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Principes

Jacques Sapir


© Jacques Sapir

Mardi 26 juillet 2016

Les principes de la République ont été sérieusement malmenés au sujet de l’attentat de Nice. Et l’on peut craindre, surtout dans le contexte de l’odieux attentat de Saint-Etienne du Rouvray, que la polémique née autour de l’attentat de Nice ne décuple. L’article de Régis de Castelnau dans Causeur est une très utile mise au point[1]. Que dit-il ? « …face à la catastrophe, chacun essaie d’éviter d’être mis trop lourdement face à ses responsabilités. En se défaussant sur celui d’en face, d’autant que la question de la sécurité à Nice est institutionnellement partagée entre l’État et le maire qui exerce d’ailleurs cette compétence au nom de l’État. Pour faire encore plus simple, c’est patron de la police nationale contre patron de la police municipale, autrement dit parole contre parole. » L’appel qu’il fait à la constitution d’une commission d’enquête parlementaire est on ne peut plus pertinent.

Il est désormais en effet clair que seule une commission d’enquête parlementaire peut traiter les questions soulevées par l’attentat de Nice et restaurer les principes de la République. Ceux-ci ont d’ailleurs mis à mal par les déclarations des membres du gouvernement, de Bernard Cazeneuve à Manuel Valls.

La polémique virulente qui est issue de cet attentat condamne toute enquête administrative. Nous sommes désormais dans le domaine politique, et c’est politiquement qu’il convient de le traiter. Des résultats de cette commission d’enquête dépendront les démissions ou révocations du préfet des Alpes-Maritimes, du responsable de la sécurité de la Municipalité de Nice, mais aussi les démissions possibles du Ministre de l’Intérieur, voire du Premier-ministre.

Etablir les faits

Cette commission se devra d’établir les faits soit :

 1. Les effectifs de police étaient-ils suffisants et correctement déployés pour une manifestation de cette importance ? On sait que c’est le journal Libération qui a lancé le débat sur ce point[2]. Contrairement à ce qu’affirme le communiqué du 16 juillet du Ministre de l’Intérieur qui dit : «La mission périmétrique était confiée pour les points les plus sensibles à des équipages de la police nationale, renforcés d’équipages de la police municipale. C’était le cas notamment du point d’entrée du camion, avec une interdiction d’accès matérialisée par le positionnement de véhicules bloquant l’accès à la chaussée. Le camion a forcé le passage en montant sur le trottoir.» [3], il semble bien que c’était des policiers municipaux qui assuraient la sécurité du premier périmètre.

 2. Comment un camion de 19 tonnes a-t-il pu circuler à Nice, alors que les rues de cette ville sont interdites à ce genre de véhicule ? On sait qu’à toute interdiction correspond des exemptions, de fait ou de droit. Mais, le soir du 14 juillet la circulation d’un tel engin aurait pu et dû mettre les forces de Police en alerte. Pour user d’une analogie historique, c’est le pendant de la détection par un radar des avions japonais se préparant à attaquer Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et de la non-prise en compte de cette « information ».

 3. Toutes les conditions de sécurité étaient-elles remplies et pourquoi aucun obstacle artificiel (chicanes en béton, grilles anti-véhicules) n’avait été déployé aux entrées de cette manifestation ? On savait, depuis l’attentat à la voiture-bélier à Nantes le 22 décembre 2014[4] que ce type de méthode pouvait être utilisée. Des obstructions mobiles étaient disponibles, et avaient été utilisées lors de l’Euro-2016. Si la Mairie de Nice ne l’a pas voulu les utiliser (ce qui constitue une faute grave) pourquoi le Préfet des Alpes-Maritimes, l’autorité de dernière instance en matière de sécurité d’événements publics à Nice, n’a-t-il pas exigé que cela soit fait ? Le Préfet avait autorité pour pouvoir interdire cet événement s’il considérait que les conditions de sécurité n’étaient pas remplies.

 4. Quel était le niveau de préparation des responsables tant municipaux que nationaux à un attentat ? Il est clair que la sécurité s’était focalisée sur une bombe ou l’usage de ceintures explosives. Mais croire que l’ennemi va être routinier est une énorme erreur. Ici encore, il faut avoir recours à une analogie historique. L’exemple le plus connu, en l’occurrence, n’est autre que celui de Pearl Harbor. Cette attaque pu avoir lieu en dépit de la détection par un radar des avions japonais se préparant à attaquer Pearl Harbor le 7 décembre 1941[5]. On sait que les opérateurs de l’un des 6 radars appartenant à l’Armée détecta de 6h45 à 6h58 l’hydravion de reconnaissance catapulté depuis un des croiseurs japonais escortant les porte-avions, et qui venait de confirmer la présence de la flotte américaine à sa base, puis, de 7h02 à 7h40 le trajet de la formation composant la première vague de l’attaque japonaise[6]. L’opérateur radar communiqua à deux reprises ses observations à l’officier de garde au quartier général, sans que ce dernier ne les prenne en compte. L’un des responsables de la commission d’enquête, l’Amiral King, devait conclure à : « Un sentiment injustifié d’une immunité quant à une attaque…qui semble avoir pénétré tous les grades à Pearl Harbor, de la Marine comme de l’Armée« [7]. L’historien américain Samuel Eliot Morison remarque, quant à lui, que les tentatives de sous-marins de poche japonais de pénétrer dans la rade de Pearl Harbor avaient été détectées dès 6h00 du matin. Rien, dans ces conditions, ne pouvait légitimement justifier l’inaction des officiers de garde. Mais, les responsables militaires présents à Pearl Harbor, s’ils s’attendaient à une ouverture prochaine des hostilités avec le Japon[8], étaient convaincus que les opérations seraient concentrées sur les Philippines et sur la Malaisie. Ils ne concevaient pas la possibilité d’une attaque sur Pearl Harbor. La formulation de l’information est donc perturbée par le jeu des dits et des non-dits. Les croyances des acteurs ne sont pas seulement affectées par les sources externes mais par le mouvement de remise en cause des ordres de croyances qu’induisent les sources. La subjectivité des acteurs est donc essentielle pour comprendre le déroulement des chaînes cognitives mises en jeu, ce que décrivait Keynes, dans le Traité des Probabilités comme celui de la Théorie Général, que Shackle[9] ou Hayek[10].

D’où découle une question cruciale quant à l’attentat de Nice. Compte tenu des informations raisonnablement disponible sur le degré et les natures possibles des menaces terroristes à la veille du 14 juillet, les responsables de la Police Nationale, et de l’Etat, à Paris comme à Nice n’ont-ils pas pêché par le même « …sentiment injustifié d’une immunité quant à une attaque… » que ce que l’on a connu à Pearl-Harbor ?

  1.  5. Le Ministère de l’Intérieur a-t-il fait pression sur la responsable de la vidéosurveillance, Sandra Bertin, policière municipale et secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT) de Nice ? Les accusations portées par cette dernière sont trop graves pour être récusées d’un revers de main, comme affecte de le faire le Ministre de l’intérieur M. Bernard Cazeneuve. Il est bien établi qu’elle a parlé le 15 juillet avec une responsable du Ministère, le numéro 3 de l’état-major de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP)[11]. Il est possible qu’elle ait confondu cette personne avec un membre du cabinet du Ministre. Géographiquement, ce n’est pas complètement absurde car la Direction Centrale de la Sécurité Publique est abritée dans un bâtiment adjacent à celui du ministère, précisément rue des Saussaies à Paris. Et, comme l’ensemble de ces directions également, la DCSP est rattachée directement au Ministre.

Responsabilités politiques

Mais, les principes de la République ont aussi mis à mal par les déclarations outrancières de certains ministres, et non des moindre. Rappelons que J-M Le Guen a fait une déclaration scandaleuse, qui pose un véritable problème de morale et de politique : « Je veux bien qu’on aille sur ce terrain-là, mais dans ce cas, il n’y a plus d’État de droit dans le pays. Si un certain nombre de journalistes, de commentateurs, de responsables politiques mettent en cause le fonctionnement de la justice et des services administratifs de l’État, alors c’est une thèse qui est extrêmement dangereuse pour la démocratie« [12], il met en cause en réalité la démocratie. Le Premier ministre, M. Manuel Valls, a mis en balance le fait que M. Estrosi avait bénéficié du retrait de la liste PS-PRG pour l’emporter au second tour des régionales contre Marion Maréchal-Le Pen (FN) en décembre pour l’amener à des positions plus conformes aux siennes, ce qui est d’une rare indignité[13].

Il est allé jusqu’à prononcer ces mots : « Cette idée, au fond, que l’Etat ment, a quelque chose à cacher, alimente le doute, fracture l’état de droit ». Lui qui prétend admirer Clemenceau ferait bien de le lire. Car Clemenceau, dans des circonstances autrement plus difficiles, en pleine guerre de 1914-1918, alors qu’il était Président du conseil, avait, lui, déclaré le 8 mars 1918 : « … « … Je dis que les républicains ne doivent pas avoir peur de la liberté de la presse. N’avoir pas peur de la liberté de la presse, c’est savoir qu’elle comporte des excès. C’est pour cela qu’il y a des lois contre la diffamation dans tous les pays de liberté, des lois qui protègent les citoyens contre les excès de cette liberté. Je ne vous empêche pas d’en user. Il y a mieux : il y a des lois de liberté dont vous pouvez user comme vos adversaires ; rien ne s’y oppose ; les voies de la liberté vous sont ouvertes ; vous pouvez écrire, d’autres ont la liberté de cette tribune ;(…). De quoi vous plaignez-vous ? Il faut savoir supporter les campagnes ; il faut savoir défendre la République autrement que par des gesticulations, par des vociférations et par des cris inarticulés. Parlez, discutez, prouvez aux adversaires qu’ils ont tort et ainsi maintenez et gardez avec vous la majorité du pays qui vous est acquise depuis le 4 septembre.[14] ». Cela fait d’autant mieux ressortir le caractère outrancier des déclarations des membres du gouvernement. Mais, si les membres du gouvernement étaient assurés de leurs positions, s’en remettraient-ils à de telles outrances ?

Ici encore, seule une commission d’enquête parlementaire est à même, en établissant clairement les responsabilités des uns et des autres, de ramener les acteurs de ce drame aux principes de la République, ce qui peut entrainer, le cas échéant, leur démission. Il convient donc que les députés de la majorité comme de l’opposition, s’accordent rapidement sur sa constitution.

 

Notes

[1] http://www.causeur.fr/attentat-nice-cazeneuve-sandra-bertin-39369.html

[2] http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531

[3] Cité d’après Libération, http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531

[4] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/12/22/01016-20141222ARTFIG00352-une-camionnette-fonce-dans-la-foule-du-marche-de-noel-a-nantes.php

[5] De nombreux ouvrages traitant de l’attaque de Pearl Harbor relatent cette anecdote de manière plus ou moins romancée. Les sources utilisées ici sont d’une part le vol. III de l’histoire des opérations navales américaines dans le second conflit mondial, S.E. Morison, History of United States Naval Operations in World War II – Volume III – The Rising Sun in the Pacific , Boston, Little, Brown & company, 1988 (première édition 1948), pp. 136-139 et Joint Congressional Investigating Committee, US Congress, Pearl Harbor Attack, US-GPO, Washington DC, 40 vol., 1946, et en particulier part. 1, pp. 39-40 et part. 25.

[6] Un croquis représentant les observations radars se trouve dans S.E. Morison, The Rising Sun…, op.cit., p. 137.

[7] Idem, p. 138.

[8] Le Chef d’Etat-Major de la Marine américaine avait ainsi envoyé le 27 novembre 1941 un message « d’avertissement de guerre », Joint Congressional Investigating Committee, US Congress, Pearl Harbor Attack, op;cit., part. 14, p. 1406.

[9] G.L.S. Shackle, Anticipations in Economics, Cambridge, Cambridge University Press, 1949.

[10] Un bon résumé de l’approche de l’école autrichienne dans le domaine de la connaissance se trouve dans l’article de L.M. Lachman, « From Mises to Shackle : an essay on Austrian economics and the Kaleideic Society » in Journal of Economic Litterature, vol.14, n°1, 1976, pp.54-62.

[11] http://www.marianne.net/nice-commissaire-qui-echange-sandra-bertin-est-ndeg3-etat-major-dcsp-100244658.html

[12] http://www.bfmtv.com/politique/attentat-de-nice-pour-jean-marie-le-guen-critiquer-l-etat-est-dangereux-pour-la-democratie-1009413.html

[13] http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/07/25/nice-manuel-valls-denonce-une-polemique-indigne-qui-vise-a-destabiliser-le-gouvernement_4974254_823448.html

[14] http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-moments-d-eloquence/georges-clemenceau-je-fais-la-guerre-8-mars-1918

 

 

   

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Source: RussEurope
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