Opinion
Les 5 mensonges de la propagande
anti-Dieudonné
(et comment les réfuter)
Nicolas Bourgoin

Photo:
D.R.
Dimanche 9 novembre 2014
« Si tu veux t’approcher de la vérité,
cours dans la direction opposée à celle
que t’indiquent les medias ». L’affaire
Dieudonné démontre de manière éclatante
cet aphorisme. Jamais les journalistes
ne vont aussi loin dans la
désinformation que lorsqu’ils parlent de
Dieudonné, à tel point que leur analyse
semble obéir à des règles immuables de
mauvaise foi. Ne pas aimer Dieudonné et
le proclamer bien haut est devenu une
figure imposée pour qui fait son métier
de journaliste. Mais cette hypocrisie
est aussi une façon de prêter le flanc à
la critique car tous les lieux communs
de l’anti-dieudonnisme primaire sont non
seulement faux mais facilement
réfutables. Bref passage en revue d’une
mécanique de la haine.
Les journalistes officiels mentent,
et c’est même ce pour quoi ils sont
payés par les groupes de presse
eux-mêmes
financés par les monopoles industriels.
Présenter une image déformée, voire
inversée, de la réalité contribue à
renforcer le système de domination en le
présentant sous un jour favorable,
affaiblissant les critiques contre lui.
Rien n’est de trop pour défendre les
privilèges de quelques-uns. On peut donc
comprendre que les medias au service du
système s’attachent à salir l’image de
celui qui se présente comme son meilleur
ennemi. Leurs contre-vérités sont
amplifiées par la circularité de
l’information propre au champ médiatique
(les journalistes prennent l’essentiel
de leurs informations chez leurs
confrères) mais elles sont aussi, par ce
fait, réduites au minimum. Le schéma
est d’autant plus facile à démonter
qu’il se réduit à quelques idées
simples… et simplistes.
Mensonge n°1
:
Dieudonné a « basculé » dans le racisme
et l’antisémitisme
Difficile de nier l’engagement
sincèrement antiraciste de celui qui fut
un opposant anti-FN de la première heure
et qui reçut de l’ONU le titre
honorifique « d’homme de bonne volonté
dans sa lutte contre le racisme ». Le
duo qu’il forma avec Elie Semoun fut
considéré comme un symbole de la France
antiraciste des années 1990. A cette
période naissent
ses premiers engagements politiques
en faveur de la cause Kanak et contre le
Front National. Son installation près de
Dreux, terre d’élection traditionnelle
du FN, le conduit à s’engager contre ce
parti qu’il qualifie alors de « cancer » et
qu’il analyse comme un facteur de « repli
communautaire ».
C’est aussi à cette période qu’il
lance le « Parti des utopistes »,
étiquette sous laquelle il s’oppose à
Marie-France Stirbois candidate
frontiste à Dreux aux législatives de
1997. Son combat électoral lui vaudra
d’être encensé par des personnalités de
gauche : l’écologiste Noël Mamère, les
humoristes Marc Jolivet et Guy Bedos
notamment. Il le poursuivra sous cette
bannière pendant plusieurs années,
notamment aux élections régionales de
1998. Dans le même temps, il prend
position en faveur de la régularisation
des sans-papiers et du droit de vote des
immigrés, ainsi que du droit au logement
en soutenant le DAL ponctuellement mais
activement. Il militera même à
l’occasion avec SOS Racisme dont il
s’éloignera rapidement, le jugeant trop
proche du Parti socialiste. En 2000, il
rejoint
un collectif d’humoristes européens
anti-Haider réunis sous la bannière
de la Fédération Internationale des
Droits de l’Homme. Lors des élections
municipales de 2001,
il entreprend de se présenter et
reçoit le soutien de Daniel Cohn-Bendit,
avant de renoncer et de soutenir dès le
premier tour la liste de gauche radicale
Les Motivés à Toulouse.
Ce qui sépare ces engagements de son
combat actuel ? la prise de conscience
que la plupart de ces formations
politiques, inféodées à la gauche
libérale, ne défendent pas les intérêts
des dominés mais indirectement ceux de
l’oligarchie. Et aussi la découverte du
deux poids deux mesures : quand début
2002 Dieudonné sollicite après du Centre
National de la Cinématographie (CNC) une
subvention pour l’écriture de son film
sur le Code noir, celle-ci lui est
refusée. Dieudonné reviendra à plusieurs
reprises sur ce refus
en accusant « les sionistes du CNC » de
pratiquer un « deux poids, deux
mesures », dénonçant par là
l’injustice mémorielle fait selon lui à
la traite des Noirs, en comparaison de
celui réservé à la Shoah. Quelques temps
plus tard, il prendra à nouveau
brutalement conscience de l’influence du
lobby sioniste sur les médias à
l’occasion du
sketch télévisé où il mit en scène
un colon raciste israélien et qui lui
vaudra les foudres des organisations de
l’antiracisme institutionnel. Alors que
le sketch était plutôt drôle et en rien
antisémite, l’humoriste devient la cible
des communautaristes juifs, notamment
ceux de la Fédération sioniste de France
qui réussissent
à faire annuler plusieurs de ses
représentations courant 2004 en
menant des actions parfois violentes.
Prise de conscience, notamment, que la
LICRA, sous couvert de lutter contre
l’antisémitisme, défend la politique de
l’État d’Israël en condamnant pénalement
quiconque ose la dénoncer
assimilant ainsi antisionisme et
antisémitisme et que la critique du
colonialisme, de l’apartheid et du
racisme a de strictes limites à ne pas
franchir… Paradoxalement, c’est quand
Dieudonné les transgresse envers et
contre tous qu’il démontre le mieux la
constance de son engagement.
Mensonge n°2
(corollaire du premier) :
Dieudonné ne fait plus rire personne
Les journalistes qui considèrent que
Dieudonné n’a plus de succès prennent
leurs désirs pour la réalité.
Au contraire de son ex-complice Elie
Semoun, Dieudonné fait régulièrement
salle comble (quand on lui donne le
droit de se mettre en scène) et ses
vidéos sont vues des millions de fois
sur Internet. Bien involontairement,
Manuel Valls a contribué à sa promotion
en voulant interdire ses spectacles et
mettre un terme à sa carrière
d’humoriste. Sans doute a-t-il oublié
que la censure provoque inévitablement
l’intérêt… surtout quand elle vient
d’une équipe gouvernementale
politiquement discréditée.
Mensonge n°3
(corollaire du précédent) : Dieudonné
n’est plus un humoriste
S’il ne fait « plus rire personne »,
peut-être est-ce parce qu’il serait
passé du statut d’humoriste à celui de
militant politique ? ou est-ce l’inverse
? Quoi qu’il en soit, faire croire à ce
mensonge est crucial pour les élites
dominantes car il justifie les sanctions
contre lui en niant le décalage, propre
à la fiction, entre la personne (en
charge de la critique) et le personnage
(objet de l’humour). Quand Muriel Robin
met en scène
une mère raciste, il ne viendrait à
l’idée de personne de lui attribuer la
responsabilité de ses propos. Pourquoi
refuse-t-on à Dieudonné ce qu’on accorde
(à juste titre) aux autres humoristes
même quand ceux-ci semblent parler à
titre personnel ? (voir
ici le sketch de Gaspard Proust à
propos des palestiniens). Chez
Dieudonné, le décalage est
volontairement dénié dans son film
L’antisémite, sommet d’auto-dérision,
où il se met en scène tel que le voient
les médias et s’engage dans une
psychanalyse, sous les conseils de son
épouse, pour tenter de guérir. Un pied
de nez que n’ont pas compris les
critiques qui ont choisi de lire le
film au premier degré ont crié à
l’antisémitisme.
Il est vrai que Dieudonné mêle
spectacles et engagement politique
personnel, mais
d’autres humoristes le font également
sans s’attirer de critiques pour autant.
Son engagement contre le racisme ne date
pas d’hier et ne gênait personne quand
il prenait une forme compatible avec les
exigences du politiquement
correct. Dieudonné est un humoriste et
non un politique : les gens qui
s’acquittent du prix de leur place (on
ne paie pas de droits d’entrée lors d’un
meeting) viennent le voir pour rire, non
pour adhérer à un programme. Si le
contenu de ses sketchs est parfois
(souvent) politique, ça n’en fait pas un
leader pour autant.
Mensonge n°4
(qui complète le premier et contredit
les deux précédents) :
Dieudonné s’enrichit grâce à la haine
des juifs
Jusqu’au milieu de la décennie 2000,
Dieudonné était considéré par les medias
dominants comme l’un des meilleurs
artistes de sa génération, sinon le
meilleur. Il a su magistralement
négocier le virage de sa carrière au
moment de sa séparation d’avec Elie
Semoun. Son premier spectacle en solo
Tout seul est un grand succès
encensé par la critique et sera suivi
par d’autres. La Dépêche du Midi parlait
à l’époque du « phénomène
Dieudonné« , capable d’amuser et
surtout de déranger, et dont la « façon
de passer les bornes rappelle le
Charlie Hebdo de la première heure ».
L’intéressé reconnaît volontiers que
pour lui, « l’humour
le plus efficace s’exprime souvent dans
les situations les plus tragiques« .
Revenant en 2014 sur la carrière de
Dieudonné, Le Figaro juge que
ce dernier, avant son évolution
politique, a « peut-être été le
meilleur » des humoristes français, et
cite en exemple son one-man-show de
2003,
Le Divorce de Patrick, « un
spectacle culte, drôle et méchant » pour
lequel il recevra d’ailleurs le
Grand Prix de l’Humour noir. Ce
succès durable lui ouvre en grand les
portes
des plateaux télé et cinéma. Il
tient des rôles dans diverses comédies,
notamment
Le derrière, réalisé par Valérie
Lemercier, et
Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre,
réalisé par Alain Chabat. Il multiplie
par ailleurs les collaborations
artistiques, comme en 2000, en duo avec
Gad Elmaleh, dans un rap parodique
intitulé
J’ai la haine.
Cette période faste tranche nettement
avec les difficultés actuelles que
connaît Dieudonné : harcèlement fiscal,
lynchage médiatique, menaces de mort,
blacklistage, interdictions d’exercer
son métier. Le succès est toujours au
rendez-vous, désormais exclusivement sur
un Internet ou dans les salles de
spectacles, mais pas l’argent :
toutes peines confondues, les
différentes condamnations à l’encontre
de l’humoriste dépassent aujourd’hui
les 120.000 euros. Si l’on pense que son
engagement politique actuel est motivé
par le désir de s’enrichir, on se trompe
singulièrement ou alors il s’agit d’un
très mauvais calcul.
Mensonge n°5
(qui complète le précédent) :
Dieudonné ne paie pas ses impôts
Ce dernier mensonge est sans doute le
plus facile à réfuter car les faits sont
là et parlent d’eux-mêmes. Les deux
avocats de l’humoriste, dans
leur livre consacré à l’affaire
Dieudonné, peuvent écrire sur la base
des documents officiels qu’ils
produisent : « au moment où de nouvelles
accusations sont portées à l’encontre de
Dieudonné, ce dernier n’a jamais été
condamné pour fraude fiscale,
organisation d’insolvabilité,
escroquerie ou blanchiment ni n’a jamais
été mis en examen du chef de ces
délits » (p.101).
Ces contre-vérités médiatiques
révèlent la nature du pouvoir en place.
Oser s’attaquer au communautarisme du
lobby pro-israélien vaut
excommunication. Nul virage ou
« basculement » ailleurs que sous la
plume des journalistes qui font
l’opinion : c’est au contraire la
constance et la cohérence de son
engagement contre
le racisme, le
colonialisme, le
néoconservatisme, les
excès du capitalisme ou encore les
guerres impérialistes qui valent à
l’humoriste les foudres des autorités
publiques, précisément le fait d’avoir
étendu sa critique de la discrimination
ethnique ou religieuse à la politique de
l’État d’Israël. Là et seulement là est
sa faute.
Publié le 11 novembre 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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