Yémen
La guerre
du Yémen est américano-sioniste
Ghaleb Kandil
Samedi 27 octobre 2018
Parmi les confusions politiques,
couramment répandues, figure celle qui
porte à croire que la guerre du Yémen
n’est due qu’à la concrétisation d'un
plan de domination saoudienne sur un
pays voisin, doté d’énormes
potentialités avec une démographie et
une superficie susceptibles de le
transformer en un État fort pouvant
menacer le rôle et l’influence du
royaume, si jamais il gagnait son
indépendance nationale, puis rassemblait
ses ressources et l’énergie de son
peuple au service d’un processus de
développement national indépendant.
Le récit le plus naïf et le plus
superficiel est probablement celui qui
relie ce crime désastreux aux tendances
comportementales aventureuses du prince
héritier saoudien, lequel serait le seul
commandant des étapes successives de
cette guerre, alors que l’examen
attentif du contexte stratégique et
économique de l’agression nous révèle
que les opérations guerrières, incluant
l'organisation du génocide et la
destruction totale et brutale de tous
les aspects de la vie au Yémen, sont
tripartites ; les objectifs, les plans
et les procédures étant ceux d’une
guerre américano-sioniste et saoudienne.
Cette guerre hideuse incarne
magistralement la volonté renouvelée des
États-Unis de piller les richesses et de
contrôler les marchés de tous les pays
arabes, d’autant plus que le Yémen
occupe une position de carrefour
stratégique majeur, avec une côte de
plus de 500 Kms ouverte sur les routes
maritimes du commerce international, du
transport pétrolier et des flottes
guerrières. C’est aussi une position
stratégique qui permet de contrôler la
mer Rouge jusqu'aux côtes de la
Palestine occupée et qui s’ouvre sur le
carrefour des voies de transport, de
pêche et de contrebande menant vers la
côte africaine, l’Orient arabe, l’Égypte
et le Soudan.
Depuis des décennies, les
États-Unis ont fait de la côte yéménite
un but pour le déploiement de leurs
forces maritimes sous divers prétextes,
dont les repaires d’Al-Qaïda vers la fin
du XXème siècle. Cependant, nombre
d’écrivains étrangers ont daté leur
intérêt pour le Yémen vers le milieu du
siècle dernier, sous l’administration du
président Harry Truman, parallèlement à
la consolidation de l'hégémonie
étatsunienne en Arabie saoudite et à
l’établissement de l'entité sioniste
après le viol de la Palestine.
Aujourd’hui, l’intérêt des
États-Unis pour la côte yéménite et la
perspective de son occupation se sont
intensifiés, vu la course maritime
sino-américaine vers l’Afrique. En
effet, en dépit de la taqiyya
(dissimulation) chinoise excessive, une
concurrence acharnée portant sur les
ressources et les marchés du continent
africain, est en cours, entre Pékin et
Washington.
Or, la position
terrestre et maritime du Yémen lui
confère un rôle clé en rapport avec
l'avenir stratégique de l'Afrique. Par
conséquent, ce n’est pas pour rien que
l’une des plus importantes bases
américaines de la côte africaine, à
Djibouti, se trouve en face de la côte
yéménite. Et ce n’est pas un hasard si
la Chine porte un intérêt discret aux
côtes yéménites.
Quant à
l'entité sioniste, depuis le début de
l'agression sur le Yémen, de nombreuses
études et rapports ont souligné
l'importance stratégique des batailles
entre l'alliance d'agression
américano-saoudienne et les forces
populaires yéménites luttant pour
l'indépendance et la libération. Alors
que dans sa description des évènements,
la propagande américano-saoudienne
préfère se servir de « l'épouvantail »
iranien en sachant parfaitement que le
soutien politique et les prétendus coups
de pouce dont bénéficieraient les
yéménites, de la part de l’Iran,
n’expliquent pas leur résilience, leur
efficacité, leurs innovations et leur
capacité de résistance.
Une
résistance des yéménites saluée par tous
et qui s’inscrit dans le prolongement
d’un parcours historique, d’où ils ont
tiré leur expérience des guerres et des
fortifications dans leurs montagnes,
leurs plaines rocailleuses et leur
littoral face aux invasions, depuis des
siècles.
La
focalisation sioniste sur l'Iran,
reflète la crainte mortelle de le voir
emprunter les voies yéménites pour
acheminer une aide militaire, financière
et économique à la bande de Gaza
assiégée et à la Cisjordanie occupée.
Une crainte qui trouve sa place à la
lumière d’opérations précédentes
d’approvisionnement iranien de la
Résistance palestinienne, lesquelles
sont largement exploitées dans les
récits sionistes.
Une crainte
accrue depuis que le blocus hermétique
du Yémen, terrestre et maritime, a mis
en évidence l’ingéniosité de cet ancien
peuple dans la rébellion aussi bien que
dans la création de voies de
communication avec l’étranger, grâce à
de simples bateaux de pêche et de
caravanes terrestres traversant ses
vastes territoires et ses chemins
escarpés, malgré la haute technologie
des satellites et radars des flottes
étrangères contribuant à la surveillance
des passages terrestres et maritimes ;
lesquels, d’après la phobie sioniste,
mènent tous vers les côtes de la
Palestine occupée.
Dans les
calculs militaires sionistes, le Yémen
représente aujourd’hui le front sud de
l’Axe de la résistance. C’est ainsi
qu’il est désigné par leurs experts et
leurs généraux, et c’est précisément ce
qui incite à admettre les hypothèses et
les récits concernant la participation
sioniste directe à l’agression contre le
Yémen ; laquelle participation est, en
réalité, une action préventive contre
une faction de la Résistance prête à
rejoindre les autres fronts, par tous
les moyens possibles et dans toute
guerre future.
De son côté,
le royaume saoudien craint la
renaissance du Yémen libéré de sa
tutelle, alors qu’il nourrit
suffisamment d’ambitions, de désirs et
de peurs l’incitant à le mettre à
genoux. D’ailleurs, depuis des
décennies, il n’a cessé de tenter de
soumettre les yéménites ; le Sud
socialiste et le Nord républicain étant,
tous deux, des sources d’inquiétudes
sécuritaires et politiques pour Riyad.
Les
dirigeants saoudiens ont fait la sourde
oreille à tous les appels des pays
voisins en faveur du partenariat avec le
Yémen, au profit de leur propre visée
hégémoniste et de leur peur perpétuelle
de l'émergence d'une puissance régionale
capable et prête à devenir une force
concurrente dans la région du Golfe.
Il n’empêche
que la guerre du Yémen est
essentiellement une guerre
américano-sioniste ; certaines de ses
étapes ayant été confiées au royaume
saoudien dans le cadre d’un jeu de rôles
au sein du Système de l’hégémonie
coloniale sioniste.
Ghaleb
Kandil
26/10/2018
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
New Orient News (Liban)
http://www.neworientnews.com/index.php/news-analysis/64918-2018-10-26-08-36-59
Monsieur Ghaleb
kandil est le Directeur
du Centre New Orient News et membre du
Conseil national de l’audiovisuel au
Liban (CNA) chargé des relations arabes
et internationales.
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