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Le problème c’est Israël, pas le Hamas
Khalid Amayreh


Le jeudi 26 janvier, le monde a été choqué d’apprendre que le mouvement palestinien de la résistance islamique, le Hamas, avait battu le Fatah, son principal rival aux élections législatives palestiniennes. 

Tous les observateurs avaient prédit que le Hamas aurait des résultats significatifs et serait même très proche du Fatah, le parti gouvernant dans l’Autorité Palestinienne (AP). Personne -- et peut-être très peu de monde parmi les dirigeants du Hamas -- ne s’attendait à ce que le mouvement islamique emporte 74 sièges sur les 132 soumis au scrutin.

En effet, il est possible de dire sans exagération que le Hamas s’est surpassé, l’énormité de la victoire prenant le mouvement par surprise, déséquilibrant sa direction, du moins durant les premiers jours qui ont suivi les élections. Il est certain que le Hamas n’avait pas espéré un tel succès et n’avait certainement pas planifié ce raz-de-marée. Le Hamas avait dit à plusieurs reprises qu’il souhaitait se retrouver en position d’influencer le gouvernement palestinien, et non pas de se retrouver dans ce gouvernement.

Lors des entrevues organisées avec la presse avant le jour du scrutin, les responsables et les candidats du Hamas faisaient part de leur espoir de gagner entre 50 et 55 sièges, ce qui aurait permis au mouvement de jouer le rôle d’une forte opposition face à un gouvernement supposé être mis en place par le Fatah. Il est maintenant évident que le Hamas lui-même a mal apprécié l’importance du rejet de l’Autorité Palestinienne par les Palestiniens, du fait de l’incapacité de celle-ci à gouverner et à mettre un terme à l’occupation israélienne.

La corruption endémique ainsi qu’un ensemble de griefs vis à vis de l’AP -- le népotisme rampant, le favoritisme, le détrournement de fonds, le chaos chronique et l’absence de sécurité des biens et des personnes - ont eu un impact profond sur le choix des électeurs. Mais il est vrai également que les raisons sous-jacentes à ce phénomène électoral sont avant tout liées à la sauvagerie de l’occupation israélienne qui n’est rien de moins qu’un acte de vol, et à l’incapacité de l’AP non seulement de mettre un terme à cette occupation mais simplement d’atténuer les effets brutaux de cette occupation qui impactent tous les aspects de la vie des Palestiniens.

En effet, depuis la signature des accords d’Oslo remontant maintenant à 10 ans, Israël a confisqué 50% de la Cisjordanie et à implanté des dizaines de colonies juives habitées par des talmudistes fanatiques dont beaucoup considèrent les non-juifs comme de la vermine et des animaux qui devraient être exterminés. De plus, Israël a réellement privé les palestiniens de leurs libertés et de leurs droits en tant qu’êtres humains tout en enfermant des milliers de prisonniers politiques dans des camps de détention sans accusation ni procès.

Cette accumulation des politiques répressives israéliennes, ainsi que a frustration liée à l’échec et à la futilité d’unprocessus de paix qui n’a fait que donner une couverture au traitement génocidaire israélien vis-à-vis des Palestiniens, expliquent la sanction appliquée au Fatah et la victoire du Hamas. En vérité, le Hamas ne pourra pas réaliser de miracles pour le peuple Palestinien, et particulièrement en ce qui concerne l’occupation israélienne. Le Hamas n’a jamais promis de libérer Jérusalem ou de faire revenir avec compensations les millions de réfugiés dans les quatre années à venir. Le Hamas a été cependant élu sur la base d’une plateforme « Changement et Réforme » promettant de mettre de l’ordre dans la maison palestinienne, ce qui est sans aucun doute le premier pas vers la libération nationale.

Le Hamas devra faire face à de nombreux défis, spécialement ceux venant des Etats-Unis et de l’Union Européenne sous la forme de menaces de restreindre l’aide économique à une Autorité Palestinienne dominée par le Hamas. Le Quartet, dont les membres (les Etats-Unis, la Russie, les Nations Unies et l’Union Européenne) se sont réunis à Londres le lundi 30 janvier pour discuter de la montée en puissance pouvement islamique, ont demandé au Hamas d’abandonner la résistance armée et de reconnaître l’état d’Israêl. En plus, les israéliens ont décidé de retenir les si nécessaires 40 millions de dollars mensuels qu’ils doivent comme retour de taxes, apparemment dans le but d’aggraver la crise économique à laquelle le Hamas va devoir faire face après ces élections, et de façon à signifier au peuple Palestinien qu’Israël est le seul vrai patron, et non pas un quelconque gouvernement palestinien.

Le Hamas est déjà en train d’essayer d’éviter un choc frontal avec la communauté internationale, surtout en l’absence de même un semblant de solidarité de la part du monde Arabe. Les dirigeants du Hamas en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ont gagné en sérieux en assurant la communauté internationale que le mouvement respecterait les engagements internationaux de l’AP, mais en demandant en même temps que le monde respecte le libre choix du peuple Palestinien. Cette semaine, les candidats islamiques vainqueurs aux élections ont déclaré à la presse occidentale réunie en Palestine pour couvrir le « tsunami palestinien » que le Hamas prouvera qu’il est une force de modération et pacifique, et que le mouvement fera le nécessaire pour faire oublier son image négative.

Sur le front domestique, le Hamas cherche à mettre sur pied la coalition la plus large possible pour gouverner, en intégrant probablement des universitaires et des techniciens non étiquettés comme « terroristes ». Le Hamas a aussi sollicité le Fatah pour qu’il se joigne à ce nouveau gouvernement, disant avec raison que le poid que représente la responsabilité de gouverner le peuple Palestinien dépasse la capacité d’une seule organisation. Le Fatah, aigri par sa défaite cinglante, a jusqu’à maintenant refusé de faire partie d’un gouvernement tel qu’il est voulu par le Hamas, sous le prétexte que le Fatah devrait laisser son « ennemi » et « rival » pour que celui-ci « fasse face à son destin ». « Laissez-les chuter, de façon à ce que les gens puissent voir », a dit un candidat du Fatah en colère. Il est cependant probable que quelques dirigeants du Fatah se joidront tôt ou tard à un gouvernement dominé par le Hamas, soit par souci de responsabilité nationale soit pour obtenir des charges publiques.

Il n’y a aucun doute sur le fait que le Hamas va devoir naviguer avec prudence dans les eaux troubles d’un gouvernement sous occupation et d’un environnement internationale hostile. Pour y parvenir, le Hamas devra faire preuve d’une certaine dose de pragmatisme, ce qui peut comprendre une reconnaissance de facto de l’état israélien.

Il n’ y a pas de garantie d’une quelconque réciprocité de la part des israéliens. Israël est persuadé que la victoire du Hamas représente un danger, non pas à cause de ses « objectifs violents » ni par sa non-reconnaissance d’Israël (que les israéliens utilisent dans leur propagande) mais plutôt parce qu’avec le Hamas au gouvernement, Israël ne pourra pas appliquer son chantage habituel vis à vis l’Autorité Palestinienne.

Il est inutile de dire que les israéliens préfèrent un partenaire faible qui peut être aisément manipulé, qui accepterait quelques accords fonctionnels par-ci par-là, et même une extension de l’occupation israélienne si celle-ci était un peu moins dure, à la place d’une vraie libération d’un colonialisme criminel et inhumain ; les israéliens préféreraient assurément n’avoir à fournir que quelques vagues engagements par rapport à un Etat Palestinien sans frontières identifiées et sans substance. Le Hamas ne sera ssurément pas ce genre de partenaire et insistera sur l’obligation d’un retrait israélien complet sur les frontières d’avant 1967, ce qui comprend la libération de Jérusalem-Est. C’est cela le vrai souci d’Israël, et non pas la résistance armée du Hamas et son refus de reconnaître Israël.

C’est la raison pour laquelle Israël utilisera tout dérivatif, tout chiffon rouge possible pour éviter de faire face à la réalité, à savoir prendre une position stratégique face à la nécessité de rendre la terre palestinienne volée et spoliée depuis la geuerre de 1967.

 
Khalid Amayreh
3 février 2006 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2006/780...
Traduction : Claude Zurbach


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2143


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