Actualité
La France est devenue une des menaces
mondiales
contre la liberté d’expression
Jonathan Turley
Getty Images
Dimanche 11 août 2019
Source :
The Hill, Jonathan Turley,
06-07-2019
Par Jonathan
Turley – Chroniqueur d’opinion
Les opinions
exprimées par les collaborateurs sont
les leurs et non celles de The Hill (et
encore moins des Crises…).
Il y a juste un peu
plus d’un an, le président français
Emmanuel Macron est venu aux
États-Unis pour y importer à Washington
deux espèces potentiellement invasives.
L’une était un arbre et l’autre était
une répression contre la liberté
d’expression. Ironiquement, peu après la
plantation de l’arbre, les autorités
l’ont déterré pour le mettre en
quarantaine. Cependant, l’espèce la plus
dangereuse était son fruit, le contrôle
de l’expression, une proposition qui a
entraîné
les applaudissements les plus
enthousiastes de la part de nos
politiciens mal informés.
Alors que nos
politiciens aux États-Unis se mettent à
applaudir Macron comme des idiots de
village, la plupart des Américains sont
de fervents partisans de la liberté
d’expression. C’est dans nos gènes.
Cependant, sans se laisser décourager,
Macron et d’autres en Europe s’apprêtent
à imposer unilatéralement le contrôle de
la parole sur Internet avec de nouvelles
législations en France et en Allemagne.
Si vous pensez qu’il s’agit d’une
question européenne, détrompez-vous.
Macron et son
gouvernement tentent d’éliminer de façon
unilatérale les pensées haineuses sur
Internet. Le Parlement français a adopté
une nouvelle loi qui ne donnerait que 24
heures aux entreprises Internet comme
Facebook et Google pour supprimer les
propos haineux de leurs sites, sous
peine d’une amende de 1,4 million de
dollars par violation. Un vote final est
attendu la semaine prochaine.
L’Allemagne a adopté une mesure
semblable l’an dernier et a imposé des
amendes de 56 millions de dollars.
Les Français et les
Allemands ont renoncé à essayer de
convaincre les États-Unis de renoncer à
leur liberté d’expression. Ils se sont
rendu compte que ce n’était pas la chose
à faire parce que imposer des amendes
sclérosantes conduit les grandes
entreprises à censurer la parole selon
des normes mal définies. Le résultat
pourrait en être la mise sous tutelle de
la plus grande invention dans l’histoire
du monde favorisant la liberté
d’expression. Tout cela se passe sans le
moindre soupçon d’opposition de la part
du Congrès ou de la plupart des
organisations de défense des libertés
civiles.
La décision des
Européens frappe dans un angle mort de
la Constitution des États-Unis. Le
Premier Amendement fait un excellent
travail pour empêcher l’action du
gouvernement contre la liberté
d’expression, et la plupart des lois qui
restreignent la liberté d’expression en
Europe seraient inconstitutionnelles aux
États-Unis. Cependant, bien que protégés
contre Big Brother, nous nous retrouvons
complètement vulnérables à Little
Brother, composé de sociétés privées qui
ont un large pouvoir discrétionnaire sur
la réduction et le contrôle de la parole
à travers le monde.
Les Européens
savent qu’il est peu probable que ces
entreprises retirent chirurgicalement du
contenu dans chaque pays. L’effet sera
similaire à celui de l’« exception
californienne ». Tous les États sont
assujettis à des normes identiques en
matière d’émissions des véhicules en
vertu du Clean Air Act [Le Clean Air Act
se réfère, dans le monde anglophone, à
une loi en matière de diminution du smog
et de pollution de l’air en général, NdT],
mais la Californie a obtenu une
exception pour établir des normes plus
strictes. Plutôt que de créer des
voitures spéciales pour la Californie,
les normes plus strictes tendent à
contrôler la conception des voitures.
Lorsqu’il s’agit de contrôler
l’expression, les Européens savent
qu’ils peuvent limiter la parole non
seulement dans leur pays, mais qu’ils
peuvent aussi pratiquement le faire aux
États-Unis et partout ailleurs.
En effet, les
Européens s’appuient sur les succès
passés. En 2013, un groupe d’étudiants
juifs a utilisé les lois françaises pour
poursuivre Twitter afin de l’obliger à
divulguer l’identité des personnes ayant
posté de façon anonyme des commentaires
jugés antisémites. À son crédit, il faut
reconnaître que Twitter s’est battu pour
protéger l’anonymat, mais les tribunaux
européens ont statué contre l’entreprise
et, finalement, elle a cédé. L’anonymat
disparaît aussi rapidement que la
liberté d’expression est écrasée dans
ces pays.
Macron sait que le
contrôle européen de la parole est
susceptible de se métastaser sur
Internet. La liberté d’expression a déjà
été mise à mal en Europe. Ces lois
criminalisent la liberté d’expression
selon des normes vagues faisant
référence à l’« incitation » ou à l’«
intimidation » d’autrui fondée sur la
race ou la religion. Par exemple, le
créateur de mode John Galliano a été
reconnu coupable par un tribunal
français d’avoir tenu des propos
antisémites contre au moins trois
personnes dans un bar parisien. Au
moment de fixer la peine, la juge Anne
Marie Sauteraud a donné lecture à
Geraldine Bloch et Philippe Virgitti
d’une liste des insultes proférées par
Galliano. « Il a dit “sale pute” au
moins mille fois », a-t-elle expliqué à
haute voix.
Dans une autre
affaire, le père de la candidate
conservatrice française à la présidence
Marine Le Pen a été condamné à une
amende parce qu’il avait qualifié la
minorité rom d’« odorante ». Une mère
française a été poursuivie parce que son
fils est allé à l’école avec une chemise
portant la mention « Je suis une bombe
». Un Allemand a été arrêté pour avoir
eu une sonnerie de téléphone avec la
voix d’Adolf Hitler. Une politicienne
conservatrice allemande a été placée
sous enquête criminelle pour un tweet
dans lequel elle accusait la police
d’apaiser « des bandes barbares de
hordes d’hommes violeurs musulmans ».
Même le ministre allemand de la Justice
Heiko Maas a été censuré en vertu de ses
propres lois pour avoir qualifié un
auteur d’« idiot » sur Twitter.
Le résultat de ces
lois mal définies est prévisible. Un
récent sondage a révélé que seulement 18
% des Allemands estiment pouvoir
s’exprimer librement en public. Plus de
31 pour cent ne se sont même pas sentis
libres de s’exprimer en privé avec leurs
amis. Seulement 17 pour cent des
Allemands se sentaient libres de
s’exprimer sur Internet, et 35 pour cent
ont déclaré que la liberté d’expression
est limitée à de petits cercles privés.
C’est ce qu’on appelle un effet
paralysant, et c’est cela qu’il faut
craindre.
Les Nations Unies
renouvellent également leurs appels à
classer la propagande haineuse dans la
catégorie crime international. Les
nations musulmanes veulent que le
blasphème y soit inclus, et Israël veut
que l’antisémitisme soit criminalisé.
Même dans notre propre pays, des
politiciens comme Howard Dean et divers
universitaires ont déclaré que les
propos haineux ne sont pas protégés par
le premier amendement. La représentante
Frederica Wilson a demandé que les gens
soient “poursuivis” pour s’être moqués
des membres du Congrès. Un récent
sondage a révélé que la moitié des
étudiants aux États-Unis ne croient pas
que la propagande haineuse devrait être
protégée.
Il y a une triste
et redoutable ironie dans le fait de
voir la France prendre la tête des
efforts visant à restreindre la liberté
d’expression. Autrefois bastion de la
liberté, la France est aujourd’hui
devenue l’une des plus grandes menaces
internationales à la liberté
d’expression. Elle a même mené une
répression contre la presse libre en
poursuivant des journalistes avec des
enquêtes criminelles. Pendant des
années, nous avons simplement regardé de
notre côté de l’Atlantique et rejeté ces
tendances comme une question européenne.
Avec ces nouvelles lois, cependant, il
s’agit d’un problème mondial. Ces
espèces invasives sont sur le point
d’être lâchées sans contrôle sur la
toile mondiale.
Jonathan Turley est
professeur Shapiro à la faculté de droit
d’intérêt public à l’Université George
Washington. Vous pouvez le suivre sur
Twitter @Jonathan Turley. [La Bourse
J.B. et Maurice C. Shapiro est un
organisme qui donne beaucoup d’argent à
la faculté de droit de l’Université
George Washington, NdT]
Source :
The Hill, Jonathan Turley,
06-07-2019
Traduit par les
lecteurs du site
www.les-crises.fr. Traduction
librement reproductible en intégralité,
en citant la source.
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