Palestine
« L’Occident a trop longtemps été
indulgent
vis-à-vis d’Israël »
Jonathan Cook
Photo :
Abbas Momani / AFP
Dimanche 16 juillet 2017
L’an dernier, au moment où Israël
a adopté une
nouvelle loi antiterroriste, Ayman
Odeh, l’un des dirigeants de
l’importante minorité des citoyens
palestiniens du pays, a décrit les
mesures draconiennes prévues par cette
loi comme un « dernier sursaut »
du colonialisme.
La panique et la cruauté ont atteint de
nouveaux abîmes, la semaine dernière,
quand de hauts fonctionnaires israéliens
ont intenté un procès de 2,3 millions de
dollars contre la famille de Fadi Qanbar
qui, en janvier dernier, à Jérusalem,
avait foncé en camion sur des soldats
israéliens, tuant quatre d’entre eux.
L’homme avait été abattu sur-le-champ.
L’action en justice
exige que sa veuve, Tahani, et ses
jeunes enfants dédommagent l’État pour
la compensation que ce dernier a
accordée aux familles des militaires.
À l’instar d’autres
familles de Palestiniens qui commettent
des agressions, les Qanbar n’ont plus de
logis, après qu’Israël a scellé leur
maison de Jérusalem-Est avec du béton.
Douze de leurs proches ont également été
privés de leurs certificats de
résidence, en guise de prélude à leur
expulsion en Cisjordanie.
Aucun n’a fait quoi
que ce soit de répréhensible. Leur seul
crime est tout simplement d’avoir des
liens de parenté avec une personne
qu’Israël définit comme
« terroriste ».
Cette tendance
s’intensifie. Israël a exigé de
l’Autorité palestinienne qu’elle cesse
de payer une modeste allocation
mensuelle aux familles comme les Qanbar,
dont le seul soutien financier a été
abattu ou emprisonné. Le taux de
condamnation parmi les Palestiniens sous
le système juridique israélien dépasse
99 pour 100.
La législation
israélienne s’apprête à saisir 280
millions de dollars en provenance des
taxes qu’Israël collecte pour le compte
de l’Autorité palestinienne, ce qui
plongerait potentiellement cette
dernière dans la faillite.
Mercredi, des
partisans d’Israël comptent introduire
au Sénat américain un projet de loi
visant à refuser toute aide à l’AP si
celle-ci ne cesse pas de « financer
le terrorisme ». Issa Karaka, un
responsable palestinien, à déclaré qu’il
serait impossible pour l’AP
d’obtempérer : « Chaque famille ou
presque (…) a un membre prisonnier ou
martyr. »
Israël a poussé les
châtiments collectifs jusqu’à de
nouvelles extrémités. Il prétend qu’un
agresseur potentiel ne peut être
dissuadé qu’en sachant que les êtres qui
lui sont chers subiront de sévères
représailles. Ou, en d’autres termes,
Israël est prêt à recourir à tout pour
décourager la motivation des
Palestiniens à résister à son occupation
brutale.
Tout semble indiquer, pourtant, que
lorsque les gens atteignent un point de
rupture et qu’ils désirent mourir dans
le combat contre leurs oppresseurs, ils
ne s’éternisent guère sur les
conséquences de leurs actes pour leurs
familles. Telle était d’ailleurs la
conclusion d’une enquête effectuée par
l’armée israélienne voici plus de dix
ans.
En vérité, Israël
sait parfaitement que sa politique est
futile. Il ne dissuade pas les
agressions mais, en lieu et place,
s’engage dans des activités complexes de
déportation. Des formes de plus en plus
sadiques de revanche appuient un
sentiment collectif et historique de
victimisation chez les Juifs, tout en
détournant l’attention des Israéliens de
la réalité : leur pays est un État
colonial d’implantation par la violence.
Si ce verdict
semble sévère, penchez-vous un peu sur
une étude publiée tout récemment sur les
effets éprouvés par des opérateurs de
drones chargés de procéder à des
exécutions extrajudiciaires, au cours
desquelles les morts fréquentes de
civils sont cataloguées de « dommages
collatéraux ».
Une étude
américaine a découvert que les pilotes
qui commandent ces drones à distance ne
tardent pas à développer des symptômes
de stress post-traumatique, du fait
qu’ils infligent tant de mort et de
destruction. L’armée israélienne a
refait la même étude après que ses
pilotes eurent dirigé des drones sur
Gaza au cours de l’agression israélienne
de 2014. Quelque 500 enfants
palestiniens avaient été tués au cours
des bombardements contre l’enclave, qui
avaient duré près de deux mois.
Les médecins furent
surpris, toutefois, de voir que les
pilotes ne montraient aucun signe de
dépression ou d’angoisse. Les chercheurs
présument que les pilotes israéliens
estiment que leurs actions sont
davantage justifiées, parce qu’ils sont
plus proches de Gaza que les pilotes
américains ne le sont de l’Afghanistan,
de l’Irak ou du Yémen. Ils se fient
davantage au fait que ce sont eux, les
Israéliens, qui sont menacés.
La détermination à préserver cette
image exclusive de soi comme la victime
aboutit à un scandaleux deux poids, deux
mesures.
La semaine
dernière, la cour suprême israélienne a
soutenu le refus par des fonctionnaires
de sceller les maisons de trois Juifs
qui avaient kidnappé Mohammed Abu Khdeir
en 2014 avant de le brûler vif.
En mai, le
gouvernement israélien a révélé qu’il
avait refusé des dommages et intérêts au
petit Ahmed Dawabsheh, 6 ans, le seul
survivant – profondément marqué – d’un
incendie criminel commis par des
extrémistes juifs il y a deux ans.
Cette interminable
surenchère dans l’insulte aux
Palestiniens n’est possible que parce
que l’Occident permet depuis trop
longtemps à Israël d’endosser le rôle de
victime. Il est temps de faire éclater
cette bulle d’aveuglement obstiné et de
rappeler à Israël que c’est lui, et non
les Palestiniens, qui est l’oppresseur.
Publié le 14/7/2017
sur
The National sous le titre : La
détermination d’Israël à entretenir son
image de victime aboutit au deux poids,
deux mesures
Traduction : Jean-Marie Flémal
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