Amnesty International
L'impunité pour crimes de guerre à Gaza et dans le sud d'Israël
laisse planer une menace sur la population civile
Jeudi 2 juillet 2009
Les forces israéliennes ont tué des centaines de civils
palestiniens non armés et détruit des milliers d’habitations
à Gaza dans le cadre d’attaques qui bafouaient les lois de
la guerre, a conclu Amnesty International dans le nouveau
rapport très circonstancié qu’elle publie ce jeudi 2 juillet
2009 – premier rapport d’envergure qui traite du conflit de
vingt-deux jours ayant éclaté au début de l’année.
« Les autorités israéliennes se montrent peu enclines à
enquêter dûment sur la conduite de leurs troupes à Gaza, y
compris sur les crimes de guerre, et refusent obstinément de
coopérer avec la mission d’enquête indépendante et
internationale de l’ONU dirigée par Richard Goldstone. Il
est clair qu’Israël souhaite se soustraire à un examen
public et à l’obligation de rendre compte de ses actes, a
indiqué Donatella Rovera, qui a conduit une mission de
recherche sur le terrain à Gaza et dans le sud d’Israël
durant et après le conflit.
« La communauté internationale, à l’instigation du Conseil
de sécurité de l’ONU, doit user de toute son influence pour
qu’Israël coopère pleinement à la mission d’enquête de
Richard Goldstone, qui représente actuellement le meilleur
moyen d’établir la vérité. »
Le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont tiré des
centaines de roquettes sur le sud d’Israël, tuant trois
civils israéliens, faisant de nombreux blessés et provoquant
la fuite de milliers de civils. « Ces attaques menées en
toute illégalité constituent des crimes de guerre et
relèvent de l’inacceptable », a ajouté Donatella Rovera.
Fondé sur des éléments de preuve recueillis par les délégués
d’Amnesty International, dont un expert militaire, au cours
de recherches menées sur le terrain en janvier et février
2009, le rapport donne des précisions sur l’utilisation par
Israël d’armes conçues pour les champs de bataille contre
une population civile prise au piège à Gaza, incapable de
fuir.
L’ampleur et l’intensité des frappes contre Gaza étaient
sans précédent. Parmi les 1 400 Palestiniens tués par les
forces israéliennes, on a recensé quelque 300 enfants et des
centaines de civils non armés n’ayant pas pris part au
conflit.
La plupart ont été victimes d’armes de haute précision,
guidées par des drones de surveillance dotés d'optiques
d’une qualité exceptionnelle qui permettent aux opérateurs
de voir leurs cibles en détail. D’autres ont été tués par
des armes imprécises, notamment des obus au phosphore blanc,
qui n’avaient jamais été utilisées à Gaza auparavant et ne
devraient en aucun cas l’être dans des zones à forte densité
de population.
Après avoir enquêté sur plusieurs attaques, Amnesty
International a conclu que les victimes n’avaient pas été
prises entre deux feux durant les affrontements entre
militants palestiniens et troupes israéliennes, pas plus
qu’elles n’avaient servi de boucliers humains à des
militants ou à des objectifs militaires. Beaucoup ont péri
dans le bombardement de leur maison, pendant leur sommeil.
D’autres étaient assises dans leur cour ou étendaient du
linge sur leur terrasse. Les enfants ont été touchés alors
qu’ils jouaient dans leur chambre, sur le toit ou près de
chez eux. Les secouristes et les ambulanciers ont été
agressés à plusieurs reprises alors qu’ils s’efforçaient de
porter secours aux blessés ou de récupérer les corps des
victimes.
« La mort d’un si grand nombre de civils – et d’enfants – ne
peut être simplement qualifiée de " dommage collatéral ",
comme le laisse entendre Israël, a déclaré Donatella Rovera.
De nombreuses questions restent en suspens sur ces attaques
et sur le fait qu’elles se sont poursuivies sans relâche
malgré le nombre croissant de civils tués. »
Les frappes israéliennes ont démoli plus de 3 000 maisons et
en ont endommagé environ 20 000, réduisant en ruines des
quartiers entiers de Gaza et portant le dernier coup à une
situation économique déjà catastrophique. La plupart des
destructions étaient gratuites et non justifiées par une
« nécessité militaire ».
Au cours des cinq derniers mois, l’armée israélienne a
ignoré les demandes répétées d’Amnesty International,
désireuse d’obtenir des informations sur des cas précis
exposés dans son rapport et de rencontrer des responsables
pour débattre de ses conclusions.
« Quant au Hamas, il n’a cessé de justifier les tirs de
roquettes quotidiens de ses combattants et d'autres groupes
armés palestiniens en direction de villes et villages du sud
d'Israël durant le conflit qui a duré vingt-deux jours.
Bien que moins meurtrières, ces frappes utilisant des
projectiles non guidés impossibles à diriger contre des
cibles précises ont violé le droit international humanitaire
et ne sauraient en aucune circonstance être justifiées », a
ajouté Donatella Rovera.
Outre les roquettes artisanales Qassam, les militants
palestiniens ont tiré de nombreux missiles Grad de plus
longue portée, introduits en contrebande à Gaza depuis
l'Égypte par des tunnels. Frappant plus loin sur le
territoire israélien, ils mettaient un plus grand nombre de
civils en danger.
« Durant cinq mois, aucune des parties au conflit ne s’est
montrée disposée à renoncer à ses pratiques ni à respecter
le droit international humanitaire, ce qui laisse présager
que les civils seront une nouvelle fois les premières
victimes si les affrontements devaient reprendre », a averti
Donatella Rovera.
Aux termes du droit international, il incombe aux États
d’appliquer le principe de compétence universelle et
d’ouvrir des enquêtes pénales devant des tribunaux
nationaux, dès qu’il existe suffisamment d’éléments prouvant
que des crimes de guerre ou d’autres crimes relevant du
droit international ont été commis. Ils sont ensuite tenus
d’arrêter les auteurs présumés et de les traduire en
justice.
« Toute personne qui s’est rendue responsable de crimes de
guerre ou d’autres graves atteintes aux droits humains ne
doit pas échapper à son obligation de rendre des comptes,
pas plus qu’à la justice », a renchéri Donatella Rovera.
Dans son rapport, Amnesty International recommande notamment
aux États de suspendre tous les transferts de munitions,
d’assistance et d'équipements militaires à destination
d’Israël, du Hamas et des groupes armés palestiniens – tant
qu’ils risquent de s’en servir pour violer gravement le
droit international.
L’organisation invite Israël à prendre l’engagement de ne
plus lancer d’attaques directes, aveugles ou
disproportionnées contre des civils, de cesser les tirs
d’artillerie, de mortiers et d’obus au phosphore blanc dans
des zones densément peuplées, et de mettre fin au blocus de
la bande de Gaza, qui impose une sanction collective à toute
la population.
Enfin, elle exhorte le Hamas à renoncer à sa politique de
tirs de roquettes illégaux en direction de localités
israéliennes abritant une population civile et à empêcher
les autres groupes armés de se livrer à de telles frappes.
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