Bulletin n° 325
semaine 47 - 2016
LE WORLD POLICY FORUM
Une commission trilatérale à la
française
COMAGUER
Dimanche 27 novembre 2016
Sur le modèle du groupe de
Bilderberg et de la Commission
trilatérale les techniques de domination
mondiale de la classe capitaliste
transnationale sont désormais bien
rodées et le World Policy Forum qui
vient de tenir sa 9°réunion à Doha
fonctionne sur le même modèle.
La différence provient du fait
qu’il s’agit d’une initiative française
et que son multilatéralisme donne une
image des ambitions et des réseaux du
sous-impérialisme français réellement
existant.
A l’origine le patron du principal
think français : Thierry de Montbrial
fondateur et dirigeant de l’Institut
Français des Relations Internationales
(IFRI) qui connait tous les rouages du
Bilderberg et de la Trilatérale pour en
être de longue date un participant
actif. A ses côtés le patron du groupe
Lafarge, multinationale d’origine
française ayant déménagé récemment son
siège social en Suisse suite à sa fusion
avec le cimentier suisse HOLCIM qui a
été un des groupes capitalistes les plus
actifs dans les activités de la
Trilatérale, et le général le plus versé
dans la politique internationale
Jean-Louis Georgelin qui fut chef
d’état-major des armées après avoir été
le chef d’état-major du Président Chirac
dès son installation à l’Elysée en 2002.
Sans oublier l’incontournable
Jean-Claude Trichet, ex patron de la
banque centrale européenne et habitué de
toutes ces mondanités capitalistes.
Pour rassembler pendant 3 jours
tous frais payés 250 invités à l’Hôtel
Sheraton de DOHA il faut de l’argent. Il
y en a via la FONDATION DU WORLD POLICY
FORUM, siège à Genève où la discrétion
bancaire est mieux assurée qu’à Paris,
et il y en a sur place au Qatar.
Le WORLD POLICY FORUM a tenu 8
réunions depuis sa fondation en 2008.
Son caractère français est marqué
puisque ses conférences se sont tenues
deux fois et demi en France (Evian,
Cannes, Monaco) une fois en Suisse
(Montreux) et en Autriche (Vienne), et
deux fois à Marrakech, cette ville
marocaine si prisée de la bourgeoisie
française. Le seul pays lointain qui
l’ait accueillie avant le Qatar cette
année est la République de Corée (lire
« Corée du Sud »).
Parmi les invités des précédentes
conférences quelques hommes d’influence
au service des intérêts du grand capital
transnational baptisé MONDIALISATION
pour gommer la forte composition de
classe du phénomène. La MONDIALISATION
est la forme contemporaine et
l’appellation ouatée de la guerre des
classes planétaire menée par la fraction
la plus riche et la plus monopoliste de
la classe capitaliste mondiale.
Pour bien montrer l’étroitesse de
ce cercle à vocation hégémonique
relevons quelques noms de participants
bien connus aux réunions du Bilderberg
et de la Commission Trilatérale.
Mario Monti (Goldman Sachs boy),
Ehud Barak, Jaap de Hoop Scheffer (ex
secrétaire général de l’OTAN), Alassane
Ouattara, le président ivoirien mis en
place par l’armée française et son chef
Nicolas Sarkozy, le prince saoudien
Turki Al Faisaal, ancien ambassadeur à
Washington, grand copain de Bush, mis
sur la touche par le nouveau monarque
saoudien après avoir été le chef des
services de renseignement, Martii
Ahtisaari, ancien président finlandais
ayant trempé dans toutes les vilénies de
l’Union européenne dans l’ex
Yougoslavie…
Parmi les français : Robert
Badinter, un des concepteurs de la loi
Travail et le premier juriste à avoir
ouvert la voie à la destruction de
l’Etat fédéral yougoslave, le rabbin
Haim Korsia, actuel Grand rabbin de
France, Elisabeth Guigou, actuelle
présidente de la Commission des affaires
étrangères à l’Assemblée nationale
encore présente, cette fois à Doha, et
Hubert Védrine lui aussi présent à Doha.
La présence du nouveau patron de Total
après l’étrange mort de son prédécesseur
sur l’aéroport de Moscou est inévitable
dans un pays grand producteur de gaz
naturel où l’entreprise française a une
forte présence. S’explique aussi la
présence de Guillaume Pepy, président de
la SNCF par la bataille désormais
mondiale entre le puissant secteur
ferroviaire chinois (ingénierie,
réseaux, matériel roulant..) et ce qu’il
reste du secteur ferroviaire français
très affaibli par le mariage Alstom/General
Electric, ainsi que celle du président
de l’Institut Pasteur, fleuron de la
science pharmaceutique française, du PDG
du groupe ACCOR en compétition mondiale
avec les grands groupes hôteliers
anglo-saxons, et d’un représentant des
patrons français du BTP très impliqués
dans le bétonnage du Qatar.
La présidente de cette 9° session
du World Policy Forum est confiée à une
représentante de la Banque Rothschild,
Zineb Al Andaloussi, confirmant le fait
que dans ce type de réunions
capitalistes transnationales, « la
Rothschild touch » est un signe de
distinction irremplaçable, surtout quand
les Rockefeller, décidément trop
yankees, ne sont pas invités. D’origine
marocaine, diplômée de l’Ecole Centrale,
Zineb Al Andaloussi est en charge des
intérêts de la banque en Afrique,
activité où l’a précédée le
franco-béninois Lionel Zinsou rejeté par
les électeurs béninois lors des
dernières présidentielles, lui aussi
présent à Doha.
Tout ceci démontre la préparation
très sérieuse de cette conférence par le
sous-impérialisme français attestée par
la présence officielle de Jean Marc
Ayrault.
Le deuxième enseignement de la
liste des invités est que les « amis de
la France impérialiste» dans ce petit
monde très sélectif des initiés des
grandes affaires se recrutent dans un
nombre très limité de pays. Passons sur
les deux ou trois experts chinois et sur
leurs homologues japonais en matière de
politique internationale, qui sont
invités car ils sont de très bon niveau
et sont des voix émanant de la seconde
et de la troisième économie mondiales et
arrêtons-nous au fait que l’Europe tant
vantée et soi-disant si unie dans le
discours du pouvoir est
quasiment absente : un journaliste de
The Economist ne représente pas à
lui tout seul le Royaume Uni, et pas
d’invité allemand ni d’invité italien,
concurrence économique oblige. La France
n’est accompagnée que de représentants
d’Etats européens secondaires : quelques
roumains, quelques polonais et quelques
espagnols.
Le troisième enseignement est que
hors d’Europe la France
impérialiste a peu « d’amis/alliés »
véritables. En tête vient bien sûr le
Qatar, pays hôte, mais les trois pays
les plus représentés sont le Maroc, la
République de Corée et la Turquie. Pour
le premier d’entre eux ceci confirme la
« marocanisation » du gouvernement Valls
qui s’appuie sur le seul pays africain
non membre de l’Union africaine et qui
poursuit une politique de type colonial
(un vieux classique remarqué par Frantz
Fanon : le dirigeant décolonisé
reproduit les méthodes de l’ancien
colonisateur). Pour le second il s’agit
de la manifestation d’affinités
nouvelles et d’un soutien à un régime en
difficulté et dont une partie de la
population exprime des aspirations à la
réunification d’une Corée coupée en deux
depuis 1953. Pour le troisième
l’invitation de l’ancien premier
ministre M Davutoglu, brutalement écarté
par Erdogan constitue un choix par
défaut, Erdogan étant devenu par trop
imprévisible.
Pour l’Afrique subsaharienne la
France impériale n’est accompagnée que
de deux responsables sénégalais. Son
obligé Ouattara était venu pour une
conférence précédente et son parachuté
Lionel Zinsou ayant raté son
atterrissage au Bénin ne sera à Doha
qu’en qualité de banquier français.
Le quatrième enseignement vient de
la lecture des thèmes retenus pour la
discussion. Il en ressort qu’avec le
Brexit, l’élection de Trump, l’échec
occidental prévisible en Syrie, la
période est très incertaine au point que
dans ses propos liminaires Thierry de
Montbrial reconnait que la
mondialisation est menacée.
Parole d’orfèvre ! Oui, la
mondialisation capitaliste est menacée
par la crise prolongée du système, par
la multiplication des guerres qu’elle a
engendrées, par les mouvements
migratoires que ses guerres provoquent,
par l’enrichissement insupportable d’une
toute petite minorité qui a voulu mettre
le monde entier en coupe réglée et qui
suscite des rejets populaires de plus en
plus nombreux. Ce n’est pas cette
mondanité qatarie qui va la sauver.
Enfin la participation d’un
« opposant syrien », Riyad Hijab
-dernière trouvaille française pour
faire entendre sa voix dans le processus
de paix qui suivra l’élimination des
terroristes d’Alep et de la vallée de
l’Euphrate par la seule véritable
coalition antiterroriste : Syrie,
Russie, Chine, Iran, Hezbollah- montre
que la conférence de Doha qui a précédé
une réunion convoquée pour le 28.11 du
« camp français pour le
renversement du gouvernement syrien »
était une des ultimes vaticinations de
la désastreuse diplomatie hollandaise. A
défaut de soutien populaire ce monsieur
sera probablement reparti de Doha avec
des paquets de dollars qataris pour
s’acheter une milice privée, « modérée »
(évidemment), bien équipée et une
clientèle politique.
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