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Jerusalem Post, 30 mai 2005
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
La visite de Mahmoud Abbas à Washington
est, pour le sionisme, la première bonne nouvelle depuis longtemps.
Il faut féliciter George Bush pour avoir appelé Israël, devant
l'insistance du leader palestinien, à cesser toute activité de
colonisation, y compris à Jérusalem, et avoir précisé que le
territoire palestinien devait avoir une continuité territoriale,
dont un lien réel entre Gaza et la Cisjordanie. Bush a compris que
c'était la seule voie vers la paix, et il faut l'en féliciter.
Si, un jour, nous arrivons à nous retrouver autour d'une table de négociations,
il faudra mettre au crédit d'Abbas et de Bush le sauvetage du
sionisme en défendant la seule solution rationnelle au conflit :
deux Etats viables pour deux peuples.
Il est clair que, sans intervention américano-palestinienne, Ariel
Sharon, par son entêtement à s'emparer d'importantes portions de
la Cisjordanie, nous conduira au suicide. Même si les colons ne le
voient pas, Sharon est persuadé qu'il peut se débarrasser du
fardeau de Gaza et, en échange,
conserver une bonne partie de la Cisjordanie, ainsi qu'il l'a déclaré
: nous prendrons Goush Etzion, nous prendrons Ariel, nous prendrons
la totalité de Jérusalem, nous prendrons et nous prendrons encore.
Si Sharon pense que les Palestiniens et le monde accepteront cela,
il se trompe lourdement.
Mais supposons qu'il a raison, et supposons aussi que ses appels aux
Juifs de la diaspora à venir en Israël portent leurs fruits et
qu'ainsi, la menace démographique soit réduite pendant quelques
années. Combien de temps cela prendra-t-il avant que tout le monde
se rende compte que l'option de deux Etats pour deux peuples n'est
plus viable?
Des gens comme Gideon Ezra, Meir Shitrit, Ehoud Olmert (tous du
Likoud) et Sharon lui-même ont fini par admettre que la
colonisation de Gaza avait été une erreur. Leur soudaine lucidité
ne vient jamais que 30 ans trop tard. Combien de temps mettront-ils
pour parvenir à la même conclusion concernant ,la Cisjordanie?
Sans aucun doute, il y a aujourd'hui du positif dans la
politique d'Israël. Il est probable que, suite au désengagement de
Gaza, l'ordre du jour en Israël passera à la Cisjordanie.
Ehoud Barak a déjà proposé un autre grand plan de désengagement
unilatéral de la Cisjordanie. Barak propose qu'Israël se retire
derrière la barrière de séparation et annexe 10% de la
Cisjordanie. Si Barak, semble-t-il, n'a que peu de chances de
revenir au pouvoir, il est probable que ses propositions passent très
bien auprès de l'opinion israélienne.
Sharon, Barak et d'autres vont tenter de nous convaincre qu'Israël,
après tout, ne prend que 10% de la Cisjordanie et que Gaza n'est
plus occupée. Mais la quantité n'est pas tout, et ce n'est pas la
présence physique d'Israël à Gaza qui détermine si, oui ou non,
l'occupation est terminée.
10%, ce n'est pas beaucoup, c'est vrai, mais sans Jérusalem Est, y
compris la Vieille Ville, aucun Palestinien au monde n'acceptera de
faire la paix. 10%, ce n'est pas beaucoup, mais si ces 10% coupent
le territoire palestinien en plusieurs morceaux et laissent des
cantons palestiniens
entourés de colonies et de routes de contournement israéliennes,
il n'existe aucune chance d'y créer un Etat palestinien viable.
Si Israël quitte Gaza mais y contrôle les entrées et les sorties,
et empêche les Palestiniens de disposer d'un aéroport et d'un port
maritime, ce n'est pas la fin de l'occupation, mais un simple redéploiement
de l'occupation. S'il n'y a aucun lien réel et libre entre Gaza et
la Cisjordanie, il ne peut pas y avoir d'Etat palestinien viable.
La paix a un prix, et tout le monde le connaît. Il n'y a ni secrets
ni formules magiques. Ou nous payons le prix, ou il n'y aura pas de
paix.
Il y a aussi une limite de temps. Non que le prix augmente avec le
temps, mais la possibilité de payer ce prix disparaît à mesure
que le temps passe, et avec elle la possibilité de faire la paix.
Il y a des deux côtés, bien sûr, des messianistes qui disent
qu'il faut attendre, parce que le temps joue pour eux. Il y a ceux
qui proclament que Dieu interviendra et nous protégera, mais il est
peu probable que Dieu intervienne, il aura eu bien des occasions de
peser le pour et le contre.
Il y a une autre sorte de messianistes, qui parlent d'un Etat
bi-national. Ces rêveurs, eux aussi, vivent dans un monde
imaginaire. Il n'existe pas de solution d'Etat bi-national, et ceux
d'entre nous qui habitent le monde réel savent que c'est à nous de
prendre notre sort entre nos mains.
Mahmoud Abbas a défendu sa cause avec logique et rationalité,
qualités depuis longtemps absentes de la politique au Moyen Orient.
Bush a prononcé les mots justes. Espérons qu'ils se transformeront
en actes qui nous sauveront de nous-mêmes.
Le général William Ward voit son mandat prolongé et commencera à
coordonner les accords de sécurité dans le cadre du désengagement.
Il s'agit d'un premier pas nécessaire à un désengagement
pacifique. Il s'agit aussi d'un premier pas vers la création de l'Etat
palestinien. Ceux d'entre nous qui pensent que c'est la seule manière
d'assurer la sécurité d'Israël doivent s'en réjouir et soutenir
ces mesures positives.
Bush doit maintenant veiller à ce qu'à la fois Israël et les
Palestiniens remplissent leurs obligations prises dans le cadre de
la Feuille de route. Abbas a été satisfait de la position de Bush
sur les négociations d'un statut final. Mais Bush lui a aussi dit
qu'il n'était pas possible de sauter la phase 2 de la Feuille de
route [et passer directement à des négociations pour un règlement
définitif] et qu'il fallait un autre accord provisoire. Il a eu
raison. Dans l'état actuel des choses, les parties ne peuvent en
aucune manière négocier avec succès un accord définitif.
Les Palestiniens doivent se préparer sérieusement à créer leur
Etat. Ils peuvent déclarer leur indépendance sur toute la
Cisjordanie et Gaza, et inclure Jérusalem Est dans cette déclaration.
La Feuille de route ne fixe pas de frontières. Si les Palestiniens
continuent à mettre en oeuvre leurs réformes démocratiques et que
leurs services de sécurité agissent avec une détermination
accrue, nous devons nous préparer à passer à la phase suivante.
Même si Sharon affirme que nous n'avons pas encore entamé la phase
1 de la Feuille de route, la vérité est que nous y sommes bel et
bien, et qu'après le désengagement, Israël devra remplir ses
obligations. Il y a de nombreux avant-postes à évacuer, et il
faudra réellement geler l'expansion des colonies.
Il est facile de prétendre que les Palestiniens n'appliquent pas
leur part de la Feuille de route, mais la réalité montre un déclin
très significatif des violences, et une gouvernance palestinienne
de plus en plus efficace sur le terrain.
Il est temps d'arrêter la rhétorique et de passer à la politique
réelle.
(1) Gershon Baskin est le co-directeur israélien de l'IPCRI
(Israel/Palestine Center for Research and Information. www.ipcri.org
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