Opinion
Islamophobie en hausse : l’effet
Charlie ?
Nicolas Bourgoin
Jeudi 21 janvier 2016
Les djihadistes et leurs commanditaires
ont d’ores et déjà atteint l’un de leurs
objectifs : monter une partie des
Français contre les autres. Jugés
collectivement responsables des
attentats de janvier et de novembre par
tout un pan de la classe politique et
des médias sous contrôle, les musulmans
sont la cible d’agressions physiques ou
verbales en nombre croissant.
Le constat que nous faisions il y a
exactement un an garde toute son
actualité : la haine anti-Islam ne fait
que progresser dans notre pays et elle a
été
particulièrement virulente pendant le
premier semestre et à la fin de
l’année 2015, en particulier au moment
des manifestations de soutien aux
victimes de Charlie Hebdo et du
Bataclan. Elle est plus largement le
résultat de politiques discriminatoires
faisant des musulmans des citoyens de
seconde zone : pénalisation du port de
signes religieux, contrôles policiers au
faciès,
discrimination à l’embauche. Les
musulmans sont aujourd’hui de vrais
parias et cette situation ne semble pas
gêner l’exécutif qui
ne ménage pas sa peine pour les
stigmatiser toujours plus sous couvert
de défense de la laïcité. Comme le
rappelle Raphaël Lioger,
l’islamophobie est soutenue et même
encouragée par l’État qui cherche à
tirer profit du choc des civilisations.
La question que nous posions il y a un
an garde aussi son actualité : à qui
donc profite le crime ?
D’après le dernier rapport de
l’Observatoire National contre
l’islamophobie, on a compté trois
fois plus d’actes ou de menaces contre
les musulmans en 2015 qu’en 2014. Cette
recrudescence est à relier aux attentats
djihadistes de janvier à Paris, explique
l’Observatoire, qui a recensé 103
actions (dégradations de lieux de culte,
violences…) et 227 menaces (tracts,
propos injurieux…) visant les musulmans
entre janvier et septembre 2015, contre
respectivement 45 et 45 pour la même
période en 2014. Les agressions se sont
concentrées
dans le premier semestre, en
particulier dans les trois premiers mois
de 2015, dans la foulée des attentats et
des manifestations qui ont suivi (222
plaintes d’après les données fournies
par le Ministère de l’Intérieur).
En seulement 12 jours,
du 7 au 20 janvier 2015, ont été
recensés pas moins de 128 actes
antimusulmans (33 agressions et 95
menaces). La
même série noire s’est reproduite
après les attentats de novembre :
explosion des dégradations de lieux de
culte, d’agressions physiques et
verbales contre des personnes, dans
l’espace public ou sur les réseaux
sociaux. Le rejet de l’Islam est
banalisé à tel point qu’aujourd’hui
se déclarer islamophobe ne suscite
quasiment aucune réprobation. Certaines
personnalités
encouragent même ceux qui hésiteraient
à franchir le pas. Quid de ceux qui
auraient l’imprudence de se déclarer
antisémite ? Et à droite, certains
responsables politiques vont même
jusqu’à vouloir
interdire le culte musulman en
France, considérant sans doute que leurs
pratiquants ne font pas partie
intégrante de la population française.
Pourquoi tant de haine alors que les
musulmans, faut-il le répéter, sont les
premières victimes du terrorisme ? Les
élites politico-médiatiques sont partie
prenante de cette vague islamophobe qui
leur permet de gagner le soutien de
l’opinion publique dans les guerres de
reconquête du Moyen-Orient, en
particulier
dans celle menée en Syrie.
L’idéologie du choc des civilisations
relayée par les médias sous contrôle,
Charlie Hebdo en tête, vient à point
nommé pour justifier les agressions
militaires de pays souverains.
Aujourd’hui la Syrie, demain l’Iran ?
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