Dans le froid hivernal et alors que la
neige tombe, je me trouve au milieu des
ruines d’un bourg à la lisière du front
de Gorlovka. Dans cette ville symbolique
par la bataille âpre et sanglante qui
s’y déroula à la fin de l’hiver dernier,
je marche dans la neige dans les pas
d’Elena et Svetlana. L’une et l’autre ne
cesse de me raconter leur quartier où
autrefois la vie se déroulait dans la
tranquillité. Ici c’était un voisin qui
est parti au front, il est assez
paradoxal de le dire alors que ce
dernier ne se trouve qu’à quelques
mètres de là. Nous sommes en face de la
ville de Dzerjinsk, là-bas les
bataillons de représailles campent dans
les maisons des habitants qu’ils ont
chassés ou qui se sont enfuis à leur
approche.
La neige ne tombe plus lorsque nous
poursuivons notre « voyage » dans les
ruines, l’endroit est fantomatique. Des
chiens hurlent et jappent, ils ont faim
ou craignent notre présence. De place en
place des panneaux « mines » nous
indiquent pudiquement que nous ne sommes
pas particulièrement dans un endroit
paisible. Un coup de feu claque, puis un
autre, les Ukrainiens ne respectent
jamais les fameux accords de Minsk.
C’est déjà une triste habitude que
d’entendre partout où je me rends sur le
front, les bruits de la guerre. Autour
de nous gambadent gaiement Macha et
Marina, elles ont moins de 10 ans, pour
elles c’est une promenade inhabituelle,
pensez donc, un journaliste français à
leur rencontre ! Je viderai mon sac par
la suite des petites choses que je garde
pour ces occasions, ici un aimant pour
orner le frigo, ailleurs une tablette de
chocolat, une petite chose, un petit
rien.
Elles sont contentes de recevoir un
petit cadeau, je suis désolé de ne pas
avoir su qu’il y aurait des petites
filles, Xavier Moreau m’a confié
quelques cadeaux pour les enfants, cette
fois-ci j’ai pris un rutilant camion de
pompiers… manqué, il n’y a pas de
garçons dans la maisonnée. Elles sont
tout de même contentes et leur mère
encore plus lorsque je remets au nom des
Français qui m’ont confié de l’argent un
billet de 5 000 roubles, c’est une somme
énorme, deux mois de salaires pour
Elena, c’est un peu comme si en France
j’avais versé à une famille de pauvres
gens, une somme de 2 000 euros. Elena,
ses amies Svetlana et Natacha qui vont
profiter de cette aide providentielle ne
cesseront pendant tout mon séjour avec
elles de me remercier, je ne cesse de
leur répondre que ceci n’est pas mon
argent, mais celui qui m’a été confié.
En France de mauvaises langues qui
salissent jusqu’à l’aide humanitaire, à
la manière de Nathalie Pasternak qui
pestait contre les convois humanitaires
russes, continueront vainement de
s’agiter.
C’est égal, ma récompense en ce jour
aura été de voir le bonheur de ces trois
femmes et de leurs deux enfants, petite
communauté improvisée par les malheurs
de la guerre. C’est une poussière
d’argent, à côté d’eux, il y a d’autres
civils dans le plus grand besoin, mais
Svetlana est veuve, Elena n’a pas de
compagnon et reste seule avec une enfant
et le mari de Natacha est mort. Alors je
n’hésite pas et remets humblement cet
argent, un rien que viendra compléter le
dernier volontaire français qui
m’accompagne avec 2 000 roubles. Nous
repartirons heureux mais aussi gênés
d’avoir fait si peu, cette
insatisfaction est toujours grande car
nous n’avons que peu de moyens pour les
aider et le blocus européen, ukrainien
et américain du Donbass fait que dans
cette région, cet hiver, des dizaines,
des centaines vont mourir, faute de
soins, faute du nécessaire et ceux-là,
les malades, les handicapés, les plus
faibles ne seront même pas comptés dans
les « pertes ». Pour notre gouvernement
suffisant, pour nos médias coupables qui
sont-ils ? Ils ne sont rien, pas même
une ligne dans un journal français, pas
même un euro dans une aide humanitaire….
Merci à DONi Press et la
structure humanitaire SaveDonbassPeople
de me permettre dans le cadre de mon
travail de réaliser ces projets
humanitaires à une toute petite échelle
et de faire du bien dans le tourbillon
du mal répandu par des forces qui n’ont
cure de la vie humaine et encore moins
de la Démocratie qui manque tant
justement à la France.
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