15 juin 2008
La communauté internationale n’assume pas ses responsabilités
envers les réfugiés irakiens en faisant croire que la sécurité
est rétablie, alors que le pays n’est pas sûr et que les
conditions permettant un retour ne sont pas réunies, a déclaré
Amnesty International ce dimanche 15 juin 2008.
Dans un nouveau rapport intitulé Irak. La crise des réfugiés
irakiens : le discours et la réalité, qui s’appuie sur des
recherches et des interviews réalisées récemment auprès de
réfugiés irakiens, l’organisation déplore que les pays les plus
riches n’apportent pas l’aide nécessaire à ces réfugiés, dont la
plupart ont perdu tout espoir et sombrent dans le dénuement.
« Alors qu’ils en avaient l’obligation morale, politique et
légale, les gouvernements n’ont pratiquement rien fait pour
venir en aide conjointement aux réfugiés irakiens, a déclaré
Amnesty International. Beaux discours et apathie ont été, dans
la plupart des cas, les seules réactions à l’un des problèmes
les plus graves de réfugiés dans le monde. »
Le gouvernement de l'Irak et des États ayant participé à
l’invasion de ce pays en 2003, les États-Unis et le Royaume-Uni
en particulier, mettent l’accent sur l’« amélioration » de la
sécurité et les retours « volontaires » en Irak pour des raisons
strictement politiques visant à montrer que l’intervention
militaire a été un succès.
« Les belles paroles ne peuvent pas masquer la réalité, à savoir
que la situation des droits humains en Irak demeure
catastrophique.
Tous les mois, des personnes sont tuées par des groupes armés,
la Force multinationale, les forces de sécurité irakiennes et
des membres de sociétés privées chargées d’opérations militaires
ou de maintien de l’ordre. Enlèvements, tortures, mauvais
traitements et arrestations arbitraires ponctuent le quotidien
des Irakiens. La population essaie toujours de fuir bien que
cela soit devenu très difficile désormais pour les Irakiens
d’obtenir un visa pour la Jordanie ou la Syrie. »
Selon les dernières estimations du haut-commissaire des Nations
unies pour les réfugiés (HCR), le nombre actuel d’Irakiens ayant
fui de chez eux – 4,7 millions – est le plus élevé depuis
l'invasion de l’Irak par la coalition conduite par les
États-Unis et le conflit armé qui a ravagé le pays par la
suite.
En raison, en grande partie, de l’absence de soutien de la part
de la communauté internationale, les deux pays d’accueil les
plus importants, la Jordanie et la Syrie, prennent désormais des
mesures draconiennes et empêchent d’entrer ou expulsent des
personnes risquant d’être persécutées.
Ayant dépensé toutes leurs économies, de nombreux réfugiés
vivent maintenant dans le dénuement le plus complet et sous la
menace de nouveaux dangers tels que celui d’un retour
« volontaire » et le travail des enfants ; de nombreuses
familles ont en effet été obligées d’envoyer leurs enfants
travailler dans la rue pour les aider à survivre.
Les difficultés rencontrées par certains réfugiés dans leur pays
d'accueil les incitent à prendre la décision difficile et
dangereuse de rentrer en Irak, soit temporairement pour
percevoir une pension ou recevoir des vivres, entre autres
raisons, soit pour une plus longue période à cause de leur
situation désespérée, et non parce qu'ils pensent qu'ils ne
risquent plus d'être victimes d'atteintes à leurs droits
fondamentaux en Irak.
Ils prennent cette décision en désespoir de cause.
Militaire chiite à la retraite âgé de soixante deux ans, Majid
est veuf et ses sept enfants, adultes, vivent tous à Bagdad. Il
a déclaré à Amnesty International en février qu’après avoir
cherché refuge en Syrie avec l'équivalent d'un dollar en poche
il avait dû retourner en Irak. Il avait très peur mais ayant
perdu tout espoir il s’était dit « tant pis si je meurs ». Majid
a fui l’Irak en février 2008 après que deux de ses neveux,
Mansour et Sami, âgés de dix-sept et dix-neuf ans, eurent été
décapités par des membres d’un groupe armé au nord de Bagdad.
Ayant épuisé ses économies en Syrie, il n’avait plus rien pour
vivre. C’est en sanglotant qu’il a expliqué à Amnesty
International qu’il n’avait pas d’autre choix que de rentrer en
Irak.
De nombreux pays européens essaient désormais d'expulser des
Irakiens, parfois en direction des zones les plus dangereuses
comme le sud et le centre du pays. En plus de ces interventions
directes pour forcer les Irakiens au retour, ils usent de
méthodes indirectes en leur supprimant les services d'aide
élémentaires ou en rejetant leur demande d’asile pour les
contraindre à un retour « volontaire » en Irak.
La Suède, qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés
irakiens en Europe et pouvait être cité en exemple auprès de ses
voisins, a changé d'attitude et refuse désormais de protéger les
réfugiés irakiens, allant jusqu'à renvoyer certains d'entre eux
dans des zones très dangereuses.
Amnesty International craint vivement que l’absence de réaction
à cette crise n'entraîne une détérioration d’une situation déjà
désastreuse. L’organisation demande donc, entre autres choses, à
la communauté internationale de :
• fournir de manière urgente et durable une aide
financière accrue ;
• mettre fin aux pratiques telles que le renvoi forcé qui
mettent des vies en danger ;
• mettre fin aux pratiques qui entraînent des retours
« volontaires » sous la contrainte ;
• autoriser les personnes à chercher un emploi rémunéré ;
et
• accorder à un beaucoup plus grand nombre de réfugiés
vulnérables la possibilité d'entamer une nouvelle vie dans un
pays tiers.
Amnesty International appelle également les gouvernements de
l’Égypte, de la Jordanie, du Liban et de la Syrie, ainsi que
ceux des autres pays de la région, à laisser entrer librement
les personnes fuyant l’Irak, à mettre fin aux expulsions
d’Irakiens et à permettre aux réfugiés d'entrer sur le marché du
travail.
« La communauté internationale doit s’engager véritablement à
aider les personnes déplacées en augmentant de manière
substantielle son aide financière, en mettant fin aux retours
forcés et aux pratiques conduisant à des retours "volontaires »
sous la contrainte et en leur offrant un plus grand nombre de
possibilités de réinstallation », a conclu Amnesty
International.
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