Russie politics
Ces prisons secrètes que l'Ukraine ne
peut plus cacher
Karine Bechet-Golovko
Lundi 29 août 2016
Les ONG ont décidé d'ouvrir les yeux sur
les prisons secrètes du SBU (services
secrets ukrainiens) et d'insister. Après
l'enchaînement des rapports prenant acte
de disparitions systématiques organisées
par les services spéciaux ukrainiens,
aucune mesure n'ayant bien évidemment
été prise par Kiev, Human Right Watch
(HRW) et Amnesty International (AI) ont
envoyé une lettre aux autorités
ukrainiennes compétentes. La presse
française préfère pour l'instant de ne
pas en parler. Ce qui n'est pas une
surprise non plus, la position du
Gouvernement n'ayant pas changée.
Rappelons que le 3 juin, l'ONU sort un
rapport mettant en évidence la
pratique des enlèvements et tortures de
civils par les services secrets
ukrainiens, disant que les deux parties
pratiquent les mauvais traitements sur
prisonniers. Pourtant, au delà de ces
"deux parties" censées faire passer la
pillule, les accusations des personnes
enlevées par les ukrainiens pour leur
sympathie envers les combattants du
Donbass s'accumulent.
Ainsi,
au début de l'année HRW et AI avaient
déjà transmis aux autorités ukrainiennes
une liste de personnes civiles détenues
arbitrairement par le SBU. Mais aucune
mesure n'a été prise. Des affaires sont
formellement ouvertes pour enlèvement,
sans qu'une enquête ne soit réellement
menée. Le 21 juillet, HRW et AI publient
donc un
rapport visant à diffuser
l'information sur ces pratiques.
Discrètement, le 25 juillet le SBU
libère de la prison secrète de Kharkov 6
prisonniers faisant partie de cette
liste et le 2 août encore 7. Mais entre
temps, ils en enlèvent encore d'autres.
Amnesty International et Human Rights
Watch ont établi que des détentions
illégales et non reconnues ont eu lieu
dans les locaux du SBU à Kharkiv,
Kramatorsk, Izyum, et Mariupol.
Les
enlèvements se passent de différentes
manières. Soit, les gens sont enlevés
chez eux, soit dans la salle du tribunal
ou dans le lieu de détention provisoire
si un juge a la mauvaise idée de
prononcer un jugement d'acquittement.
Sur
les 13 libérés, peu ont accepté de
témoigner, car le SBU les avait
menacé de représailles s'ils disaient
avoir été détenus. Ils se sont retrouvés
sur la route avec quelques monnaies pour
prendre le bus. Les trois personnes dont
le témoignage a été repris par ces
ONG parlent d'un enlèvement avec sac
sur la tête, tous sont des sympathisans
du Donbass sans pour autant prendre une
part active dans le combat et aucune
accusation concrète ne leur a été
présentée. Au pire, ils ont participé au
référendum, ce qui ne constitue pas une
infraction. Ils furent incarcérés,
battus, mis à nu. Leur mauvais
traitement a pu durer plusieurs mois,
certains y sont depuis 2014. Leurs
tortionnaires sont variés, il s'agit
également de membres des bataillons
punitifs ukrainiens comme Donbas ou
Dniepr-1.
Evidemment l'Ukraine nie en bloc ces
accusations, affirmant qu'ils ont autre
chose à faire et que tous les membres
des forces de l'ordre sont de parfaits
éléments soucieux de la légalité. Cette
attitude, selon ces ONG, favorise la
pratique des enlèvements, puisqu'elle
garantie une totale impunité à leurs
auteurs.
L'on
regrettera le silence des médias, qui,
lorsqu'ils survolent la question
insistent sur la responsabilité de ceux
qu'ils appellent les "séparatistes" sans
vouloir s'interroger sur ce qui
constitue des crimes de guerre commis
par les autorités de l'Ukraine actuelle
avec le silence consentant d'un
l'Occident qui depuis longtemps est
passé du compromis à la compromission.
Mais il est vrai que l'Ukraine a le
temps de venir voir, car rien
d'important ne sera mis en place tant
que les élections américaines n'auront
pas eu lieu. Et l'Europe attend
également, pour voir quel sera le
nouveau visage du maître de la politique
occidentale.
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