L'art de la guerre
Pourquoi c'est une stratégie de la
tension
Manlio Dinucci
Mardi 4 mars 2014
La guerre pour le contrôle de l’Ukraine
a commencé : avec une puissante psyop,
opération de guerre psychologique, où
sont utilisées les armes de distraction
de masse déjà expérimentées. Les images
avec lesquelles la télévision bombarde
nos esprits nous montrent des militaires
russes qui occupent la Crimée. Aucun
doute, donc, sur qui est l’agresseur. On
nous cache par contre d’autres images,
comme celle du secrétaire du parti
communiste ukrainien de Leopoli,
Rotislav Vasilko, torturé par les
néo-nazis qui brandissaient une croix en
bois[1]
(voir communiqué de Contropiano). Les
mêmes qui assaillent les synagogues au
cri de « Heil Hitler », en ressuscitant
le pogrom de 1941. Les mêmes
financés et entraînés pendant des
années, à travers des services secrets
et leurs « ONG », par les USA et l’OTAN.
On a fait la même chose en Libye et on
est en train de le faire en Syrie, en
utilisant des groupes islamistes jusque
récemment définis comme terroristes. Il
y a dix ans nous documentions sur il
manifesto (cf. Ukraine, le dollar
va aux élections, 2004) comment
Washington avait financé et organisé la
« révolution orange » et l’ascension à
la présidence de Viktor Yushchenko, qui
voulait amener l’Ukraine dans l’OTAN. Il
y a six ans, décrivant la manœuvre
militaire « Sea Breeze » opérée en
Ukraine à l’enseigne de « Partenariat
pour la paix », nous écrivions que « la
"brise de mer" qui souffle sur la Mer Noire
préannonce des vents de guerre » (cf.
Jeux de guerre en Mer noire, 2008[2]).
Pour comprendre ce qui est en
train de se passer en Ukraine l’arrêt
sur image d’aujourd’hui ne suffit pas,
il faut regarder tout le film. La
séquence de l’expansion à l’Est de
l’OTAN, qui en dix ans (1999-2009) a
englobé tous les pays de l’ex Pacte de
Varsovie auparavant alliés de l’URSS,
trois de l’ex URSS et deux de l’ex
Yougoslavie ; qui a déplacé ses bases et
forces militaires, y compris celles à
capacité nucléaire, toujours plus
adossées à
la Russie, en les
armant d’un « bouclier » anti-missiles
(instrument non pas de défense mais
d’offensive). Ceci, malgré les
avertissements répétés de Moscou,
ignorés ou tournés en dérision comme
« stéréotypes dépassés de la guerre
froide ». La véritable mise, dans cette
escalade, n’est pas l’adhésion de
l’Ukraine à l’Ue, mais l’annexion de
l’Ukraine à l’OTAN. Cette stratégie
USA/OTAN est une véritable stratégie de
la tension qui, au-delà de l’Europe,
vise à redimensionner la puissance qui a
conservé la plus grande partie du
territoire et des ressources de l’URSS,
qui s’est reprise de la crise économique
de l’après-guerre froide, qui a relancé
sa politique extérieure (cf. le rôle
joué en Syrie), qui s’est rapprochée de la Chine en créant une alliance
potentielle en mesure de faire
contraposition à la superpuissance
étasunienne. A travers cette stratégie
on pousse
la Russie (comme on le
fit avec l’URSS) à une course aux
armements de plus en plus coûteuse, avec
l’objectif de l’épuiser en en augmentant
les difficultés économiques internes qui
pèsent sur la majorité de la population,
en la coinçant dans les cordes pour
qu’elle réagisse militairement et puisse
être mise au ban des « grandes
démocraties » (d’où la menace de
l’exclure du G8).
La représentante étasunienne à
l’ONU Samantha Power, paladin d’une
« responsabilité de protéger » revenant
de droit divin aux Etats-Unis, a demandé
l’envoi d’observateurs Osce en Ukraine.
Les mêmes qui, conduits par William
Walker, auparavant dirigeant des
services secrets étasuniens au
Salvador, servirent en 1998-99 de
couverture à la Cia au Kosovo, en fournissant à
l'Uck des instructions et des téléphones
satellitaires pour la guerre que l’OTAN
était sur le point de déclencher.
Pendant 78 jours, décollant surtout des
bases italiennes, 1100 avions
effectuèrent 38mille sorties, en lançant
23mille bombes et missiles. La guerre se
termina avec les accords de Kumanovo,
qui prévoyaient un Kosovo largement
autonome, avec garnison
de l’OTAN, mais toujours à
l’intérieur de la souveraineté de
Belgrade.
Accords déchirés en 2008 avec
l’indépendance autoproclamée du Kosovo,
reconnue par l’OTAN et qui casse l’Union
européenne même (Espagne, Grèce,
Slovaquie, Roumanie et Chypre ne la
reconnaissent pas). Cette OTAN qui, par
la bouche de Rasmussen, accuse
aujourd’hui
la Russie de violer en
Ukraine le droit international.
Edition de mardi 4 mars de
il manifesto
http://ilmanifesto.it/perche-e-una-strategia-della-tensione/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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