Turquie
De l'hypocrisie au fait accompli, la
Turquie
Noura
Reccep
Tayyeb Erdogan, le président turc.
©Sputniknews
Jeudi 14 juillet 2016
Depuis son élection en 2002 Racep Tayeb
Erdogan suscite la polémique notamment
avec sa pensée islamiste. Depuis 2011,
la politique turque d'Erdogan est passée
d’un extrême à un autre. De la politique
de zéro problème avec les pays voisins à
l'implication directe dans le conflit
syrien et le soutien direct aux
islamistes radicaux qui sévissent depuis
cinq ans en Syrie. Avec sa stratégie de
réconciliation avec la Russie et Israël,
son changement de cap en Syrie, sa
manifestation d’intérêt aux palestiniens
de Gaza, Erdogan cherche tout simplement
à se repositionner sur la scène
régionale et mondiale qui commence
sérieusement à lui échapper.
Les résultats des
dernières élections législatives turques
de 2015, où il était inimaginable de
voir les kurdes en force au parlement
constituaient le départ des revers
concernant le président Erdogan. La
défaite électorale de 2015 a obligé le
président turc et son équipe à réfléchir
sérieusement à d'autres stratégies
politiques dont nous commençons à voir
en partie le résultat. Les estimations
révèlent que le président Erdogan a
perdu environ trois millions
d'électeurs, notamment dans les zones
les plus proches de la Syrie.
Si Erdogan change
de politique en s’excusant de la Russie
pour l'avion abattu, c’est qu’à l’instar
des américains avec l’Iran, il n'a plus
beaucoup le choix. Le rapprochement du
président turc avec la Russie est dû en
quelque sorte au changement de cap des
Etats-Unis au Moyen-Orient qui se
traduit par un quasi retrait des
affaires, laissant ses petits soldats
régler leurs comptes par eux mêmes. La
Turquie membre du NATO a compris que ce
dernier ne prendrait pas parti pour elle
contre la Russie. Ce qui a suscité en
quelque sorte ce rapprochement. Dans la
configuration actuelle au Moyen-Orient,
Erdogan a bien compris qu’il vaut mieux
être ami avec les russes qu'être sur la
liste de leurs ennemis.
Les négociations
américano-russes donnent l'impression
que les Etats-Unis laissent le champ
libre aux russes en Syrie. Erdogan a une
lecture précise de la politique
régionale, comprenant qu'Alep va tomber,
menant une victoire à la Syrie, il s'est
dépêché de se réconcilier avec les
russes pour peser encore dans le
conflit, ralentissant par cette alliance
une victoire probable. À travers ce
rapprochement le président turc exerce
toujours son pouvoir de nuisance en
Syrie. Quant aux russes, ils sont
quelque part contraints d'admettre les
excuses d'Erdogan, puisqu’il ne faut pas
oublier la question de l'acheminement de
leur gaz en Europe, qui est censé passer
par la Turquie. Enfin, la Turquie renoue
avec la Russie qui négocie actuellement
avec les Etats-Unis sur un certains
nombres de sujets au Moyen-Orient.
Erdogan est conscient que les américains
sont capables de lâcher la Turquie et
certains nombres de leurs alliés en cas
de compromis avec la Russie. N’est ce
pas le cas actuellement ? Surtout avec
l'avancée de l'armée syrienne et ses
alliés sur Alep ?
Le spectacle de
réconciliation que s'est donné la
Turquie avec Israël a plusieurs
objectifs, tel l'espoir d'Erdogan que le
lobby sioniste arrive à amadouer
l'occident, afin que la Turquie soit
dans les compromis avenirs, après que
l'Europe lui a fermé ses portes. Le
problème de la Turquie est qu'elle n'a
plu d'amis au Moyen-Orient, même
certains pays sont devenus ses vrais
ennemis.
Quant aux kurdes,
ils inquiètent sérieusement l'arrogant
exécutif turc, surtout depuis leur
percée aux dernières législatives et la
rupture de la trêve. Le problème kurde
est épineux pour Erdogan, puisque ces
derniers reçoivent le soutient de la
Russie et pour certains d'entre eux
celui des Etats-Unis. Ce qui peut aussi
expliquer en partie les excuses d'Erdogan
envers Poutine et le rapprochement
Turquie/ Russie.
L'actuel premier
ministre turc évoque la nécessité de
stopper la guerre en Syrie, sans
insister sur le départ de Bachar-Al-Assad,
sachant qu'il y a quelque temps, Erdogan
voulait prier à la mosquée des Omeyades
à Damas. La Turquie s'enlise dans le
conflit syrien qui n'en finit pas,
subissant sérieusement ses effets
négatifs. En tout cas le rôle politique
d'Erdogan commence à prendre fin en
Syrie, le coup de grâce sera la victoire
de l'armée syrienne et ses alliés à
Alep. Il convient de préciser que dans
la pensée politique turque, Alep était
la porte par laquelle le régime syrien
actuel sera renversé.
Enfin, par sa
réconciliation avec Israël Erdogan croit
s'imposer comme le sauveur de la
Palestine, mais son accord avec Israël
n'évoque en aucun cas la levée du blocus
de Gaza. La question de Gaza a été
marginale. En plus de cela, certains
partis palestiniens prônent auprès de la
population que la Turquie va sauver la
Palestine. Ces partis palestiniens font
propager cette idée au sein de la
société palestinienne, pour des intérêts
souvent personnels et irraisonnables,
liant leur destin à celui de la Turquie
après de trahir la Syrie qui les a
soutenues des décennies durant dans leur
lutte contre l'occupation.
Quant aux aides de
la Turquie à la population de Gaza sont
bonnes mais pas suffisantes. La volonté
est-elle sincère d'aider les gazaouis où
c'est encore une opportunité qui va
permettre à Erdogan de tailler une
réputation au Moyen-Orient ? Comment
s'allier avec Israël sur tous les plans
et se placer sauveur des gazaouis sous
blocus depuis 10 ans ? Ils sont nombreux
les dirigeants politiques qui ont
exploité la question palestinienne pour
leurs intérêts ou pour soigner leur
image. La réconciliation entre la
Turquie et Israël ouvre officiellement à
cette dernière le marché turc de 80
millions de personnes. Ce qui permettra
aussi à Israël de pouvoir exporter son
gaz en Europe via la Turquie.
Il ne faut pas
occulter de nos esprits que les aides
humanitaires turques à destination des
gazaouis passeront par le port d'Eshdod,
ce qui signifie que le transit va être
contrôlé par Israël ainsi que les
livraisons. L’acheminement de l'aide
turque via Gaza demeure à la merci des
autorités israéliennes. Qui sait peut
être elle confisquera les aides pour
cause du terrorisme. La réconciliation
entre la Turquie et Israël va être placé
dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme, mais en réalité cette lutte
n'est que contre l'Iran qui ne cesse de
monter en puissance. Ce n’est pas pour
autant que la politique turque du
président Erdogan demeure moins ambiguë
et hypocrite. Certes il se rapproche de
la Russie, mais laisse les terroristes
transiter par son territoire pour aller
se battre en Syrie. Il se réconcilie
avec Israël, menant un projet d'aide aux
palestiniens de Gaza, mais
l'incompatibilité de la chose rends le
projet suspect. Erdogan se repent-il ou
c'est uniquement de la stratégie
politique à un moment décisif de
l’avenir du Moyen-Orient ?
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