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Religion

L’islam européen : religion et culture

Tariq Ramadan


© Tariq Ramadan

Vendredi 6 mai 2016

De nombreux musulmans – des ‘ulamâ autant que des croyants ordinaires – se sont opposés à l’idée qu’il puisse y avoir un « islam européen » qui serait différent de l’« islam » un et unique. Ils voyaient derrière cette appellation une tentative de division, de dénaturation, voire de réforme dangereuse. Dans d’autres milieux, des sociologues affirmaient qu’il n’y avait pas « un islam » mais « des islams » très différents selon les interprétations ou les sociétés et qu’il fallait aborder cette diversité de façon circonstanciée. Face à ces deux approches tout à fait contradictoires, ma position a été de présenter les choses de l’intérieur et d’appréhender ainsi l’unité et la diversité de l’univers islamique. Sur le plan du credo, des piliers de la foi (‘aqîda) et de la pratique (‘ibadât), l’islam est un et réunit l’ensemble des traditions (sunnite et chiite) sur la base de la Révélation coranique et des traditions prophétiques (Sunna) qui fixent ce cadre et ces principes communs. De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, les musulmans se reconnaissent dans ces sources scripturaires, ces fondements et ces pratiques et c’est cela qui nourrit partout, et de façon palpable et visible, la « communauté de foi » que l’on appelle la « umma »[1].

Cela étant, la diversité est indéniable et elle opère à deux niveaux principalement. Il existe d’abord une diversité de lectures et d’interprétations qui explique les différentes traditions, tendances et les diverses écoles de droit (on en a compté près d’une trentaine à certaines époques). Cette diversité a toujours existé et, selon les différences, elle a plus ou moins été acceptée (parfois avec difficulté, notamment entre sunnites et chiites) par les savants et les musulmans ordinaires. L’autre niveau de diversité est de nature culturelle : les principes de l’islam, en matière d’affaires sociales (mu‘âmalât) ont toujours été très inclusifs du point de vue des cultures et des traditions (en reconnaissant al-‘urf, la coutume saine établie avant l’islam) : les musulmans d’Afrique ou d’Asie ont gardé beaucoup de leur mode de vie et de leurs habitudes tout en respectant le credo, les pratiques et les principes communs à tous les musulmans. Il s’est agi pour eux d’être simplement sélectifs et de préserver ce qui ne s’opposait à un des principes de leur foi : il en fut ainsi depuis des siècles et c’est ce qui explique les différences notables dans les mentalités et les modes de vie entre les musulmans arabes, africains, turcs ou asiatiques. Ainsi, nous avons une religion, un islam, diverses interprétations et plusieurs cultures.

Ce qui s’est passé ailleurs dans le passé et qui se déroule toujours sous nos yeux en Occident, ce que nous appelons l’islam européen est exactement de cette nature : un islam qui respecte le credo, les pratiques et les principes communs et qui fait siennes les différentes cultures occidentales et européennes. Nous assistons, en effet, à la naissance d’une culture islamique européenne au cœur de laquelle les musulmanes et les musulmans restent fidèles aux principes religieux fondamentaux et assument en même temps leurs cultures européennes. Ils sont à la fois pleinement musulmans, quant à la religion, et pleinement européens, quant à la culture et cela ne pose aucun problème. Il ne s’agit donc pas de créer un nouvel islam mais de réconcilier l’islam avec son dynamisme, sa créativité et sa confiance originels qui permettaient aux fidèles d’observer et d’intégrer positivement tout ce que les cultures qu’ils rencontraient avaient produit de bon et de bien et de rester critiques et sélectifs quand celles-ci pouvaient produire des enfermements, des comportements et des usages discutables, voire des discriminations systématisées. Toutes les cultures, arabes, asiatiques ou occidentales, exigent un esprit critique et autocritique qui puisse évaluer les habitudes à l’aune des principes parce qu’il est courant que les habitudes érodent ou fassent perdre de vue les principes. Il s’agit donc d’être ouverts et critiques à la fois : en restant toujours curieux et en quête du beau et du bien, et toujours consciencieusement éveillé dans l’évaluation du négatif et de l’injuste.

Pour parvenir à cet objectif, les musulmans d’Occident et d’Europe doivent opérer un double travail de déconstruction et de reconstruction. Il s’agit d’abord de s’attacher à distinguer ce qui est religieux de ce qui est culturel dans la façon dont ils conçoivent l’islam alors qu’ils proviennent du Pakistan, de Turquie ou des pays arabes. Il n’est pas de foi ni de religion sans culture, ni de cultures sans un substrat religieux, mais la religion n’est pas la culture : l’opération de distinction n’est pas aisée, mais c’est l’exil qui rend l’opération nécessaire, difficile et, à terme, paradoxalement, de plus en plus aisée. La première attitude des migrants est bien sûr toujours de se recroqueviller sur leur religion, leur culture et leur communauté afin de se protéger de l’environnement étranger. Ils s’accrochent aux modes de vie des pays d’origine en confondant souvent religion, culture et traditions. La seconde génération et les suivantes ne peuvent se satisfaire de cette attitude et elles finissent toujours (en étant de surcroît plus éduquées) par questionner certains traits culturels des pays d’origine, alors qu’elles s’imprègnent naturellement de la langue et de la culture du pays dans lequel elles vivent. Cette période de transition est une période de crise naturelle entre les générations mais également avec la société environnante : il est question de se départir d’habitudes de la culture des parents, perçues comme problématiques et pas toujours islamiques, et de faire siens les éléments positifs des cultures européennes, et ce, tout en restant fidèle aux principes de l’islam. Dans les pays les plus avancés historiquement quant à la présence musulmane, cette transition est déjà bien avancée et on a déjà dépassé l’étape de l’intégration culturelle : les jeunes sont culturellement des Français et des Britanniques. Dans les autres pays, le processus va en s’accélérant et l’on rencontre partout de plus en plus d’Européens musulmans sans que cela pose un problème aux femmes et aux hommes qui se définissent ainsi.

L’islam européen est aujourd’hui une réalité : des femmes et des hommes ont comme première langue l’anglais, le français, l’allemand ou l’italien, ils sont imprégnés des différentes cultures européennes et, malgré l’image négative qui est véhiculée par certains medias, courants politiques ou lobbies, ils se sentent chez eux en Europe et désirent y construire leur avenir et y éduquer leurs enfants. Le nombre de plus en plus important de convertis qui, hier, s’« arabisaient » ou se « pakistanisaient » pour se sentir plus musulmans, est devenu aujourd’hui un vecteur plus positif de l’acculturation des musulmans puisque ceux-ci prennent des responsabilités et assument de plus en plus leur héritage européen. Le processus est en marche : l’islam est une religion européenne, à la lumière de l’Histoire, des faits, du nombre autant que de la culture désormais. Le phénomène, patent en Grande-Bretagne et en France, ne saurait manquer de se généraliser partout en Europe, même dans les pays qui ont accueilli les musulmans depuis une période plus récente. Même s’il y aura toujours de nouveaux immigrés musulmans, la question de l’islam doit dorénavant être distinguée du phénomène de l’immigration. Il s’agit désormais d’une « question européenne » et occidentale.

[1]. L’appartenance à la « umma », à la communauté spirituelle ou à « la communauté de foi » est soumise aux mêmes conditions que j’ai mentionnées plus haut. Comme je l’ai rappelé dans Être musulman européen, il s’agit de respecter les principes et les contrats : ainsi, les musulmans sont strictement liés par les lois des pays dans lesquels ils vivent en Occident et ils se doivent, par ailleurs, d’être critiques et autocritiques par rapport à leurs coreligionnaires (comme par rapport à tous les hommes et toutes les sociétés). Si ces derniers promeuvent la justice, ils les soutiennent ; s’ils sont injustes, ils leur résistent. Les musulmans appartiennent à « une communauté spirituelle » basée sur des principes, et si la communauté ou des membres de la communauté trahissent ces principes, alors ceux-ci ont le devoir de les arrêter, voire de s’opposer à eux. Le Prophète de l’islam dit un jour : « Aide ton frère qu’il soit juste ou injuste ! » Ses compagnons ne pouvaient pas manquer de se questionner sur la nature du soutien à offrir au frère injuste : comment cela pouvait-il être ?! Et le Prophète ajouta, en renversant la perspective : « Empêche-le [le frère injuste] d’accomplir son injustice, ce sera ton soutien à son égard ! » (Hadîth rapporté par al-Bukhârî)

 

 

   

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Source: Tariq Ramadan
http://tariqramadan.com/...

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