Communiqué
Filmer, photographier, enregistrer
les forces de l’ordre dans l’exercice de
leur métier,
est un droit et doit le rester
LDH
Vendredi 21 février 2020
Communiqué commun signé par la LDH
Mediapart a révélé
le 16 février 2020 que Christophe
Castaner, ministre de l’Intérieur,
« envisage[rait] de
contrôler la diffusion des vidéos
[montrant des violences policières].
Selon (…) la Direction générale de la
police nationale (DGPN), une étude
sur des “évolutions juridiques”
est actuellement menée pour rendre
notamment obligatoire le floutage
de tous les agents.”» Une
information démentie par le ministre
le 19 février 2020, mais bien confirmée
par ses propres services quelques heures
plus tard.
Nous, journalistes
– reporters d’images, photojournalistes,
rédacteurs-trices, titulaires de la
carte de presse ou non – associations de
défense des droits humains et usagers
des médias, tenons à alerter l’opinion
publique sur de telles menaces. Il en
va de la liberté de la presse et, plus
largement, du droit d’informer et d’être
informé-e. Le floutage aurait pour
conséquence directe, en premier lieu, de
compliquer et de ralentir fortement la
diffusion des images d’opérations
policières – notamment en matière de
maintien de l’ordre -, de sorte que ces
images seraient bien moins nombreuses à
être mises en circulation.
Or, sans ces
vidéos, la réalité des violences
policières resterait trop souvent
invisibilisée, niée dans son
existence même. Elle l’a trop
souvent été dans les quartiers
populaires d’abord, dans les
manifestations, aux abords des lycées,
sur les piquets de grève, et désormais
contre nous, journalistes de terrain et
associations de défense des droits,
qui les documentons et participons à les
visibiliser, via nos
enregistrements, souvent diffusés sur
les réseaux sociaux et repris par les
médias traditionnels. L’existence
d’images les attestant, et la
possibilité même d’enregistrer et de les
diffuser, rend leur réalité tangible
contre les dénégations répétées des
autorités françaises ces derniers mois,
ces dernières années.
Ces vidéos peuvent
aussi constituer des éléments de
preuve pour la justice, comme pour
la mort de Cédric Chouviat, d’Aboubakar
Fofana, et d’autres victimes.
Alors que la
multiplication des images ces dernières
années a permis à la société entière de
progresser dans la prise de conscience
de l’existence des violences policières,
la publicité de ces images provoque des
réactions visant à renforcer l’anonymat
des forces de l’ordre et participe de
leur impunité. De nombreux-ses
policier-e-s en maintien de l’ordre
opèrent désormais masqués (visages
camouflés, casque, cagoule, numéro de
matricule – RIO – absent), au mépris des
lois et des obligations
déontologiques, notamment rappelés par
le Défenseur des droits.
Il s’agirait, si la
Place Beauvau accédait aux demandes de
certains syndicats de police, de
rendre toujours plus difficile l’accès à
une information indépendante sur le
travail de la police.
Devons-nous
rappeler que la force publique, au
service de tous, doit être observable en
tout temps, par toutes et tous ?
Dans un Etat de droit respectueux du
droit international, la liberté
d’informer, et donc le droit de filmer
la police, prime sur le respect de la
vie privée dès lors qu’il s’agit de
filmer des fonctionnaires de police dans
l’exercice de leur fonction, sans porter
atteinte à leur dignité.
Ce principe a été
exprimé à plusieurs reprises, tant par
l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe, que par le
rapporteur spécial des Nations unies sur
la liberté de réunion et d’association.
Non seulement il
serait dangereux de renforcer l’anonymat
des policier-ères, mais il y a même
lieu, au contraire, de renforcer les
possibilités de leur identification
pour prévenir les violences policières,
notamment via le respect du port du
numéro de matricule (RIO).
Le port de ce
numéro est en effet obligatoire,
conformément à l’article R434-15 du code
de la sécurité intérieure qui dispose
que : « Le policier ou le gendarme
exerce ses fonctions en uniforme. Il
peut être dérogé à ce principe selon les
règles propres à chaque force. Sauf
exception justifiée par le service
auquel il appartient ou la nature des
missions qui lui sont confiées, il se
conforme aux prescriptions relatives à
son identification individuelle. »
Il n’y a aucune
raison pour que de telles études se
poursuivent.
Pour que vive la liberté de la presse
!
Pour que vive le droit à l’information
et le droit d’informer !
Filmer les agents des forces de l’ordre,
sans les anonymiser, dans le cadre de
l’exercice de leur fonction doit rester
un droit !
Paris, le 21
février 2020
Signataires :
collectif Reporters en colère (REC) ;
Syndicat national des journalistes (SNJ)
; Syndicat national des journalistes CGT
(SNJ-CGT) ; Syndicat interprofessionnel
de la presse, des médias, de la culture
et du spectacle (SIPMCS-CNT) ; Syndicat
général des journalistes Force ouvrière
(SGJ-FO) ; CFDT – Journalistes ;
Fédération européenne des journalistes
(EFJ) ; Profession : Pigiste ; collectif
LaMeutePhoto ; collectif OEIL ;
collectif MacadamPress ; collectif Extra
muros ; Mr Mondialisation ; Taranis News
; Là-bas si j’y suis ; Ras-la-Plume ;
Source-média ; Media 25 ; Collectif
YouPress ; Collectif Gerda ;
Acrimed ; Bastamag ; Politis ;
StreetPress ; Radio parleur ; SDJ
Mediapart ; SDJ LeMédiaTV ; SDJ Arrêt
sur images ; Amnesty international ; La
Ligue des droits de l’Homme (LDH) ;
Union syndicale Solidaires ; Attac
France ; Golias Hebdo / Golias Magazine
; Me Arié Alimi ; David Dufresne ;
Sihame Assbague ; Samuel Gontier
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