Arrêt sur Info
L’ « exceptionnalisme » états-unien
souffre
de la défaite écrasante à Debaltsevo
Mike Whitney

Photo:
D.R.
Lundi 23 février 2015
La bataille derrière le
brouillard de la propagande
« Il n’y a plus de ville. Elle est
détruite. »
– Un soldat ukrainien anonyme après
la bataille de Debaltsevo.
En moins d’un an, les Etats-Unis ont
renversé le gouvernement
démocratiquement élu de l’Ukraine,
installé au pouvoir à Kiev un larbin
soutenu par Washington, lancé une guerre
sanglante et coûteuse en vies humaines
pour les populations russophones de
l’Est, poussé l’économie dans une
spirale mortelle et réduit la nation à
un état anarchique et déliquescent voué
à endurer une guerre civile vicieuse et
fratricide aussi longtemps qu’on peut le
prévoir.
La semaine dernière, Washington a
subi sa plus grande défaite militaire en
plus de dix ans, lorsque l’armée
ukrainienne soutenue par les Etats-Unis
a été sévèrement battue dans l’important
nœud ferroviaire de Debaltsevo. En gros,
8 000 hommes de l’armée ukrainienne
régulière, ainsi qu’une quantité
innombrable de chars et d’unités
blindées ont été encerclés dans ce qui a
été nommé « le chaudron ». L’armée de la
République populaire de Donetsk, sous le
commandement d’Alexander Zakharchenko, a
encerclé les envahisseurs et a
progressivement resserré le cordon, en
tuant ou en capturant les troupes prises
dans la poche. Les Forces armées
ukrainiennes ont enregistré de
nombreuses victimes, entre 3 000 et
3 500, tandis qu’elles abandonnaient
derrière elles une grande quantité de
matériel militaire meurtrier.
Selon Zakharchenko, « la quantité
d’équipement abandonné par les unités
ukrainiennes est indescriptible ».
En plus, l’armée états-unienne par
procuration a vu nombre de ses troupes
d’élite et de ses unités de pointe
détruites dans les combats, laissant
Kiev incapable de continuer la guerre
sans l’aide de ses alliés aux Etats-Unis
ou en Europe. Il ne sera pas
possible de connaître le plein impact de
la défaite jusqu’à ce que les troupes en
colère de retour du front se rassemblent
dans les rues de la capitale et exigent
la démission de Porochenko. Le président
ukrainien est responsable du massacre de
Debaltsevo. Il était totalement
conscient que son armée était encerclée,
mais il leur a donné l’ordre de rester
dans le but de satisfaire de puissants
éléments droitiers dans son
gouvernement. Le désastre est encore
plus terrible en raison du fait qu’il
était totalement évitable et ne
répondait à aucun objectif stratégique.
L’hybris extrême a souvent des
conséquences sur le champ de bataille.
C’était le cas à Debaltsevo.
La débâcle assure que les jours du
maladroit président sont comptés. Il est
à peu près certain qu’il sera soit
remplacé soit suspendu à un moment donné
ces prochaines semaines. Il a déjà
envoyé sa famille en sécurité à
l’étranger, et la spéculation va bon
train sur le fait que tant Washington
que les nationalistes d’extrême-droite
qui occupent les Services de sécurité
vont insister pour qu’il soit destitué.
Cela pave la route pour un second coup
d’Etat en Ukraine en moins d’un an, un
sinistre rappel des manques tragiques de
la politique états-unienne en Ukraine.
Le blog du Vineyard of the Saker
l’expliquait récemment dans un billet:
« Regardez comment les
escadrons de la mort sont de nouveau
en marche, cette fois ils visent
Kiev. Treize chefs d’escadrons de la
mort (aka « bataillon de
volontaires ») ont déclaré qu’ils
formaient leur proprement
commandement militaire sous la
direction du célèbre Semen
Semenchenko. Officiellement, ils ne
sont pas du tout opposés au régime
actuel, a dit Semenchenko, mais en
réalité leurs membres sont
parfaitement au clair sur ce qu’ils
veulent faire: organiser un
troisième Maïdan et se débarrasser
de Porochenko.
Ce qui rend cette version XXIe
siècle des SA si dangereuse pour
Porochenko est que lui,
contrairement à Hitler, ne dispose
pas d’une version XXIe siècle des SS
pour les éliminer du jour au
lendemain. En fait, selon de
nombreux rapports, toute la partie
sud de l’Ukraine est maintenant un
« fief Komoloiski », entièrement
sous le contrôle de l’oligarque qui
finance ces escadrons de la mort.
Ajoutez à cela que la plus grande
partie de la Rada est composée de
chefs de bataillons similaires et
autres monstres nazis, et vous
comprendrez que Porochenko court un
très grand danger…
La triste réalité est qu’il n’y a
tout simplement personne en Ukraine
qui soit capable de désarmer ces
soi-disant « bataillons de
volontaires ». Aujourd’hui, il y a
des milliers de fous en uniformes
nazis en train de rôder avec des
fusils et qui peuvent maintenant
imposer leur loi de la jungle à tout
le monde. Cela augure que le futur
du Banderastan sera quelque chose
comme un mélange de la Somalie et de
Mad Max – un Etat défaillant, une
économie totalement détruite, un
ordre social effondré et des bandes
de voyous armés qui font la loi. »
(1)
Si Porochenko est voué à être le bouc
émissaire dans l’affaire foireuse de
Debaltsevo, c’est seulement parce qu’il
a suivi le conseil téméraire de ses
bailleurs de fonds de Washington. Si, au
contraire, il avait écouté ses
conseillers militaires, il aurait
probablement retiré ses troupes plus tôt
et se serait épargné une fin semblable à
celle de Kadhafi. Maintenant, ce n’est
probablement plus possible.
Le désespoir de Porochenko l’a
conduit à faire appel aux alliés
occidentaux et aux Nations unies pour le
déploiement d’une mission de maintien de
la paix en Ukraine. Cette demande est un
aveu de défaite et n’a aucune chance
d’être mise en œuvre, parce qu’elle
viole les termes du récent accord de
paix (Minsk 2.0); mais aussi parce que
des membres du Conseil de sécurité (la
Russie et la Chine) opposeront
certainement leur veto à cette idée. A
l’évidence, Porochenko, qui est de plus
en plus combattu et vilipendé, saisit la
moindre petite perche dans l’espoir
d’éviter la même fin violente que celle
qu’il a infligée à tant de ses
compatriotes. Voici un bref résumé des
derniers événements par le World
Socialist Web Site:
« La débâcle subie par le régime
de Kiev met en évidence le caractère
totalement irresponsable et
franchement stupide de la politique
poursuivie par Washington et ses
alliés de l’Union européenne en
Ukraine…
Les premières tentatives du
régime de Kiev et de ses soutiens de
la CIA pour soumettre l’Ukraine de
l’Est par la terreur militaire pure,
reposant sur des milices fascistes
et des unités choisies de l’armée
qu’il considérait comme fiables, ont
échoué…
Néanmoins, Washington fait
pression sur Kiev pour préparer une
nouvelle offensive et est en train
de discuter de la possibilité de
fournir directement des armes contre
la Russie à l’armée ukrainienne …
En Ukraine de l’Ouest, la
population s’échappe ou résiste aux
projets de décrets visant à fournir
davantage de chair à canon pour la
guerre en Ukraine de l’Est. En même
temps, l’économie de l’Ukraine,
coupée de sa principale base
industrielle en Ukraine de l’Est et
de ses exportations en Russie, est
en train de s’effondrer.
« Le pays mène une guerre qu’il
ne peut pas se permettre de mener.
Il n’y a plus d’économie… Gerald
Celente, du Trends Journal, a
déclaré à Russia Today : « Cette
perte de 160 milliards de dollars de
commerce avec la Russie a détruit
l’économie, alors qu’elle était déjà
en grave récession. Les choses sont
allées de mal en pis. » (2)
Washington a largement gagné la
guerre de l’information en persuadant le
Congrès et le peuple américain que la
politique états-unienne en Ukraine était
« juste », mais au fond, là où ça
compte, Washington a rencontré un échec
catastrophique après l’autre. Ce
processus persistera sans doute jusqu’à
ce que les coûts soient trop exorbitants
à supporter.
MIKE WHITNEY | 20
février 2015
(1) (The
Vineyard of the Saker)
(2)
US-backed Kiev regime faces military
debacle in east Ukraine war, Alex
Lantier, World Socialist Web Site
MIKE WHITNEY vit
dans l’Etat de Washington. Il a
contribué à Hopeless:
Barack Obama and the Politics of
Illusion (AK Press). Hopeless
existe aussi en Kindle
edition. Pour lui écrire:
fergiewhitney@msn.com.
Article original:
http://www.counterpunch.org/2015/02/20/the-exceptional-u-s-suffers-crushing-defeat-in-debaltsevo/
Traduit par Diane Gilliard pour
Arrêt sur Info

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