BDS
Sur l'intimidation et les tentatives
anti-BDS
Samah Jabr
© Samah
Jabr
Jeudi 9 juillet 2015
Samah Jabr – Middel East Monitor – 28
juin 2015
L’affaire Orange
L’affaire Orange
ici, ce n’est pas l’orange menaçant des
victimes de Guantanamo ou de l’État
islamique – il s’agit de la société de
télécommunication française Orange, et
de sa récente affaire avec Israël.
Après avoir annoncé
au Caire qu’Orange allait suspendre son
contrat avec la société Partner
d’Israël, le PDG d’Orange (suite à la
pression israélienne sur le gouvernement
français) est arrivé en Israël pour y
rencontrer le Premier ministre Benjamin
Netanyahu. Là, il a exprimé son démenti
des articles qui avaient affirmé qu’ « il
romprait les liens avec Israël ‘demain’
si les ramifications financières
n’étaient pas aussi graves que l’estime
sa société ». Le PDG a par la suite
écrit une lettre à la ministre adjointe
israélienne des Affaires étrangères,
Tzipi Hotovely, faisant l’éloge d’Israël
en tant que « terre d’innovation et
de dynamisme ». Il y déclare
qu’Orange ne succombera pas à « la
pression politique de certains
mouvements ou organisations », et
que la société « ne supportait aucune
forme quelle qu’elle soit de boycott
contre Israël ».
Avant cela, le
professeur Richard Horton, rédacteur en
chef de la revue médicale The Lancet,
était lui aussi venu à Haïfa pour
exprimer son repentir et son « profond
regret » auprès des médecins
israéliens de l’hôpital Rambam après la
publication d’une lettre par sa revue
aux lendemains de la guerre contre Gaza.
Il a prétendu, « J’ai été
personnellement horrifié devant le
contenu antisémite de la vidéo offensive
de deux des auteurs de cette lettre. La
vision du monde exprimée dans cette
vidéo est intolérable et doit être
condamnée, et je la condamne ».
Ensuite, il a twitté : « Hier, j’ai
eu l’immense privilège de visiter Acco
et de rencontrer l’imam et le rabbin de
la ville, et voir comment ils
travaillent ensemble », dit-il. « À
la fin, j’ai demandé à l’imam, ‘Alors,
que dois-je faire ?’ Et il m’a dit très
directement (…), ‘vous devez
travailler avec les Israéliens, vous
devez travailler avec les Palestiniens
et vous devez travailler à encourager le
rapprochement de ces deux peuples ».
Contre son espoir d’ « ouvrir un
nouveau chapitre » dans la relation
entre The Lancet et Israël, une
campagne visant à salir sa réputation
est toujours en cours.
Le propre but des
Palestiniens au Congrès de la FIFA
Après s’être vanté
longuement de sa détermination à
suspendre Israël de la FIFA, et quelques
instants avant que le vote était censé
commencer au 65e Congrès à
Zurich, le Président de l’Association
palestinienne de football, le Président
Jibril Rajoub, a demandé l’autorisation
de prendre la parole afin de retirer la
proposition originale où il demandait la
suspension de l’Association israélienne
de football, IFA. Et de déclarer, « Je
suis ici pour jouer au football, plutôt
que jouer à la politique. » Rajoub
expliqua qu’il avait décidé d’abandonner
la proposition de suspension en raison
des nombreuses requêtes qu’il avait
reçues de nombreux membres de la FIFA.
La scène s’est terminée avec Rajoub et
le président de l’IFA, Ofer Eini, en
train de se serrer la main près du
bureau de la délégation palestinienne,
une fois le retrait approuvé. Le Premier
ministre Netanayu a mis en ligne le
résultat sur Facebook : « Notre
effort international a fait ses preuves
et il a abouti à l’échec de l’Autorité
palestinienne à nous suspendre de la
FIFA ».
Quand des
dirigeants palestiniens se comportent de
cette manière à la FIFA, on doit
sérieusement s’inquiéter pour la
performance palestinienne officielle à
la Cour de justice internationale.
La raison d’être du
mouvement BDS
Malheureusement,
l’histoire nous apprend qu’on ne peut
attendre de justice pour les
Palestiniens de la part des régimes
officiels internationaux ou des
Nations-Unies. Les Palestiniens ont dû
s’organiser avec les sociétés civiles à
travers les frontières, avec des nations
qui ont vécu la colonisation et
l’oppression, et avec des gens de
conscience qui s’opposent à la position
de leur propre gouvernement. Même si
l’Amérique, en tant que pays, n’est pas
disposée à faire pression sur Israël, à
travers le BDS les Américains, à titre
individuel, peuvent le faire
d’eux-mêmes.
Face à de vaines
négociations, la criminalisation de la
résistance armée palestinienne, et
l’incapacité à long terme des centres de
pouvoir dans le monde à protéger les
droits nationaux des Palestiniens, ce
que nous voyons plutôt, c’est qu’Israël
est l’un des plus fortement
subventionnés de tous les alliés de
l’Amérique, et que l’Union européenne,
si elle a longtemps critiqué la
colonisation, a accordé aux produits
israéliens la dispense des frais de
douane.
Le mouvement BDS
est survenu en tant qu’organisation des
sociétés civiles, avec un rôle moteur et
sous l’égide des Palestiniens, en
adoptant un outil stratégique non
violent de long terme, pour améliorer
les conditions de négociations et mettre
en avant les violations par l’occupation
des droits nationaux et humains des
Palestiniens. La pression est portée sur
l’occupation au moyen du boycott, du
désinvestissement et de sanctions, pour
obliger l’occupant au respect du droit
international. Le BDS exige la fin de
l’occupation par Israël des terres
conquises en 1967 et le démantèlement de
son mur en Cisjordanie ; la
reconnaissance du droit des Palestiniens
ayant la citoyenneté israélienne à une
totale égalité ; le respect et la
promotion des droits des réfugiés
palestiniens à rentrer dans leurs
foyers. Toutes ces revendications sont
conformes aux lois internationales et,
plus encore, le BDS, mouvement non
violent, sert à fournir une alternative
à la résistance armée que les médias
internationaux appellent « terrorisme ».
La campagne anti-BDS
d’Israël
En réaction, le
gouvernement crie à l’ « holocauste »
et emploie des ressources massives pour
contrer la campagne BDS, tentant de la
marquer comme une forme de « terrorisme »
au niveau national et d’ « antisémitisme »
au niveau international. En 2011, la
Knesset a voté une loi qualifiant
d’infraction civile tout appel public à
un boycott contre l’État d’Israël. Selon
cette loi, quiconque appelle à un
boycott peut également être écarté des
appels d’offre du gouvernement et être
poursuivi et contraint de payer une
indemnité indépendamment des dommages
réels.
Les présidents des
universités en Israël discutent
actuellement avec le gouvernement pour
contrecarrer le boycott universitaire.
Un certain nombre de milliardaires
pro-Israël, conduits par Sheldon Adelson,
le milliardaire des casinos,
s’organisent et prévoient de contrer le
mouvement BDS. Le Congrès américain, le
parlement canadien et d’autres
parlements à travers le monde, votent
des lois interdisant le boycott d’Israël
et prévoient de sanctionner ceux qui
recommandent ou participent au boycott
d’Israël en tant qu’acte
d’antisémitisme. Un projet de loi
exigeant que les fonds de pension de
l’État se désinvestissent des sociétés
qui soutiennent le BDS a été voté dans
l’Illinois ; le Tennessee et l’Indiana
ont suivi avec l’adoption d’une
résolution condamnant formellement le
BDS.
Il y a des
tentatives innombrables pour étouffer la
campagne BDS et entraver la
participation du public par des procès.
Récemment, la loi pour le Commerce et le
Développement commercial entre les
États-Unis et Israël (US-Israel Trade
and Commercial Enhancement Act) a
été présentée pour influencer les
négociations commerciales avec le but de
décourager les partenaires commerciaux
potentiels des USA de se livrer à un
boycott économique contre Israël, en
surveillant les activités pro-BDS des
sociétés étrangères qui commercent sur
les marchés boursiers, et en interdisant
aux tribunaux américains de « faire
exécuter les décisions rendues par des
tribunaux étrangers contre les sociétés
américaines uniquement en raison de leur
conduite commerciale en Israël. » Un
autre projet de loi en préparation, « Boycottez
nos ennemis, pas Israël », suggère
que les entrepreneurs qui font affaires
avec le gouvernement US soient tenus de
certifier qu’ils ne participent pas à
des boycotts contre Israël.
Des étudiants
d’universités en Californie ont adopté
des résolutions demandant à leurs
universités de se désinvestir d’Israël,
mais les présidents de ces universités
se sont publiquement opposés au
mouvement et se réfèrent à tout débat à
propos du BDS sur les campus comme
franchissant une « ligne rouge »
et « offensive » et « incendiaire »,
même l’appel pour le boycott
d’universités comme Bar Ilan, qui sont
ouvertement complices de l’occupation et
du processus colonial en Cisjordanie.
Des critiques plus
légères contre BDS – qu’il serait « peu
solide » et « inefficace » -
ont été exprimées par certains
intellectuels perçus comme
pro-palestiniens, mettant en avant que
la direction palestinienne ne soutient
pas le boycott d’Israël et que la
demande du retour des Palestiniens est
irréalisable. Ils se demandent pourquoi
il fait le choix de l’occupation
israélienne quand il existe d’autres
régimes oppressifs ; l’Afrique du Sud
n’était pas le seul ou le pire régime
oppressif quand son boycott a été mis en
place. Même John Kerry a utilisé la
notion de boycott comme un atout dans
les négociations, en 2014, quand il
mettait en garde le gouvernement
israélien, disant « il y a des
pourparlers de boycotts » pour le
cas où il refuserait un accord de paix.
Pour ceux qui se
sentent touchés par les violations
israéliennes des droits humains, la
censure du boycott est une aversion et
une hypocrisie. Il est intuitif et
psychologiquement important de démontrer
sa désapprobation face à une action de
l’oppresseur. BDS est non violent
et c'est un droit d'y participer, dans
une décision démocratique, libre, et
privée. BDS choisit des cibles en tant
que construction et institutions de
l’occupation, et aucunement en tant
qu’individus israéliens et population
juive. Si certains individus ou
opportunistes commettent des erreurs au
nom du BDS, alors cette erreur doit être
signalée, discutée et corrigée par le
BDS – mais de tels problèmes ne doivent
pas délégitimer le mouvement dans son
ensemble. Un travail important au niveau
de la sensibilisation du public est
nécessaire pour ouvrir la voie aux
activités du BDS et l’aider à prendre de
l’essor. Il y aura quelques succès et
beaucoup d’accusations, intimidation et
pression. Ceux qui soutiennent le BDS se
doivent d’être patients, car la nuit
noire ne vas pas durer toujours, le
croissant va grandir et deviendra une
pleine lune, certains jours.
Samah Jabr
est jérusalémite. Psychiatre et
psychothérapeute, elle se soucie du
bien-être de sa communauté, bien au-delà
des questions de santé mentale.
https://www.middleeastmonitor.com/articles/middle-east/19505-on-intimidation-and-counter-bds-efforts
Traduction : JPP
pour Les Amis de Jayyous
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