Le Yémen, une
tragédie sur laquelle les médias de
l’OTAN restent fort discrets. C’est
pourtant la seconde guerre « chaude » du
Proche-Orient après la Syrie !
Là aussi c'est
l'oeuvre des saoudiens et des
américains, les britanniques et le
Brésil (comprendre que les BRICS ne sont
pas une réalité géopolitique)
fournissant les bombes;
Là aussi c'est une des "belles
réussites" du soi-disant printemps
arabe" (sic);
Ici aussi américanisme, atlantisme et
wahhabisme, main dans la main, ont
détruit un régime stable,
multiconfessionnel, celui du président
nationaliste Saleh;
Ici aussi un "axe de la résistance" -
milices Houthi (populations chiites
yéménites), armée sunnite de président
Saleh chassé en 2011, tribus et
minorités diverses - combat le
fondamentalisme et l'agression
occidentale ...
# A L’ORIGINE
DIRECTE DE LA GUERRE AU YÉMEN :
LE PROJET AMERICAIN DIT DU « GRAND
MOYEN-ORIENT » EN ACTION …
La guerre
d’agression impérialiste actuelle de la
coalition dirgée par les Saoudiens et
parrainée par les Américains, est issue
d’un processus de « somalisation » du
Yémen, qui a fait suite à une guerre
civile.
Au Yémen, le
soi-disant « printemps arabe » a
consisté, dans un pays déjà fragmenté
par 50 ans de guerres et de sécession, à
chasser du pouvoir un régime enfin
stabilisé, celui du Président Saleh. Là
aussi une « transition » en forme de
changement de régime : « Après le départ
de l’ancien président Saleh, l’arrivée
au pouvoir de M. Hadi constitue une
nouvelle étape du processus de
transition politique », commentait alors
LE MONDE (Paris, juin 2012).
ICI AUSSI LE
« PROCESSUS DE TRANSITION » EN ACTION
Précisons que
le terme « processus de transition » est
une notion complexe qui, à l’origine,
envisageait la transformation des
régimes socialistes en « démocraties de
marché » occidentales. Au départ dans
l’Est européen post-soviétique, puis
aujourd’hui, où le terme est remis à
l’ordre du jour, au Proche-Orient et en
Afrique (1).
Au Yémen c’est
un processus totalement irresponsable,
organisé par des apprentis-sorciers
américains au mépris du contexte
yéménite fragmenté, véritable poudrière
géopolitique.
Quelles sont
les lignes de fragmentation ?
* Tout
d’abord, comme en Allemagne, existaient
deux Yémen, dont la RPDY, la République
démocratique populaire du Yémen
(1970-1990), ayant pour capitale Aden,
soutenue par Nasser, Etat marxiste arabe
qui avait des liens étroits avec l’URSS
(la disparition de l’URSS ayant été
évidemment suivie de celle de la RDPY).
La réunification s’étant faite
définitivement par la force en 1994,
avec une guerre civile sanglante imposée
par Saana.
* Ensuite, un
Mouvement sudiste, né ces dernières
années, réclame l’autonomie du Sud, mais
sa tendance dure, dirigée par l’ancien
vice-président Ali Salem Al-Baïd, milite
pour une sécession et s’oppose au
dialogue national, convoqué en mars 2013
à Sanaa avec la question sudiste en tête
de son ordre du jour.
* Le dialogue
national, auquel participent quelques
composantes du Mouvement sudiste, est
censé « élaborer une nouvelle
Constitution et préparer des élections
pour février 2014 », à la fin « d’une
période de transition de deux ans ». «
Transition » sur le modèle de la Libye
du CNT, elle-même inspirée du processus
de liquidation des structures
soviétiques ou titistes-socialistes en
Europe orientale dans les Années 1990
(2).
Ce dialogue
est prévu par l’accord politique qui a
permis le départ de l’ancien président
Ali Abdallah Saleh en février 2012 après
un mouvement de contestation populaire
transformé en « révolution de couleur »
contre son régime.
LE CHEMIN VERS
LA GUERRE :
UNE ELECTION PRESIDENTIELLE VIRTUELLE
QUE L’OCCIDENT AVALISE …
Ce 25 février
2012, les médias de l’OTAN annonçaient :
« Yémen/présidentielle: Abd Rabbo
Mansour Hadi élu à 99,8% des voix … » !
Outre un score de dictature qui ne
choque pas dans ce cas ci la presse
occidentale, voilà encore une des ces
élections virtuelles organisée par
l’Occident et ses alliés. Mais les mêmes
critiquent sans fin la Démocratie
dirigée russe …
L’unique
candidat à la présidentielle yéménite,
celui des USA et de l’OTAN, de ses
alliés fondamentalistes arabes du Qatar
et d’Arabie saoudite, le vice-président
Abd Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile
du régime yéménite proche des
américains, a été élu à 99,8% des voix,
avait alors annoncé la commission
électorale nationale à Sanaa. Selon les
résultats définitifs, 6.635.192
électeurs sur les 10.243.364 auraient
pris part au scrutin, soit un taux de
participation de 66%. Sur les votes
validés, 99,8% sont allés à M. Hadi,
selon la même source. Hadi était le seul
candidat pour succéder à Ali Abdallah
Saleh dans le cadre d’un accord de
transition élaboré par les monarchies du
Golfe, et dont le Qatar était le maître
d’œuvre.
Une « élection
», avec un candidat unique, qui est
boycottée dans le Sud et non organisée
dans le nord, dans la province de Saana
qui a proclamé son autonomie, et dans
les villes contrôlées par Al-Qaida, est
évidemment une élection virtuelle ! Ceci
d’autant plus qu’elle est alors censée «
amorcer un processus de réconciliation »
(sic). « Dans le sud du Yémen, le
mouvement séparatiste a toutefois
multiplié les violences, entraînant la
mort de plusieurs personnes et la
fermeture de nombreux bureaux de vote.
Le rôle des services de sécurité dans
cette escalade n’était pas clairement
établi. Dans le nord du pays, l’appel à
un boycottage lancé par un groupe
rebelle aurait été suivi »,
reconnaissait le très pro occidental LE
MONDE.
ENCORE UN
FRUIT AMER ET EMPOISONNE DU SOI-DISANT
« PRINTEMPS ARABE » !
L’élection de
M. Hadi pour une période transitoire de
deux ans fait du Yémen le premier pays
arabe où un soulèvement aboutit à une
solution dite « négociée ». Ce
soulèvement était appuyé et organisé
précisément par le Qatar, avec le
soutien discret de l’Occident.
Après l’Egypte
et la Libye, c’est un nouveau régime
(agonisant) issu du Nationalisme arabe
(de type nassérien) qui est remplacé par
le système politique prôné par les USA
dans le cadre de leur projet dit du «
Grand Moyen-Orient » : l’association de
militaires pro occidentaux (verrouillant
le système) et d’un parlement sous
contrôle ouvert aux islamistes radicaux.
Le but étant de dissocier l’aile
parlementariste des islamistes (Frères
Musulmans, Salafistes, etc) de sa base
radicale djihadiste (liée à Al-Qaida ou
AQMI, son aile nord-africaine).
LE YÉMEN EN
VOIE DE SOMALISATION
Cette élection
virtuelle ne résout rien dans un pays
profondément divisé entre :
*
Nationalistes arabes (les partisans du
président sortant qui a capitulé – en
échange d’une immunité et du maintien de
ses partisans dans l’armée et l’appareil
d’état – et de son « Congrès Général du
Peuple », l’ex parti dirigeant) ;
*
fondamentalistes soutenus par le Qatar
et les USA (ceux du parti islamiste Al-Islah,
hégémonique au sein de l’opposition) ;
* minorités
Houthis, la forme chiite au Yémen et sur
la Frontière saoudienne avecce pays,
minorité puissante, avec ses milices, un
leadership clanique charismatique, et
disposant du soutien discret mais
puissant du frère chiite iranien. Les
houthis sont une rébellion islamique « à
l’iranienne », née en 2004 – celle du du
Mouvement houthi -, chiite cette fois,
qui a proclamé une république autonome
dans le Nord Yémen (à quelque 150 km de
la capitale Sanaa !), qui est un
« quasi-Etat houthi de facto » ;
* dans le Sud,
où existait la République démocratique
populaire du Yémen, un mouvement
sécessionniste né en 2007 veut aussi
reprendre son autonomie ;
* Djihadistes
d’Al-Qaida (AQPA, al-Qaida dans la
Péninsule Arabique), qui contrôlent
alors plusieurs villes et mènent une
insurrection islamiste radicale
puissante, la Guerilla d’Al-Qaida au
Yémen n’en étant plus alors au stade du
terrorisme mais à celui d’une
insurrection sur le modèle afghan. « Les
djihadistes sont les derniers arrivés
sur la scène yéménite en 2009. Après la
restructuration des branches saoudienne
et yéménite d’Al-Qaida dans la péninsule
arabique et profitant de la
déliquescence de l’Etat, ils sont entrés
dans une phase active de contrôle du
territoire ». Ils se diviseront bientôt
comme en Syrie entre partisans de Daech
et faction yéménite ralliée aux
occidentaux.
Dans un
éditorial de février 2012, j’avais
longuement analysé la désagrégation de
l’Etat yéménite (3), inscrite dans le
projet US dit du « Grand Moyen Orient »
et en voie de réalisation via le
scénario stratégique opérationnel du
soi-disant « printemps arabe ». Après
l’Egypte et la Libye, le Yémen est un
régime (agonisant) de plus, issu du
Nationalisme arabe (de type nassérien),
qui est remplacé par le système
politique prôné par les USA dans le
cadre de leur projet du « Grand
Moyen-Orient ». J’y décrivais la
désagrégation du Yémen, un pays
profondément divisé, dans un processus
de guerre civile larvée, autour de
factions armées antagonistes.
La
présidentielle « malgré tout » voulue
par les occidentaux sert de déclencheur
à la fragmentation, puis à la « somalisation »
du pays : « L’élection présidentielle a
mis en lumière l’assise des deux
principaux mouvements sécessionnistes
yéménites ayant appelé au boycottage. Au
nord, à quelque 150 km de la capitale
Sanaa, la rébellion chiite du mouvement
houthi, entrée dans un cycle de
violences contre l’Etat depuis 2004 » et
qui « a profité de la contestation pour
installer une République au nord, dans
la province de Saada, qui est un
quasi-Etat houthi de facto », explique
Dominique Thomas (spécialiste du Yémen
et des mouvements islamistes dans la
péninsule arabique à l’Ecole des hautes
études en sciences sociales). Ils ont
appelé au boycottage de l’élection,
dénonçant « un processus de transition
imparfait » et réclamant « un système
fédéral et une autonomisation ». Leur
constitution récente en parti politique
pourrait amorcer un changement. Leur
force de mobilisation est grande face à
la frustration de la population locale
et le revivalisme religieux.
Mais la
descente aux enfers du Yémen ne s’arrête
pas encore là ! Car le Sud, où existait
la République démocratique populaire du
Yémen (1970-1990), veut aussi reprendre
son autonomie.
UN NOUVEAU
PRESIDENT FANTOCHE TENU PAR LES
AMERICAINS ET LES QATARIS …
L’ex
vice-président du Yémen, Abd Rabbo
Mansour Hadi, qui a trahit le président
Saleh, accède à l’été 2012 à la
présidence. C’est un militaire de
carrière sans aucune base populaire ou
tribale, et dépendant totalement de ses
soutiens extérieurs américain et qatari.
Agé alors de 57 ans, discret, il s’est
imposé durant les quatre mois d’absence
du président Ali Abdallah Saleh,
grièvement blessé lors d’un attentat
(fort opportun pour les américains) en
juin 2012 dans la guerre civile rampante
qui frappe le Yémen. Il avait
« notamment peaufiné son image d’homme
jouissant du respect de l’ensemble des
acteurs politiques, opposition
comprise » (dixit LE MONDE).
L’homme est en
effet « tenu » par un passé marxiste
qu’il a du faire oublier. Au sein de
l’armée, il a su gravir les échelons
sous la République démocratique
populaire du Yémen (1970-1990), seul
Etat marxiste arabe qui avait des liens
étroits avec l’URSS. Nommé ministre de
la Défense en 1994 après la
réunification, il secondera ensuite sans
état d’âmes le président Saleh juqu’au
« printemps yéménite ».
SOMALISATION
ET « THEORIE DU CHAOS »
La situation
du Yémen rappelle tragiquement
précisément cette Somalie, qui servit de
laboratoire au Nouvel Ordre Mondial US
(4). Ou comment démembrer un Etat que
l’on ne peut contrôler.
Dans une
Somalie aujourd’hui démembrée en cinq
états fantoches (Somalie résiduelle – un
état failli -, Somaliland, Jubaland,
Puntland et autre Somalie du sud-ouest),
livrée au chaos, les milices Shebab
islamistes achèvent un pays à l’agonie
assassiné par Washington et ses
complices, ONU, NATO et cie … Sans
oublier les frappes aveugles des drones
d’Obama (comme au Pakistan), qui font
principalement des victimes civiles
innocentes. Qui se souvient aujourd’hui
du puissant Etat somalien en
développement du régime socialiste de
Siyaad Barre ?
Derrière le
chaos somalien, il y a une théorie, la «
théorie géostratégique du chaos » (à ne
pas confondre, ce que font beaucoup,
avec la « Géopolitique du chaos », qui
est une grille d’analyse des Balkans
lors de l’éclatement des Iie (Tito) et
IIIe Yougoslavie dans les années
1990-2002), qui est mise en place pour
la première fois en Somalie à partir de
1992. Cette théorie du Chaos c’est le
plan B du projet du « Grand Moyen Orient
». Le pseudo « printemps arabe » en
étant le plan A.
Les deux ont
été mis en œuvre successivement au Yémen
(Comme en Libye, en Syire, mais aussi au
Mali et en Centrafrique …) ; Précisément
dans ce Yémen qui fait face à la Somalie
sur l’autre rivage du Golfe d’Aden …
DE LA GUERRE
CIVILE A LA GUERRE D’AGRESSION
AMERICANO-SAOUDIENNE …
La guerre
civile reprend alors en 2014,
principalement entre les milices chiites
houthis et le pseudo gouvernement
central. Dans un Yémen où une partie
bascule dans les mains djihadistes, qui
se diviseront heureusement avec la
naissance de « l’état islamique ». Le
tournant sera le front uni en septembre
2014 entre les Houthis et … l’armée
nationale sunnite, dont l’ex président
Saleh a repris le contrôle. Le front uni
s’empare de la capitale. Le
gouvernement, avec l’aide des américains
et des saoudien, se réfugie dans la
capitale économique Aden, et y transfère
la capitale politique. Las, début 2015,
le front uni est dans les feaubourgs
d’Aden et l’armée de Saleh en prend
l’aéroport.
Le temps est
alors venu pour les Saoudiens et les
américains, qui perdent la main, de
lancer une guerre d’agression directe en
mars 2015, accompagnée de bombardements
sauvages, de crimes de guerre. Ils
empêchent alors la chute d’Aden.
Téhéran, avec l’accord tacite de Moscou,
arme et soutient le front yéménite, qui
organise un « gouvernement d’union
nationale », le Conseil suprême, en
septembre 2016. Sur la frontière, en
territoire saoudien, une insurrection
latente des populations chiites appuie
les houthis. C’est le dernier acte de la
tragédie yéménite !