Palestine - Solidarité

   



Pour que nous n’ayons pas la nausée nous aussi !
Mohamed Salmawy

 


"J’ai été ravi de l’attaque lancée par le premier ministre britannique, Tony Blair, contre le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui a appelé à rayer Israël de la carte. Pour Blair, ces déclarations sont « inacceptables » et lui donnent la nausée. Cette position m’a donné confiance que la conscience britannique s’est finalement réveillée et qu’elle refuse désormais ce qu’a subi la Palestine qui a été rayée de la carte du Moyen-Orient il y a un demi-siècle, sans que la Grande-Bretagne n’ait eu la nausée."

Je viens d’effectuer une visite éclair en Finlande pour participer à l’inauguration de la Foire du livre de Helsinki. Bien que l’occasion ait été purement culturelle, au cours de laquelle j’ai prononcé un discours sur la civilisation égyptienne, j’ai remarqué que la plupart des journalistes et des visiteurs de cette foire s’intéressaient à la politique. En effet, l’ouverture de la foire a coïncidé avec les déclarations du président iranien, qualifié d’ultra-conservateur par l’Occident. Ahmadinejad a attaqué non seulement Israël, mais aussi les pays musulmans qui entretenaient des relations avec Israël. « Israël doit être rayé de la carte, comme l’a dit l’imam Khomeiny », a-t-il lancé. Dans le discours prononcé devant quelque 4 000 étudiants, Ahmadinejad a déclaré : « La nation islamique n’acceptera pas que son ennemi historique vive dans son cœur ».

A peine quelques heures plus tard, toutes les capitales occidentales affichaient leur refus et leur condamnation des déclarations iraniennes. Cependant, aucun responsable n’a abordé le contenu des déclarations du président iranien sauf le premier ministre israélien, Ariel Sharon, et son homologue britannique Tony Blair. Sharon a saisi l’occasion pour confirmer que l’Iran représentait une menace non seulement pour Israël, mais aussi pour le monde entier et qu’il fallait à tout prix arrêter immédiatement son programme nucléaire.

Quant à Tony Blair, il a dit que la position iranienne était inacceptable et qu’elle pourrait inciter des parties - qu’il n’a pas nommées - à entreprendre des mesures répressives contre ce pays. Blair a également dit qu’il a eu la nausée en écoutant ces propos et que les Européens sont très en colère parce que l’Etat hébreu fait l’objet de telles menaces.

Les déclarations de Blair m’ont réconforté, d’autant plus que la Grande-Bretagne a joué le plus grand rôle dans l’établissement de l’Etat d’Israël sur les décombres d’un autre pays, la Palestine, qui a été rayée de la carte. A tous ceux qui, à la foire de Helsinki, me demandaient mon avis sur la question, je leur répondais que nous, dans le monde arabe, nous ne pouvons qu’être ravis de toute position européenne refusant qu’un pays soit rayé de la carte, d’autant plus que nous en avons été les premières victimes. J’ai dit à mes interlocuteurs que je m’attendais à ce que la déclaration de Blair soit suivie d’une autre identique concernant un autre pays de la région qui a été effectivement rayé de la carte, la Palestine. Cette Palestine dont les habitants essayent depuis plus d’un demi-siècle de la remettre sur la carte en s’appuyant sur le même principe prononcé par Blair.

J’ai été étonné d’entendre un professeur d’université me dire qu’il n’avait jamais pensé à cette comparaison et qu’il est probable que cette même idée n’ait jamais effleuré l’esprit de Tony Blair. Je lui ai dit que la seule et unique différence entre les deux cas, c’est que la menace contre Israël est verbale, alors que la menace contre la Palestine est réelle et a été appliquée. Et je n’imagine pas une seconde que les propos de Blair s’appliquent aux seules « menaces » et ignorent les « actes ». Sinon ce sera une farce.

Une farce que l’Histoire tend toutefois à confirmer. Les tenants du sionisme n’ont jamais déclaré qu’ils œuvraient à rayer la Palestine de la carte. Ils prétendaient au monde qu’ils établissaient leur Etat sur une terre déserte, comme si le Bon Dieu leur avait réservé une terre vide d’habitants au beau milieu d’une région à haute densité démographique !

Avant la création d’Israël, la Palestine comptait 2 millions d’habitants, dont les deux tiers étaient des Arabes et le tiers des juifs, dont la plupart étaient des émigrants qui avaient fui la persécution nazie. Après la création de l’Etat hébreu en Palestine, il ne restait, après les massacres perpétrés par les sionistes, que 150 000 Palestiniens, soit 11,2 % des habitants originaux. Tout ceci sans que personne n’ait la nausée.

Les habitants arabes représentent aujourd’hui en Israël environ 20 % de la population. Ils ne disposent d’aucun droit de citoyenneté sur leur terre natale, celle de leurs parents et de leurs aïeux. En même temps, les juifs se vantent d’être le seul Etat démocratique de la région.

La colonisation juive des terres de la Palestine s’est poursuivie depuis le début des années 1940 et jusqu’à nos jours. Le gouvernement israélien actuel poursuit cette même politique. Il expulse les Palestiniens de leurs maisons et annexe leurs terres sans se soucier du droit international qui interdit toute modification dans les aspects démographiques des territoires sous occupation. Ceci est-il « acceptable », alors que la menace de le faire est « inacceptable » ? Depuis les années 1940 et jusqu’aujourd’hui, Israël n’a jamais annoncé qu’il allait rayer la Palestine de la carte, et c’est pourquoi aucun leader européen n’a ressenti la nausée. Si, après avoir rayé la Palestine de la carte, Israël avait annoncé qu’il continuerait son travail à Jérusalem et en Cisjordanie, Tony Blair se serait immédiatement dressé contre lui et aurait annoncé haut et fort que cette politique était inacceptable et nauséabonde.

J’ai trouvé, à la foire de Helsinki, le nouveau livre du célèbre journaliste britannique Robert Fisk sur le Moyen-Orient (*), intitulé La Grande guerre pour la civilisation. Un titre sarcastique complété par un sous-titre révélateur : L’invasion du Moyen-Orient. Dans son livre, Fisk dit ouvertement que les peuples arabes sont les victimes de ceux qui prétendent défendre la civilisation. Selon lui, les principales victimes sont les Palestiniens, dont le pays a été effacé de la carte par Israël et ses alliés occidentaux.

L’erreur commise par le président iranien est de n’avoir pas appris la leçon que le monde arabe a retenue. Nous sommes plus attachés à ce que nos alliés occidentaux ne soient pas pris de nausée à cause de nos déclarations. Personne au monde arabe n’appelle aujourd’hui à effacer Israël de la carte, même si l’Etat hébreu continue à le prétendre à la moindre occasion.

Quelle est la leçon que le président iranien doit apprendre de la situation actuelle ? La leçon israélienne nous apprend à ne pas brandir la menace de rayer un pays de la carte, mais d’appliquer effectivement cette menace. Personne ne protestera alors. Par contre, l’expérience arabe nous dit qu’il ne faut ni menacer, ni agir. Mais il semble que leprésident iranien a choisi une troisième voie, celle que nous avions abandonnée depuis des années : menacer et ne rien faire ; ce qui donne effectivement la nausée. J’ai dit à tous ceux que j’ai rencontrés à Helsinki que nous devons saluer Blair pour sa position et l’encourager à poursuivre sur cette voie humaine et noble qui rejette le principe de rayer un pays de la carte.

Tony Blair, pris par un réveil de conscience, s’est fermement élevé contre les déclarations du président iranien. Et le voilà qui prépare un communiqué sur lequel tous les dirigeants européens, réunis au cours d’un sommet en Grande-Bretagne, ont apposé leur signature. Ils ont cautionné ainsi un principe qui ne peut que recueillir l’unanimité, surtout lorsqu’on l’applique à deux Etats voisins : Israël et la Palestine. Espérons que les leaders européens auront dans l’esprit cette idée afin que le reste du monde ne soit pas pris de nausée.

* "La guerre pour la civilisation - L’occident à la conquête du Moyen-Orient (1979-2005)"
Edition La Découverte.


Mohamed Salmawy - Al Ahram hebdo
Rédacteur en chef Al-Ahram Al-Ahram Hebdo Mercredi 6 Novembre, 200 - Numéro 582
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2005/11/2/carr1.htm

 


Source : liste Palestine vivra
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