LUC MICHEL’S
GEOPOLITICAL DAILY
Le soi-disant ʽrapprochement russo-turcʼ (II) :
Comment les projets géopolitiques
néoeurasiste russe et turc sont
antagonistes !?
Luc Michel
Jeudi 9 novembre 2017
LE SOI-DISANT
‘RAPPROCHEMENT RUSSO-TURC’(II) : COMMENT
LES PROJETS GEOPOLITIQUES NEOEURASISTE
RUSSE ET TURC (INTEGRATION DANS L’UE OU
PANTOURANISME) SONT ANTAGONISTES !? LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour
EODE/
Flash géopolitique
– Geopolitical Daily/
2017 11 08/
Deux projets turcs
s’opposent au Néoeurasisme russe :
D’une part la
volonté (maintenue) d’intégrer l’UE ;
D’autre part son
alternative turque, le « Pantouranisme
»…
* Lire aussi :
LUC MICHEL’S
GEOPOLITICAL DAILY/
LE SOI-DISANT
‘RAPPROCHEMENT RUSSO-TURC’(I) :
COMMENT LA QUESTION
DE CRIMEE OPPOSE ERDOGAN ET MOSCOU
sur
http://www.eode.org/luc-michels-geopolitical-daily-le-soi-disant-rapprochement-russo-turci-comment-la-question-de-crimee-oppose-erdogan-et-moscou/
I-
LE PROJET
D’INTEGRATION DE LA TURQUIE DANS L’UNION
EUROPEENNE VS L’UNION EURASIATIQUE
J’ai publié en
décembre 2006 la première version de mes
« Thèses géopolitiques sur la ‘Seconde
Europe’ unifiée par Moscou » (1).
Analyse révolutionnaire qui renouvelait
la vision géopolitique, mais aussi
idéologique, des rapports Est-Ouest
entre la Russie et ses alliés, et aussi
la vision de la nature géopolitique de
l’Union Européenne.
L’EURASIE DE
POUTINE : UNE SECONDE EUROPE
Idée centrale,
idée-force : L’Europe ne se limite pas à
l’Union européenne ! Ni même aux états
qui lui sont maintenant associés, comme
la Moldavie ou la Serbie. La Russie, qui
a retrouvé son indépendance avec
Vladimir Poutine est aussi l’Europe !
Une SECONDE EUROPE, une AUTRE EUROPE
eurasiatique se dresse désormais à
Moscou face à l’Europe atlantiste de
Bruxelles. Depuis il y a eu le «
Discours de Valdai » de Poutine lui-même
(2) …
Cette analyse se
situe directement dans la perspective
des thèses et des analyses développées
entre 1982 et 1991 par les théoriciens
de l’« Ecole de Géopolitique
euro-soviétique » (Thiriart-Cuadrado
Costa-Luc Michel) (3) – d’où est aussi
issu après 1991 le « néo-Eurasisme russe
» (4) (avec bien des déviations) – , qui
prônait une unification européenne d’Est
en Ouest. Une Grande-Europe de
Vladivostok à Reykjavik, déjà autour de
Moscou. Mes Thèses de 2006 actualisent
les analyses « euro-soviétiques » après
la disparition de l’URSS. Dès 1983,
j’affirmais « La Russie c’est aussi
l’Europe »…
Ce long détour pour
faire comprendre que le projet eurasiste
(ou Grande-Europe de Vladivostok à
Reykjavik) et l’UE (petite-europe de
Bruxelles et Berlin) sont deux visions
antagonistes de l’avenir du continent
eurasiatique. L’UE représentant par sa
sujétion aux USA va l’OTAN la trahison
même du projet européiste. Aujourd’hui
en 2016, on ne peut plus être à la fois
partisan de l’UE et soutenir le projet
néoeurasien de Moscou. Par la voix de
son ambassadeur à Bruxelles la turquie
d’Erdogan a fait son choix. Et ce n’est
pas celui du projet russe !
MAIS CETTE TURQUIE
SOI-DISANT DEVENUE « EURASISTE » (DANS
LES REVES DE CERATINS JOURNALISTES ET
INTELLECTUELS) VEUT INTÉGRER L’UNION
EUROPÉENNE D’ICI 2023 …
« Ankara ambitionne
de rejoindre l’Union européenne d’ici
2023 », a en effet déclaré ce 19 août
Selim Yenel, l’ambassadeur turc auprès
de l’UE lors d’un entretien accordé au
quotidien allemand DIE WELT. Le
président de la Commission européenne,
Jean-Claude Juncker, a toutefois prévenu
que « le pays était loin d’être prêt ».
« Cette date marquera le 100e
anniversaire de la fondation de la
République turque, a souligné le
diplomate. Ce serait une consécration
pour mon pays d’en devenir membre à ce
moment-là. » « Un statut de membre à
part entière est très important pour la
Turquie, a-t-il ajouté. A long terme, la
perspective de ne pas être admis dans
l’Union est inacceptable ».
Le président de la
Commission européenne, Jean-Claude
Juncker, a toutefois précisé que « les
négociations entre la Turquie et les
États membres de l’UE devrait prendre
plusieurs années » dans une interview
donnée quotidien autrichien TIROLER
TAGESZEITUNG jeudi dernier. Il a indiqué
que « la Turquie ne devrait pas
rejoindre l’UE bientôt parce que le pays
ne remplit tout simplement pas les
conditions. Quoi qu’il en soit, il ne
faut pas arrêter les négociations »,
a-t-il ajouté. « Nous ne sommes pas
seulement en discussion avec (le
président turc Recep Tayyip) Erdogan et
son gouvernement, mais nous visons une
solution globale qui bénéficiera au
peuple turc ». L’Autriche, en tête de la
Turcophobie dans l’UE, avait appelé à «
la fin des négociations avec Ankara pour
rejoindre l’UE en raison de l’absence de
normes démocratiques » à la suite du
coup d’État raté le mois dernier. Mais «
la demande a été peu soutenue lors d’une
rencontre des ambassadeurs de l’UE cette
semaine », ont indiqué les diplomates.
La Turquie est officiellement candidate
à l’Union européenne depuis 1999. Mais
le dossier est ouvert depuis le début
des Années 80. L’UE, qui est de facto un
« club chrétien » (lire les anciens
présidents français Giscard d’Estaing et
Sarkozy) et singulièrement catholique,
lanterne Ankara depuis des décennies.
Mais ironie de
l’histoire, alors que Bruxelles a
toujours rejeté la Turquie kémaliste et
laïque, au destin européen assumé, elle
a tissé une alliance politique étroite
avec Erdogan. Jusqu’au coup d’état
avorté de l’Eté 2016 ! Précisément entre
les islamo-conservateurs néo-ottoman de
l’AKP (proche des Frères Musulmans) et
la Démocratie-chrétienne pilier
fondateur de l’UE. L’AKP est en effet
membre observateur … du PPE, le « Parti
populaire européen » qui unit les partis
démocrates-chrétiens de l’UE (CDU-CSU,
CDH et CDNV belges, etc) ! Angela Merkel
avait alors qualifié le lien entre
l’Allemagne et la Turquie de « spécial
», malgré les récentes tensions entre
les deux pays. « Ce qui rend la relation
germano-turque si spéciale est que plus
de 3 millions de personnes d’origine
turque vivent en Allemagne », a-t-elle
précisé au groupe médiatique
Redaktionsnetzwerk Deutschland.
Binationaux (l’électorat étant cadenassé
par le contrôle des associations turques
exercé par l’AKP en alliance avec les «
Loups gris » d’extrême-droite), ils y
votent et sont un enjeu de politique
intérieure. La situation est la même en
Belgique, singulièrement en région de
Bruxelles-Capitale …
… Mais Néoeurasisme
et Union Européenne sont deux projets
paneuropéens rivaux et incompatibles a
court terme !
II-
NON LE «
PANTOURANISME » N’EST PAS UNE « VERSION
TURQUE DE L’EURASISME » MAIS BIEN SON
CONTRAIRE !
Aux sources du
Pantouranisme (ou « Panturquisme ») :
l’échec des « Jeunes Turcs » d’Enver
Pacha et la défaite de l’Empire ottoman
en 1918 …
L’AVENTURE D’ENVER
PACHA
Il est Membre du
Comité Union et Progrès (CUP), aussi
appelé Mouvement Jeune-Turc. Ce
mouvement, qui naît et se développe dans
les écoles supérieures militaires de
Constantinople, prône le retour à la
constitution ottomane de 1876 abolie par
le sultan Abdulhamid II et critique la
politique servile de ce dernier à
l’égard des occidentaux. En 1908 éclate
la révolution jeune-turque à Salonique
et Enver devient très rapidement un des
leaders du mouvement qui parvient à
renverser le sultan et installer la
seconde ère constitutionnelle de
l’Empire Ottoman. Très proche de
l’Allemagne où il a étudié et où il
retourne très régulièrement, il est l’un
des artisans du rapprochement
germano-ottoman et de la réforme de
l’armée turque sur le modèle allemand.
Devant la défaite
des jeunes-turcs aux élections de 1912
au profit de l’Union Libérale et
encouragé par le discrédit du nouveau
gouvernement à la suite de la crise des
Balkans, Enver décide de prendre le
pouvoir par la force. Il prend
violemment d’assaut la Sublime Porte, le
siège du gouvernement turc, et installe
un triumvirat dont il fait partie à la
tête de l’Empire. Il est de fait le seul
maître du pays, n’accorde que très peu
d’intérêt au Parlement et exécute ses
opposants politique. Auréolé de ses
victoires en Tripolitaine (guerre
Italie-Empire ottoman) et en Bulgarie
(guerres balkaniques), juste avant la
première guerre mondiale, lié
politiquement à une Allemagne qu’il
admire (c’est l’époque des grands
projets géopolitiques de l’Allemagne de
Guillaume II au Proche-Orient), Enver
choisit naturellement l’alliance des
puissances centrales lorsque le premier
conflit mondiale éclate.
ESSOR DU
PANTOURANISME …
« DU BOSPHORE AU
BAÏKAL » !
A la fin de la
guerre, poursuivi pour le génocide
arménien, Enver prend la fuite en
l’Allemagne puis en Asie Centrale où il
essaie de faire renaître son rêve de
toujours : le Panturquisme (ou
Pantouranisme). Il récupère un Courant
politique visant à la réunion de tous
les peuples finno-ougriens et
turcophones, dont l’inventeur est Ziya
Gögalp (1875-1924), un intellectuel turc
à l'origine d'une doctrine, le «
pantouranisme », qui prône le
regroupement au sein d'une entité
politique commune de tous les individus
de race et langue turques qui vivent «
du Bosphore au Baïkal ».
En s’appuyant sur
les turcophones d’Asie Centrale il tente
d’établir un Turkestan indépendant en
s’alliant avec l’URSS contre des
rebelles locaux, puis en se retournant
contre les soviétiques. Il meurt le 4
août 1922 dans une bataille contre
l’Armée Rouge dans l’actuel Tadjikistan,
après quelques succès militaires. En
1996 sa dépouille est rapportée à
Istanbul, où elle repose depuis.
GEOPOLITIQUE DU
PANTOURANISME
Contrairemant à ce
qu’avancent les eurasistes russes de
droite, le Pantouranisme n’est pas une «
version turque de l’Eurasisme », mais un
projet géopolitique opposé, celui d’un
empire turc en Asie centrale et au
Caucase qui empêcherait par son
existence même toute unification
eurasiatique.
Le combat d’Enver
Pacha perdu contre les bolchéviques qui
entendaient restaurer de facto l’empire
russe (selon la vision de Staline qui
annonce déjà la « Troisième Rome
nationale-bolchévique » de la fin des
Années 20) (5) s’inscrit dans
l’opposition fondamentale entre les deux
projets géopolitiques. Les rêveries
ésotériques et mystiques orientales,
dont les eurasistes russes de droite ont
encombré la géopolitique néoeurasiste,
celle de Thiriart, expliquent cette
incompréhension fondamentale du
Pantouranisme.
NOTES :
(1) Cfr. Luc
MICHEL, EODE THINK TANK/ GEOPOLITIQUE /
THESES SUR LA « SECONDE EUROPE » UNIFIEE
PAR MOSCOU
sur
http://www.eode.org/eode-think-tank-geopolitique-theses-sur-la-seconde-europe-unifiee-par-moscou/
(2) Voir sur
EODE-TV :
EODE-TV & AFRIQUE
MEDIA/ LE GRAND JEU (3) : POUTINE A
VALDAI DECRYPTE
Coproduction Luc
MICHEL – EODE-TV – Afrique Media
Sur
https://vimeo.com/111845727
Luc MICHEL,
décrypte la façon dont le Président
russe Poutine conçoit la Géopolitique
mondiale vue d’Eurasie. Il nous explique
aussi d’où viennent les concepts
géopolitiques derrière la vision russe
du Monde et ses implications. Il aborder
ce dossier au travers du grand discours
de géopolitique que le Président Poutine
a livré au Club Valdai, à Sotchi, ce 25
octobre 2014 …
(3) Au début des
Années 80, THIRIART fonde avec José
QUADRADO COSTA et moi-même l’« Ecole de
géopolitique euro-soviétique » où il
prône une unification continentale de
Vladivostok à Reykjavik sur le thème de
« l’Empire euro-soviétique » et sur base
de critères géopolitiques.
Théoricien de
l’Europe unitaire, THIRIART a été
largement étudié aux Etats-Unis, où des
institutions universitaires comme le «
Hoover Institute » ou l’ « Ambassador
College » (Pasadena) disposent de fonds
d’archives le concernant. Ce sont ses
thèses antiaméricaines « retournées »
que reprend largement BRZEZINSKI,
définissant au bénéfice des USA ce que
THIRIART concevait pour l’unité
continentale eurasienne.
Sur l’Ecole de
géopolitique euro-soviétique, cfr. :
* José CUADRADO
COSTA, Luc MICHEL et Jean THIRIART,
TEXTES EURO-SOVIETIQUES, Ed. MACHIAVEL,
2 vol. Charleroi, 1984 ; * Version russe :
Жозе КУАДРАДО КОСТА, Люк МИШЕЛЬ и Жан
ТИРИАР, ЕВРО-СОВЕТСКИЕ ТЕКСТЫ, Ed.
MACHIAVEL, 2 vol., Charleroi, 1984.
Ce recueil de
textes fut édité en langues française,
néerlandaise, espagnole, italienne,
anglaise et russe.
* Et : Жан ТИРИАР,
« Евро-советская империя от Владивостока
до Дублина », in ЗАВТРА ЛИ ТРЕТЬЯ
МИРОВАЯ ВОЙНА ? КТО УГРОЖАЕТ МИРУ ?, n°
spécial en langue russe de la revue
CONSCIENCE EUROPEENNE, Charleroi, n°
spécial, décembre 1984.
(4) Cfr.
* PCN-TIMELINE /
IDEOLOGIE / 1984 : LE PCN REINVENTE
L’‘EURASISME’ MODERNE
http://www.lucmichel.net/2014/05/30/pcn-timeline-ideologie-1984-le-pcn-reinvente-leurasisme-moderne/
* Et PCN-SPO /
L’EURASIE EST UNE IDEE EN MARCHE. MAIS
QUI PARLAIT DE L’EURASIE ET DE
L’EURASISME IL Y A 30 ANS ?
http://www.lucmichel.net/2014/05/31/pcn-spo-leurasie-est-une-idee-en-marche-mais-qui-parlait-de-leurasie-et-de-leurasisme-il-y-a-30-ans/
(5) Cfr. les
travaux de Mikhail AGURSKY sur la «
Troisième Rome » et le «
National-bolchevisme russe » et mes
nombreuses conférences sur le sujet. Il
ne faut pas confondre le «
national-bolchévisme allemand »
(Nationalbolchevismus, 1918-1937)
phénomène nationaliste avec le «
national-bolchévisme russe », né au
début du XXe siècle au sein d’une des
fractions d’ultra-gauche (« V-Period »)
du Parti Bolchévique de Lenine et devenu
l’idéologie officieuse du Stalinisme dès
la fin des Années 20.
(Sources : EODE
Think Tank – Luc MICHEL)
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE
* PAGE SPECIALE Luc
MICHEL’s Geopolitical Daily
https://www.facebook.com/LucMICHELgeopoliticalDaily/
* Luc MICHEL (Люк
МИШЕЛЬ) :
WEBSITE
http://www.lucmichel.net/
PAGE OFFICIELLE III
– GEOPOLITIQUE
https://www.facebook.com/Pcn.luc.Michel.3.Geopolitique/
TWITTER
https://twitter.com/LucMichelPCN
* EODE :
EODE-TV
https://vimeo.com/eodetv
WEBSITE
http://www.eode.org/
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