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Liban / Israël : Les dessous des
lignes
frontalières maritimes en discussion…
D’après le Président Émile Lahoud
et le Général Amin Hoteit

Dimanche 15 novembre 2020
HUIT LIGNES FRONTALIÈRES EN
LICE ?
Le 12
novembre courant, le Liban et Israël
officiellement toujours en guerre ont
achevé le 3ème round des
négociations « indirectes » ayant pour
but déclaré la délimitation de leur
frontière maritime, afin de lever les
obstacles à l’exploitation et à la
prospection des hydrocarbures en
Méditerranée orientale. Certains parlent
de 4ème round en tenant
compte de la réunion inaugurale tenue le
14 octobre dernier suite à
l’accord-cadre annoncé par le président
du Parlement, Nabih Berry, le 1er
octobre.
Au départ il
s’agissait pour le Liban d’une
négociation concernant 860 Km2
d’une zone maritime qu’Israël
prétend lui revenir avec les
conséquences suivantes sur ses blocs
gaziers 8 et 9 estimés riches en
hydrocarbures [1][Carte 1] :

Une zone
litigeuse que les États-Unis ont suggéré
de partager en deux parties : les 2/3
(468 km2) revenant au Liban ; le 1/3
(392 km2) revenant à Israël. Il s’agit
du « Plan Hoff » de 2012 accepté par le
Liban, à condition de poursuivre les
négociations sur le tiers attribué à
Israël, [Carte 2] :

Mais la
délégation libanaise -menée sous l’égide
du président Michel Aoun par des experts
militaires afin d’éviter toute
prétention de normalisation avec Israël-
a fait savoir au cours du 2ème
round des négociations, tenu les 28 et
29 octobre, que la zone contestée ne se
limite pas à cette superficie de 860 Km2,
mais comporte 1430 km2
supplémentaires et donc une superficie
d’un total de 2290 km2,
laquelle empiéterait sur une partie du
champ gazier de « Karish » situé au sein
de la Zone Économique Exclusive [ZEE]
attribuée à Israël par sa méthode
habituelle du fait accompli.
Les
experts israéliens auraient riposté en
réclamant une ligne
frontalière nettement plus au nord de la
zone contestée conformément à la ligne
310, laquelle donnerait à Israël des
droits sur les blocs gaziers libanais 9,
8 et une partie du bloc 5.
D’où cette
carte publiée le 11 novembre 2020 sur le
site d’Al-Akhbar [2] [Carte 3] :

Une carte
synthétisant des informations et des
cartes ayant fuité du côté israélien et
à propos desquelles le Général libanais
Élias Farhate précisait dès le 10
novembre, veille du 3ème
round, que la Ligne 310 reliant Al-Naqoura
au point 29 et empiétant de 2300 Km2
sur la ZEE définie par la
délégation libanaise au cours du 2ème
round ne repose sur aucun argument
juridique, contrairement au point de vue
du Liban qui se base sur les règles du
droit international.
Il ajoutait
qu’il n’est pas question pour le Liban
de tenir compte de rochers imaginaires,
tel le prétendu rocher de Tkhaylete qui
serait situé dans les eaux de la
Palestine occupée. Il publiait aussi la
carte ci-dessous [3] [Carte 4] :
 LE PÉCHÉ CAPITAL DE FOUAD
SINIORA
Le 2 novembre courant,
l’ex-président de la République
libanaise de 1998 à 2007 a confié au
quotidien Al-Ahed [4] que son ex-Premier
ministre, Fouad Siniora, devrait être
traduit en justice pour avoir commis une
énorme erreur, et même un péché capital,
lorsqu’il a dépêché en 2007, à son insu
et sans consultation du Conseil des
ministres, le Directeur général des
transports terrestres et maritimes,
Abdel Hafiz al-Qaisi, à Chypre pour
négocier au nom du Liban les frontières
maritimes libano-chypriotes.
Le Président Lahoud explique que
l’affaire s’était conclue par la
consécration du « Point 1 » en tant que
point le plus au sud de la frontière
maritime libano-chypriote au lieu du
Point 23 [5]. Ce qui s’est soldé par une
procuration accordée à Chypre quant à la
délimitation de la frontière maritime
entre le Liban et Israël. En effet, le
point 23 étant commun aux frontières
maritimes des trois pays [Liban, Chypre,
Israël], sa translation vers le nord a
coûté très cher au Liban puisqu’elle a
fourni à « l’entité ennemie » des droits
injustifiés sur la ZEE libanaise par un
procédé illégal et anticonstitutionnel.
Et le président Émile Lahoud
poursuit en rappelant l’histoire de la
« Ligne bleue terrestre » correspondant
à la ligne de retrait des forces
israéliennes du Sud Liban, en 2000,
ainsi que le travail rigoureux mené par
le Général Amin Hoteit [1][5], lequel
n’a cessé de mettre en garde contre
l’ambition d’Israël de tracer une
quelconque ligne frontalière maritime en
partant de cette ligne terrestre qui ne
saurait être confondue avec la frontière
libanaise internationalement reconnue.
Il rappelle aussi comment
suite à la victoire de la Résistance
libanaise, l’ONU sous
pressions israélienne et américaine a
proposé un tracé amputant le territoire
libanais d’un total de 18 millions de m2.
Manœuvre soufflée par Madeleine Albright
et son secrétaire d'État adjoint pour
les affaires du Proche-Orient, Edward
Walker ; lesquels insistaient pour que
l’armée libanaise remplisse le vide créé
par le retrait de l’armée israélienne.
Requête consentie à condition de
récupérer les 18 millions de m2
et que la ligne bleue terrestre ne
soit pas confondue avec la frontière
internationale du Liban. Ce qui eut
lieu, l’ONU et l’armée israélienne ayant
fait marche arrière sauf au niveau de
trois segments à discuter
ultérieurement, discussion toujours en
cours.
Par ailleurs, le Président
Lahoud avoue avoir été surpris
d’apprendre que, sous la présidence de
son successeur, le Président Michel
Sleiman, le point B1 à la pointe d’Al-Naqoura
ait été morcelé par les Israéliens
entraînant une déviation significative
de la ligne frontalière maritime. Tout
comme il a été surpris d’apprendre
qu’Israël réclame la totalité de la zone
litigieuse de 860 Km2 alors
que le Liban y a droit avec 1430 Km2
de plus…
ISRAËL CHERCHE-T-IL VRAIMENT À
DÉLIMITER UNE FRONTIÈRE ?
Dans un article du 3 novembre [6], le
Général Amin Hoteit estime qu’Israël
cherche à régler un conflit plutôt qu’à
délimiter une frontière et que s’il a
insisté pour que ces négociations aient
lieu en cette période où le Liban vit
ses plus mauvais jours depuis 1920,
c’est parce qu’il a supposé qu’il
obéirait aux diktats du médiateur
« avisé » étatsunien travaillant
toujours et avant tout à son avantage.
Une
lecture déduite du fait qu’en dépit de
la discrétion exigée par Israël, le
ministre israélien de l’Énergie a jugé
nécessaire de déclarer avant la tenue du
3ème round que les
négociations portent strictement sur la
zone litigieuse de 860 km2 et
qu’il n’est pas question de discuter des
champs gaziers de Karish ou de Tanin.
Le
Général reconnaît trois erreurs
accumulées dans ce dossier souvent
traité par des personnes inexpertes
en la matière :
-
La
détermination du Point 1 en
remplacement du Point 23.
-
L’inertie
face aux attaques israéliennes sur
Al-Naqoura au « Point B1 » et sur
les îles palestiniennes en violation
des règles régissant le droit de la
mer (1982).
-
L’adoption
d’un soi-disant « accord-cadre » pour
des négociations indirectes fondées sur
des références qui n'ont rien à voir
avec la délimitation des frontières dont
l'arrangement d'avril (1996), la ligne
bleue terrestre tracée par l’ONU (2000),
la résolution 1701 (2006). Et ce, en
négligeant trois références
fondamentales sans lesquelles aucune
frontière maritime ne pourrait être
tracée, notamment l’accord
franco-britannique Paulet-Newcombe
(1923) concernant
la position et la nature de la frontière
dont les Points B, l’accord
d’armistice entre Israël et le Liban
(1949), la résolution contraignante 425
(1978) du Conseil de sécurité.
Des erreurs
individuelles qui ne sauraient priver le
Liban de ses droits, d’autant plus que
la frontière terrestre est établie
depuis 1923, qu’Israël ne peut pas la
trafiquer, qu’il ne s’agit pas de
résoudre un conflit mais de délimiter
une frontière maritime encore non
établie sur la base de règles
internationales avant de décider lequel
des deux protagonistes possède tel ou
tel champ pétro-gazier. Autant de
raisons expliquant pourquoi
le
Président de la République, le
Commandant de l'armée et la délégation
militaire libanaise, conseillés par des
juristes et des experts compétents, ont
travaillé à débusquer et à rectifier ces
erreurs, alors que la délégation
israélienne travaille toujours à les
exploiter à son avantage.
Pour le Général Hoteit, si jamais Israël
décide d’interrompre ces négociations,
il devra s’abstenir d’explorer la zone
de 2290 km2 que le Liban considère lui
revenir de droit. Dans le cas contraire,
son irruption dans cette zone
constituera une agression et une
violation de la souveraineté et des
droits du Liban nécessitant une réponse
appropriée par tous les moyens
disponibles.
FINALEMENT
D’après le
quotidien Al-Binaa du 13 novembre, le 4ème
round aura lieu le 2 décembre prochain.
Par ailleurs, l’Onu et les États-Unis
qui sont les médiateurs de ces
pourparlers ont publié un communiqué
conjoint, rédigé en arabe et en anglais,
qualifiant le 3ème round de
« productif » et se sont dits confiants
dans le fait que les négociations
aboutiraient au règlement tant attendu.
Par conséquent : guerre des cartes ou
guerre tout court, l’avenir le dira.
Synthèse et traduction libre par Mouna
Alno-Nakhal
13/11/2020
Notes :
[1][La
ligne bleue maritime…]
[2][Frontière
maritime : La ligne ennemie au-delà de
Saïda…]
[3][Troisième
round : le Liban s’arme du droit
international]
[4][À
propos du péché de la délimitation de la
frontière avec Chypre, le
président Lahoud confie à Al-Ahed :
Siniora devrait être traduit en justice]
[5][Liban
: La ligne bleue maritime au service de
l’ambition israélienne !]
[6][Israël
choqué ! Poursuivra-t-il les
négociations sur la délimitation de la
frontière maritime ?]
[7][Le
prochain round sur la délimitation de la
frontière maritime aura lieu le 2
décembre]]
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