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Jérusalem sera-t-elle un jour
capitale de la Palestine?
Marianna Belenkaïa
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud
Abbas a annoncé la tenue d'un référendum sur le "Document
de concorde nationale" qui propose de créer un Etat
palestinien indépendant avec comme capitale Jérusalem Est et
dans les frontières d'avant la guerre arabo-israélienne de 1967.
La décision de Mahmoud Abbas a suscité des débats animés au
sein de l'establishment palestinien. Mais il est évident que la
majorité des simples Palestiniens se prononcent en faveur du référendum.
Comme il ressort des sondages d'opinion effectués par l'Université
palestinienne Bir-Zeit, 77% des Palestiniens soutiennent l'idée
du référendum et sont prêts à dire "oui" au
"Document de concorde nationale".
Que signifie ce "oui" et de quel document s'agit-il?
Les Palestiniens sont prêts à voter pour la formation d'un
gouvernement d'union nationale et la cessation des guerres
intestines entre divers groupements qui ne se limitent pas aux
locaux du parlement, mais sortent jusque dans les rues des villes
palestiniennes et font des victimes parmi la population. Ils espèrent
également (comme l'affirme au moins Mahmoud Abbas) que le blocus
économique imposé aux territoires palestiniens sera levé après
l'adoption du document. Ce blocus a été introduit par la
communauté internationale après la victoire remportée aux élections
législatives de janvier dernier par le Mouvement islamique de résistance
(HAMAS) qui refuse de reconnaître l'Etat d'Israël.
Formellement, le président de l'Autorité palestinienne a
raison. La proclamation de l'Etat palestinien dans les limites de
1967 serait une reconnaissance implicite par les Palestiniens du
droit d'Israël à l'existence. De plus, c'est l'une des
conditions principales de la levée du blocus. Mais le fait est
que la communauté internationale l'exige non pas des
Palestiniens, mais du HAMAS, mouvement qui, avec le "Djihad
islamique", a l'intention de boycotter le référendum. Les
islamistes palestiniens avaient pourtant dans un premier temps
presque apposé leur signature au bas du "Document de
concorde nationale".
Rappelons qu'il a été élaboré par de hauts représentants
de divers groupements palestiniens qui se trouvent dans les
prisons israéliennes. Il s'agit de l'unique document national
signé par des membres du FATAH, du HAMAS, du "Djihad
islamique" et des Fronts démocratique et populaire de libération
de la Palestine (FDLP et FPLP). Pour la première fois, les représentants
des islamistes palestiniens ont officiellement parlé de la
possibilité de proclamer l'Etat dans les frontières de 1967.
Avant cela, ils ne considéraient ces frontières que comme un
objectif intermédiaire.
Mais ce document des prisonniers n'a pas acquis le statut de
base pour les accords entre les leaders palestiniens qui sont en
liberté: ceux qui vivent sur le territoire contrôlé par
l'Autorité palestinienne et les émigrés. Aussitôt après
l'annonce par Mahmoud Abbas de la date du référendum, les
membres du HAMAS et du "Djihad islamique" ont retiré
leurs signatures.
La cause de cet état de choses ne réside pas dans les désaccords
au sujet d'Israël et du processus de paix, la vraie raison en est
la lutte pour le pouvoir. Par conséquent, il est peu probable que
le référendum réconcilie les représentants des divers
groupements, même si le peuple vote pour la concorde nationale.
En outre, si la communauté internationale ne voit pas
d'adoucissement de la position des islamistes, l'aide économique
aux Palestiniens restera limitée.
Il se peut qu'en organisant malgré tout le référendum,
Mahmoud Abbas espère que le HAMAS, qui se positionne en tant
qu'interprète des aspirations du peuple, adoucira ses positions.
Il lui sera plus facile de faire des concessions en accomplissant
la volonté du peuple. Ainsi, au cours d'un entretien avec RIA
Novosti, un des hauts fonctionnaires du FATAH, Nabil Shaath, n'a
pas exclu que, si les Palestiniens votaient pour la création de
l'Etat dans les frontières dont il est question, le HAMAS
accepterait plus facilement les négociations palestino-israéliennes.
"Aujourd'hui, ils s'y opposent, mais, peu à peu, ils les
accepteront", a-t-il dit.
Mais, là aussi, il y a des nuances. Le fait est qu'aucune négociation
n'a lieu pour le moment. Même si le HAMAS reconnaît en
perspective Israël et s'il signe le "Document de concorde
nationale", cela satisfera dans une certaine mesure la
communauté internationale, mais pas les hommes politiques israéliens
qui détiennent aujourd'hui le pouvoir. Autrement dit, l'Etat pour
lequel sont prêts à voter 70% des Palestiniens ne pourra pas
apparaître sur la carte, du moins dans un avenir prévisible.
Deux citations reflètent de manière éloquente, dans telle ou
telle mesure, les opinions de la majeure partie de l'establishment
israélien et palestinien. Répondant à une question de RIA
Novosti sur le prochain référendum, Nabil Shaath a déclaré que
le "Document de concorde nationale" supposait qu'Israël
devrait se retirer de tous les territoires occupés après la
guerre de 1967, y compris Jérusalem Est. "C'est le minimum
qui peut être accepté par le peuple palestinien. Il ne peut être
question que de l'échange de 1 à 2% de territoires, pas
plus", a-t-il dit. Exposant, au cours d'une conférence de
presse à Londres, son plan d'évacuation des colonies juives des
territoires occupés en Cisjordanie, le premier ministre israélien
Ehud Olmert a déclaré: "Nous n'accepterons jamais de nous
retirer de tous les territoires, car il est impossible de défendre
les frontières de 1967". Selon Ehud Olmert, les Israéliens
envisagent d'évacuer leurs colonies de 90% du territoire de la
Cisjordanie, alors que les 10% restants feront l'objet de négociations
avec les Palestiniens. Ce n'est un secret pour personne qu'Israël
a l'intention de conserver les colonies les plus importantes sur
le territoire occupé, ce qui a été soutenu par les Etats-Unis,
alors que la question du partage de Jérusalem ne figure pas à
l'ordre du jour.
Autrement dit, le référendum gravera dans la conscience des
Palestiniens un rêve qui se révèle impossible à réaliser dans
un proche avenir. Aujourd'hui, il est difficile de penser que les
Israéliens puissent accepter le partage de Jérusalem et la
restitution de tous les territoires occupés. "Si cela ne se
produit pas, nous poursuivrons notre lutte", a déclaré à
RIA Novosti Jamila Saidam, députée du parlement palestinien. Il
est significatif qu'elle ne soit pas membre du HAMAS.
Alors pourquoi organiser un référendum? Uniquement pour
montrer au monde que la majorité des Palestiniens souhaitent la
paix et qu'ils n'ont nullement l'intention de rayer Israël de la
carte? Si cela adoucit quelque peu la position des pays qui ont
imposé un blocus aux Palestiniens, ce sera déjà utile. Mais que
ressentiront les Palestiniens, si, en manifestant, une nouvelle
fois, leur choix démocratique devant le monde, ils n'obtiennent
ni la paix, ni la sécurité, ni la stabilité économique et
politique, ni la concorde nationale?
© 2005 RIA
Novosti
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