Décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
L'Europe à la recherche de son âme
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 7 janvier 2017
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1 - Le coût des
victoires
2 - Le réapprentissage de la
souveraineté
3 - La démocratie et le principe
de l'égalité devant la loi
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1 - Le coût des
victoires
La fable s'attache
comme le lierre à l'arbre de la
souveraineté des peuples. Il nous faudra
donc une maïeutique du bon sens, et pour
cela, nous nous exercerons à un calcul
précis du prix que les démocraties
décérébrées et leur culte de la
platitude paient pour accoucher de
l'immoralité de leur politique. Si les
Etats issus des principes universels de
1789 apprenaient en toute lucidité à
prévoir le coût éthique des désastres
réels et surréels qui succèderont
inévitablement à ceux auxquels il
fallait bien mettre précipitamment un
terme, ils sauraient également en
circonscrire les suites désastreuses et
en limiter le coût.
Exemple : quel fut
le montant de la facture qu'il a fallu
payer pour remporter la victoire,
pourtant nécessaire, sur Hitler?
Primo, il
était impossible de ne pas collaborer
avec l'auteur du Goulag, lui-même
attaqué par les troupes nazies;
secundo, le tyran de l'Est, puis les
émules de son école du salut, on les a
eus sur le dos pendant quarante quatre
ans, de 1945 à 1989; tertio,
l'empire, biphasé lui aussi, de la
démocratie américaine, en a profité pour
se porter au rang de la première
puissance schizoïde de tous les temps;
quarto, l'Europe démilitarisée
par ce dieu-là, a perdu son rang de
continent-pilote; quinto, le rêve
économique des apôtres du prolétariat
mondial a bloqué un siècle durant les
sciences humaines et l'anthropologie
critique pourtant si clairement
inscrites dans la postérité réaliste et
logique de Darwin et de Freud; sexto,
l'effondrement du séraphisme armé de
Karl Marx a conduit à l'hypertrophie
d'un capitalisme monoculaire, comme si
le cerveau simiohumain oscillait sans
cesse de l'aveuglement au cynisme.
Si nous
réfléchissions à ces apories que notre
souveraineté retrouvée devra résoudre,
nous prendrions une grande avance sur
l'étiage cérébral de notre temps.
Second exemple :
quel a été le coût de la victoire sur le
premier empire, de "Dieu" et de son bras
droit du moment - la Sainte Alliance des
rois européens de droit divin de
l'époque? Trois rois - Louis XVIII,
Charles X et Louis-Philippe - puis un
empereur à barbichette - Napoléon III -
ont obscurci l'horizon mondial de la
réflexion sur les arcanes
anthropologiques de la grande Révolution
de 1789.
Si, dès 1789, nos
radiographes s'étaient attachés à la
pesée des théologies bicéphales, puis à
décoder l'enracinement viscéral du sacré
simiohumain dans la politique
mythologique des démocraties modernes,
ils auraient prévu l'échec actuel d'une
Union européenne toute verbale et qui
s'est égarée dans un angélisme de la
candeur. Qui peut croire que les urnes
seraient les couveuses naturelles des
grands chefs d'Etat? Considérons les
niais que notre suffrage universel met
depuis deux siècles au timon des
affaires du monde!
Troisième exemple :
En Libye, la sodomisation publique du
Colonel Kadhafi à l'aide d'un bâton, au
Caire le spectacle d'un octogénaire sur
une civière - le Colonel Hosni Moubarak
- devant un tribunal du peuple
triomphant, au Pakistan, le meurtre en
direct de Ben Laden à la télévision
américaine et sous les yeux ravis du
Président des Etats-Unis et des
principaux membres de son gouvernement
tombés en extase, tout cela ressortit au
calcul du prix de l'entretien après
vente des victoires théopolitiques.
2 - Le
réapprentissage de la souveraineté
Si le Quai d'Orsay
s'entendait avec Moscou, Téhéran et
Ankara ce groupe d'Etats pourrait
limiter l'influence passagère de
l'Amérique dans le monde arabe - alors
que le maître de l'OTAN en avait profité
pour bâillonner plus étroitement ses
vassaux.
Il est absurde de
donner au monde entier l'illusion que
les Etats-Unis seraient les chevaliers
sans peur et sans reproches d'une
démocratie naïvement universelle; il est
absurde de donner à l'empire américain
l'occasion de crier: "Voyez comme nous
sommes démocrates", alors que, dans le
même temps, l'Arabie Saoudite demeure le
pilier, dans la région, de la stratégie
du pétrole et du dollar et que ces deux
Etats ont été les fournisseurs d'une
armée de mercenaires fanatisés, chargés
de déstabiliser tout le Moyen-Orient à
leur profit.
Nous expliquerons
donc à M. Poutine qu'il ne suffit pas
d'avoir arraché les richesses du
sous-sol russe aux crocs d'ivoire de
Goldman Sachs et aux mâchoires en or
massif d'autres banquiers, mais qu'il
fallait éviter, en 2008, de laisser un
néophyte, Dmitri Medvedev, ruiner le
crédit de la Russie à Téhéran et au
Moyen Orient en cautionnant les
sanctions américaines.
Nous expliquerons
aux peuples démocratiques la nécessité
d'un patient apprentissage du contenu
tragique et pourtant revigorant de leur
future souveraineté. Souvenons-nous de
ce que les trois vaincus de la dernière
guerre, l'Allemagne, l'Italie et le
Japon sont encore des pays occupés, que
l'Allemagne de Mme Merkel joue encore
les femmes de ménage à enseigner
seulement la diététique et la morale à
une Europe anesthésiée et que la seule
ascèse qui conduise les peuples libres à
la grandeur politique est celle qui leur
fait aimer les dangers que leur solitude
leur fait courir parmi les fauves.
L'angoisse des arènes est inséparable
des responsabilités souveraines.
Le premier pas de
tout chef d'Etat européen serait de
demander résolument le départ des
troupes d'occupation américaines
d'Allemagne, d'Italie et du Japon. Nous
y ajouterions des remerciements, parce
que la diplomatie est une forme de la
courtoisie entre les Etats - mais nous
savons qu'il n'est jamais arrivé dans
l'histoire du monde qu'un pays occupé
par des troupes étrangères aurait
disposé autrement qu'en trompe-l'œil,
des prérogatives et des apanages d'un
véritable Etat. Puisque notre classe
dirigeante est demeurée enfantine et
benête et puisque toute l'élite
politique des démocraties nées du
Candide de Voltaire, ignore ces
évidences, nous les expulserions de
l'arène.
3 - La démocratie
et le principe de l'égalité devant la
loi
Et maintenant,
étudions Lycurgue et observons la
scission actuelle de la population
mondiale entre deux catégories de
citoyens de rangs différents. Cette
scission a présidé aux funérailles de
toutes les sociétés et de toutes les
civilisations. L'empire du Milieu a fait
naufrage à la suite de l'hypertrophie du
mandarinat des lettrés, la Rome antique
a commencé, sous Tibère, d'autoriser les
légions à camper dans l'enceinte de la
ville, où elles ont non seulement fait
et défait les empereurs à leur
fantaisie, mais bien vite subordonné les
Romains à leur loi.
Mais la variante
militaire de la scission interne des
Etats obéit à un schéma qu'illustre
désormais l'omnipotence de la
bureaucratie : Justinien avait six cents
barbiers attitrés avant que les Germains
vinssent y "mettre de l'ordre",
comme disent les Allemands
d'aujourd'hui. De nos jours, le
Président Hollande dispose d'un coiffeur
personnel dont les appointements
s'élèvent à ceux d'un ministre.
Et pourtant, le
XXIe siècle n'est ni celui de Tacite, ni
celui d'Henri IV d'Allemagne, qui
humilia le pape Grégoire VII à Canossa.
Les terres d'Arioviste servent désormais
de champ d'exercice et de rampe de
lancement aux troupes américaines
appelées à gesticuler aux frontières de
la Russie. Quand une civilisation a
abandonné à la fois sa terre et ses
armes, le champ est libre pour la foule
des petits chambellans des Etats
modernes qu'on appelle maintenant des
fonctionnaires.
Pour qu'un Etat
qualifié de démocratique conquière sa
souveraineté pleine et entière sur la
scène internationale, le peuple doit
échapper à la coupure mortelle entre
deux catégories de la population.
Apprenons donc de Lycurgue que la moitié
d'un peuple ne saurait appartenir à une
essence supérieure et exercer sur
l'autre moitié une suprématie due à son
essence et quintessence, donc
anticonstitutionnelle par définition.
Mais nous
observerons que, deux siècles seulement
après la Révolution, toutes les nations
dites démocratiques se trouvent à
nouveau divisées entre deux fractions du
peuple, séparées par un fossé social et
politique aussi profond et non moins
infranchissable que sous la monarchie.
Mais, du moins l'Ancien Régime
n'affichait-il pas la tromperie de
prétendre incarner le principe à la fois
républicain et biblique d'une égalité
mythologique de ses sujets devant la
cour et les grands, tandis que le trône
de la démocratie principielle proclame
universelle une égalité mythique, donc
chimérique et pourtant censée incarnée.
Observons combien
l'inégalité des citoyens devant la loi
s'exprime désormais jusque dans leur
chair, observons combien la démocratie
dite égalitaire sécrète une titanesque
classe para ecclésiale, dont l'un des
privilèges les plus exorbitants et de
"droit divin", si je puis dire, n'est
autre que l'inégalité de traitement
effectif des malades tant devant le
corps médical que devant le concept de
démocratie auquel l'Etat sert d'autel et
d'offertoire. En effet, la masse des
Français salariés se trouve rangée à
l'écart de la caste des petits
aristocrates du pouvoir politique, dont
la noblesse s'est seulement rapetissée
derrière des guichets. La multitude des
pauvres hères ligotés aux entreprises
privées se gardent bien de l'imprudence
de se porter pâles - sinon, trois jours
durant, leur carcasse perdra sa pitance
et il a été question de leur en faire
perdre quatre. Puis jetons un regard aux
cinq millions de charpentes que nous
voyons jouer les malades imaginaires aux
frais de la nation - et cela tout le
temps qu'il leur prendra fantaisie de
goûter aux pathologies simulées.
Comment voulez-vous
que l'obésité administrative d'une
démocratie de malades imaginaires ne
s'agrippe pas à l'Etat comme leur
seringue aux médicastres du grand
Siècle, comment voulez-vous qu'un Etat
retranché sur l'Aventin et devenu le
défenseur des nouveaux privilèges ne
suscite pas un nouveau Sieyès?
Souvenons-nous des
lois de Sparte, la seule cité dont la
Constitution ait su associer l'autorité
des rois à celle d'une sorte de conseil
constitutionnel chargé de l'assister et
de contrôler en permanence l'exercice de
ses fonctions, souvenons-nous de ce que
les décisions élaborées en commun par
ces deux instances législatives
étroitement associées étaient soumises à
l'approbation ou au rejet du peuple.
Pour aboutir à cet équilibre, Lycurgue
avait dû s'entourer d'une garde de
trente citoyens lourdement armés. La
légende raconte qu'à l'occasion de la
promulgation d'une loi sur les grandes
fortunes, il fut attaqué en pleine rue
et qu'on lui creva un œil. A la vue de
son visage ensanglanté, la foule fut
saisie de honte. On le raccompagna chez
lui avec toutes les marques de
vénération alors en usage.
Si aucun Lycurgue
ne venait remettre à flots le vaisseau
alourdi de hochets coûteux qu'on appelle
l'Europe, ce continent empruntera le
même chemin de la mort qu'un certain
Empire du Milieu, dont on sait qu'il
était devenu à lui-même sa cité
interdite.
Mais n'oublions pas
que, de surcroît, vingt-six ans après la
chute du mur de Berlin, l'Europe demeure
occupée par cinq cents bases militaires
américaines, de Narwick à Sigonella et
de l'Angleterre à la Roumanie. Sitôt que
le Président Trump sera enfin entré
effectivement en fonctions, ce seront
les constitutions mêmes des Etats
vassalisés sous le sceptre de l'OTAN
qu'il faudra remettre sur le droit
chemin. En effet, la loi fondamentale de
ces vassaux les place à perpétuité sous
la domination du Pentagone.
Il sera impossible
à la Russie de ne pas soulever d'emblée
cette question focale avec la Maison
Blanche.
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