Le dopage en Russie:
nouvelle arme de guerre médiatique
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 21 juillet 2016
L'affaire du dopage en Russie, qui a été
lancé par l'intermédiaire de l'Allemagne
et des reportages du très "indépendant"
et non moins agressif
Seppelt sur la chaîne ARD, tourne à
la vindicte médiatique, ce qui était le
but, faute de pouvoir mener des enquêtes
judiciaires appropriées. La justice
moderne se fait dans la presse, comme au
Moyen Age sur la place publique,
l'histoire se répète, ce qui nous
grandit rarement.
Chacun se souvient
des grands reportages allemands sur le
dopage en Russie, tournés à mi-chemin
entre la téléréalité et le détective de
deuxième zone, qui ont provoqué une
grande
inquiétude médiatique de l'AMA
(Agence Mondiale Anti-dopage). Comme
nous l'avons écrit, le scandale fut très
bien organisé depuis le mois de mars
avec l'aide de l'agence américaine
anti-dopage USADA (vous
trouverez le texte ici).
Les principaux
accusateurs de la Russie sont passés
maintenant au service des américains et
de leurs alliés. La sportive
Yulia Stepanova est en Allemagne et
a demandé l'asile politique au Canada,
puisqu'elle est accusée de dopage en
Russie. Pourtant, afin de la remercier
de ses bons et loyaux services, le
CIO annonce dès le mois de mars,
donc dès la sortie des films
documentaires dans lesquels elle accuse
la Russie, que malgré son accusation
fondée de dopage, elle pourra participer
aux JO de Rio sous le drapeau olympique.
Et pour finir le paiement,
elle reçoit 10 000 euros du Fonds
allemand de soutient aux victimes du
dopage. Quant à l'ancien directeur de
l'agence russe anti-dopage,
Grigori v, qui est
accusé en Russie d'avoir organisé ce
système de dopage et d'en avoir tiré un
très important profit financier, il vit
aujourd'hui à Los Angeles où il dirige
un laboratoire de lutte contre le dopage
et a été logé gratuitement par les Etats
Unis.
L'AMA a donc confié
la réalisation d'une parodie d'enquête,
nous sommes dans un monde civilisé -
mais pressé - donc enquête il doit y
avoir, mais l'apparence est suffisante.
Le "groupe indépendant" présidé par
l'honorable Richard McLaren a rendu son
oracle le 18 juillet.
Seulement, le 17
juillet, la campagne anti-russe a
repris, les experts indépendants doivent
comprendre comment rendre leur verdict.
Le
New York Times publie un article qui
sent bon le maccarthysme:
At least 10 national
antidoping organizations — including
those in the United States, Germany,
Spain, Japan, Switzerland and Canada —
and more than 20 athlete groups
representing Olympians from around the
world have banded together as they
anticipate validation of Dr.
Rodchenkov’s claims.
Juste avant
Reuters annonce que les Canadiens et les
Américains veulent lancer le mouvement
pour que la Russie soit sanctionnée.
Ca tombe bien, McLaren est canadien.
Bref, avec l'agence américaine
anti-dopage en tête, ils envoient une
lettre aux institutions olympiques
demandant la suspension de la Russie au
nom d'un sport propre. Donc de la
suspension de tous les athlètes russes,
un athlète russe ne pouvant qu'être
dopé, puisqu'il est russe.
Le lendemain de
cette publication, le groupe McLaren
rend son rapport, conformément à ce qui
était attendu de lui. C'est-à-dire en
reprenant les interviews de Rodchenkov
au NYT, les films de Seppelt et les
dires de Stepanova. C'est toute la base
de preuve de ce rapport. Voici sa
présentation intégrale en anglais:
L'on apprécie la
présence du fameux Seppelt dans la
salle. L'on appréciera également
l'impossibilité de McLaren d'expliquer
comment il a prouvé ses affirmations
d'un système de dopage mis en place par
l'état. Pour le détail de l'accusation,
voici un bon
résumer en français ici. Pour les
preuves, il faudra attendre, l'important
était de sortir le rapport avant que le
Tribunal d'arbitrage sportif ne se
réunisse. Le NYT avant McLaren,
McLaren avant tribunal sportif, c'est la
nouvelle conception de "l'indépendance"
en cascade.
Ses déclarations se
résument en ce qu'il estime la source -
Rodchenkov sous le coup d'une accusation
en Russie - fiable. Il comprend bien que
cet individu n'a pas toujours été très
net, c'est quand même lui qui a détruit
les milliers d'échantillons en question,
mais maintenant il est fiable. Soit. La
seule différence est qu'avant il était
en Russie, maintenant il est aux Etats
Unis. Ce doit être suffisant. Sans
revenir sur la légèreté des accusations,
l'on appréciera également l'explication
de l'accusation d'implication du
FSB:
"Le FSB était
intimement impliqué dans ce système
visant à permettre à des athlètes russes
'sales' de participer. Le FSB avait
développé une méthode pour ouvrir de
façon discrète les échantillons afin de
permettre un échange d'urine. Il fallait
alors une 'banque d'urine propre' dans
laquelle puiser pour ces échanges".
Deux petits
détails. Bien sûr, ce ne sont que des
détails, mais quand même ...
L'implication du FSB ressort uniquement
des dires de Rodchenkov, sans aucune
preuve extérieure. Et pour corroborer
ces dires, ils ont fait une expérience
avec des "experts" qui a montré que
c'était possible. C'est tout. Je
pense qu'il est également possible de
braquer la Banque de France, ce qui ne
prouve pas que le FSB l'ait fait. Il
n'y a donc aucune preuve de
l'implication du FSB, mais que serait la
Russie sans ses services spéciaux.
Dommage que le KGB n'existe plus,
c'était tellement plus symbolique,
maintenant il faut refaire tout le
travail avec le FSB. Quelle perte de
temps et déperdition d'impact.
Deuxième petit
détail.
L'entreprise qui produit les
récipients qui servent à recueillir les
urines pour les contrôles de dopage
affirme qu'il est impossible de les
ouvrir pour changer l'urine, sans que le
récipient ne soit suffisamment abîmé
pour que cela ne se voit à l'œil nu.
Or, lors des JO de Sotchi comme
ailleurs, il y avait des observateurs
internationaux. Eux aussi ont été acheté
ou intimidé par le FSB?
Ce rapport n'a
aucun fondement. Juridique bien sûr. Mais
pourtant, le
Président russe a immédiatement
réagit et a demandé que toutes les
personnes impliquées dans le rapport
soient suspendues de leur fonction en
attendant que toute la lumière soit
faite. Parallèlement, la Russie attend
les preuves afin de mener son enquête.
La bulle de savon peut exploser.
C'est pourquoi il faut faire encore plus
vite. Le Président regrettant le retour
de la politisation du sport.
L'intervention très
bien calibrée du Président V. Poutine a
perturbé le bal des hypocrites. Le
tribunal d'arbitrage sportif ne rend pas
sa décision tout de suite. le CIO
attend, mais refuse son accréditation au
ministre russe des sports pour Rio,
affirme soutenir la suspension de la
présomption d'innocence envers la Russie
et demande la suspension de tous les
évènements sportifs internationaux en
Russie. Tous les sportifs russes de
toutes les disciplines des Jeux d'hiver,
doivent être revérifiés. Ce qui n'a plus
rien à voir avec les JO de Rio. Il
faut absolument trouver quelque chose
pour ne pas avoir l'air de ce que l'on
est - voici le message pas vraiment
subliminal.
Et petite cerise
sur le gâteau. Imaginez que la Russie
puisse tout de même participer. Il y a
une majorité de sportifs propres, jamais
éclaboussés par le dopage, le risque est
donc encore grand. Le journal allemand
Bild a trouvé la parade:
Si des sportifs
russes participent aux JO de Rio, le
journal allemand ne parlera pas de leurs
victoires, ne comptera pas les médailles
russes dans le tableau récapitulatif des
pays participant.
Faire comme si
la Russie n'existait pas. Faute de
pouvoir rayer le pays de la surface de
la terre, la rayer de la conscience
collective. L'Allemagne aussi retrouve
ses réflexes.
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