorité de leurs élus, allait être
issue du Mouvement national palestinien. C’est ce dernier
qui a mené, sans succès, la lutte pour la libération de la
Palestine durant des décennies,
parvenant tout de même à inscrire la reconnaissance des
droits du peuple palestinien sur l’agenda des puissants de ce
monde. C’est encore lui qui, en tant que représentant des
Palestiniens, tant sous occupation que dans les camps et dans la
diaspora, a offert, dès 1988, lors du Congrès National Palestinien
réuni à Alger, la reconnaissance de l’état d’Israël.
Vaincus, les Palestiniens n’ont d’autre choix que celui
d’admettre leur défaite. Ils finissent par croire que seul "le
compromis historique" qui consiste à proposer
reconnaissance, paix et légitimité à Israël en échange d’une
partie de la terre palestinienne, la Cisjordanie et la bande de
Gaza, pourrait leur permettre de se construire un état indépendant
et recouvrer une partie de leurs droits nationaux. Rappelons que ce
compromis s’inscrit totalement dans le respect du droit
international et qu’Israël, même vainqueur, a pour obligation de
le respecter et cela depuis 1948.
La fin
du temps de la proposition
Depuis les
accords d’Oslo, les Palestiniens, devenus fréquentables, sont
admis à la table des négociations. Dès lors, le défi qui leur
est posé, c’est celui de bien fixer la limite à ne pas franchir
pour que le processus d’acceptation et de concession
ne se transforme pas en processus de disparition politique.
Pourtant, dans l’espoir d’obtenir le départ de l’armée
d’occupation et l’acceptation par Israël des résolutions de
l’ONU, la direction palestinienne n’a cessé de faire
des concessions. De son côté, qu’a proposé Israël aux
victimes palestiniennes en échange du compromis historique?.
Leur a-t-il reconnu le statut de victimes?. Leur a-t-il, depuis
1948, adressé, une seule fois, un mot de compassion?. Quels droits
leur a-t-il reconnu ?.
Le
triple échec
Rappelons que
l’Autorité Palestinienne, installée dans les territoires occupés,
depuis les accords d’Oslo de 1993, est dépourvue de toute
souveraineté et que son seul pouvoir réel est celui de gérer la
manne financière que lui procure généreusement
l’Occident. D’ailleurs, c’est ainsi qu’elle a eu tout
le temps de faire preuve de ses talents dans la corruption et le
clientélisme en tout genre. Une Autorité, dominée par une culture
politique archaïque, dépassée par sa propre politique, incapable
de donner le moindre argument justifiant sa totale soumission aux
vainqueurs, ne peut que perdre des élections démocratiques. Quant
au Hamas, un mouvement politico-militaire islamiste, doté d’un
projet basé sur un
Islam politique radical pour la société palestinienne, il a
beaucoup d’arguments pour gagner ces mêmes élections.
L’arrivée
du Hamas au mini pouvoir palestinien constitue moins une
menace réelle pour
Israël que le constat d’échec de la société palestinienne
elle-même. C’est l’échec de tous les démocrates palestiniens
qui, malgré l’occupation, l’humiliation et la misère,
croyaient en une
formidable résilience culturelle et oeuvraient
pour la construction d’un projet de société ouverte et
moderne. C’est aussi l’échec de l’Occident qui ne cesse
d’exceller dans sa politique de "Deux poids, Deux
mesures", et son absence de volonté d’imposer la paix,
une paix d'ailleurs réduite à un processus qui devient une finalité
en soi. Enfin c’est l’échec du camp de la paix en Israël qui
n’a pas su répondre à l’appel des Palestiniens, lesquels étaient,
contre vents et marées, prêts à signer le compromis historique
avec lui.
Enfin, cela
annonce de longues années
d'occupation et de
terreur: Israël et ses alliés américains n’auront plus à
justifier l’occupation et la colonisation des territoires
palestiniens ni la non application du droit international par Israël.
De plus, ils prétexteront que l’arrivée du Hamas à la tête de
l’Autorité Palestinienne, impose, avant toute autre chose, qu'il
reconnaisse I’existence d’Israël. Cela rappellera aux
Palestiniens le temps où ils étaient infréquentables, cela leur
confirmera qu’en plus de cette reconnaissance, il leur faudra
faire chaque jour preuve de bonne foi. Il sera désormais bien plus
facile de croire ou de laisser croire que l’avenir des
Palestiniens ne dépend que d’eux, ce qui, loin d’être vrai,
constituerait une injustice de plus que le monde leur infligerait.
La
responsabilité des vainqueurs ne se limite pas à constater les
faits, ils doivent avant tout être responsables des conséquences
de leur propres victoires : celle déjà énorme et ancienne
d’Israël, et celle, petite
et récente, du Hamas.
C’est
pourquoi, la balle est aussi et surtout dans le camp d’Israël et
celui des puissants de ce monde.
* Nabil
El-Haggar est Maître de conférences à l'Université de Lille,
conseiller municipal, il est d'origine palestinienne
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