Opinion
Surprise de Noël
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Samedi 31 décembre 2016
http://www.unz.com/ishamir/christmas-surprise/
Je vous avais promis que ce Noël ne
serait pas triste ; voilà que pour la
première fois en quarante ans, les US
viennent de voter au Conseil de sécurité
de l’Onu contre les volontés officielles
de Tel Aviv. Le miracle pour lequel les
amis de la Palestine et les Israéliens
progressistes ont tant prié s’est
produit, après tout. C’est l’un des
premiers effets bénéfiques de la
victoire de Donald Trump : cassée,
enterrée, la longue soumission
américaine envers les juifs. C’est
l’administration Obama qui l’a fait,
mais cela ne serait pas arrivé si Mme
Clinton était le président élu.
Depuis 40 ans, les
US opposaient leur veto à chaque
résolution de l’ONU qui aurait pu
limiter le droit inaliénable d’Israël à
traiter ses goy à sa guise, par exemple
en raflant leurs terres et en installant
des juifs sur leurs propriétés volées.
Ceci était dans la ligne de la vision
traditionnelle juive selon laquelle les
Gentils n’ont aucun droit, de manière
générale, comme un chat n’a pas de droit
à son coussin ou le cheval à sa stalle ;
ils n’en jouissent qu’aussi longtemps
que cela convient à l’être humain. La
communauté mondiale grinçait des dents,
l’allégresse israélienne se faisait
jubilation, mais les US restaient les
défenseurs indéfectibles d’Israël. En
2011 c’est le même président Obama qui
s’était opposé à une autre Résolution
pratiquement identique à celle qui vient
de passer maintenant. Depuis lors, Obama
a donné à Israël 38 milliards de dollars
en aide militaire. Qu’est-ce qui a
changé, maintenant ? Pourquoi est-ce que
cette fois Obama a décidé que le mauvais
génie d’Israël exige un traitement plus
rude ?
Le New York
Times a expliqué cela par la liberté
que lui donne l’approche de la retraite.
Comme les enfants le dernier jour
d’école avant les vacances se sentent
libres de faire des farces pour régler
leurs comptes, les politiques sur le
départ ont tendance à se soulager, et
bien souvent sur le dos des juifs qu’ils
ont eu à supporter, à tolérer ou à
vénérer, peu importe.
Le dirigeant malais
Mohammad Mahathir a attendu jusqu’au
dernier jour à son poste en 2003 pour
dire que les juifs avaient réussi à
prendre le contrôle des pays les plus
puissants et à gouverner le monde par
procuration. Jimmy Carter et George Bush
I n’avaient pas attendu, ils avaient agi
pour borner les appétits israéliens
insatiables au cours de leur premier
mandat, puis ont échoué à se faire
réélire. Obama a eu droit à deux
mandats, et le voici libre de batifoler
un moment.
Cela peut expliquer
le choix de ce momen précis, mais ne
suffit pas à éclaircir le sentiment qui
est en jeu. Rien n’agace plus un homme
de pouvoir que d’avoir à plier le genou
devant un pouvoir obscur. Pas devant un
roi, mais devant quelqu’un qui n’a même
pas une armée. L’Eglise avait mis des
bâtons dans les roues de bien des
dirigeants, mais les juifs sont une
nuisance plus grande. Jamais un si petit
nombre de gens n’a mis autant de
pagaille, me disait un ami. Des tas de
gens prient pour qu’ils se cassent la
figure. Même des politiciens et des
hommes d’Etat très prudents se
réjouiraient si ces gens arrogants se
voyaient remis à leur place.
Pour un président
US, le dépit devait être insupportable.
Lui, l’homme le plus puissant sur terre,
il a été humilié à plusieurs
reprises par les Israéliens. Quand il
s’est rendu en Israël, le rabbin en chef
Obadiah Youssef a dit qu’il aurait dû
baiser les pieds aux juifs qui
l’autorisaient à les approcher. Ses
propositions pour un règlement plutôt
honnête du problème palestinien ont été
rejetées sans ménagements et son propre
Congrès a reçu Netanyahou avec plus de
faste qu’il n’en avait jamais connu.
Quelle est la
source mondaine, profane, du pouvoir
israélien ? Aujourd’hui comme en 1917,
c’est la capacité des juifs américains
pour influencer l’opinion publique
américaine à travers la machinerie
médiatique. C’est ce que les juifs
avaient dit à Lord Balfour en 1917,
quand ils lui avaient demandé de leur
promettre la Palestine, en échange de
quoi ils sauraient attirer les US dans
la Première Guerre mondiale. Dans aucun
pays les juifs ne sont aussi puissants
qu’aux US, et partout où ils sont
puissants, c’est à cause du soutien et
de l’insistance américaine. C’était là
aussi une source de frustration pour un
président américain.
Et voilà que les
juifs ont raté leur coup avec Obama et
avec la Clinton qu’il soutenait. Ils ne
sont pas parvenus à ficeler l’opinion
publique américaine. Ils ont bien
essayé, ils ont activé tous leurs media,
ils ont fait parader les Maîtres du
discours, et pourtant, ils se sont
ramassés. Trump a su jouer de la cassure
entre juifs libéraux et sionistes, et il
a su éviter de se faire traiter d’ennemi
des juifs, comme l’ADL le voulait de
toutes ses forces. Après son élection,
le président élu Trump a
lâché le chat parmi les pigeons en
nommant David Friedman comme ambassadeur
US en Israël. Il a su faire de la
déchirure entre juifs libéraux et juifs
sionistes purs et durs une guerre à
mort.
“ Il a gelé en
enfer”, a
écrit Mondoweiss, un site
progressif juif : « le New York Times a
sorti un article qui dit que le sionisme
est raciste ». Les juifs sionistes
libéraux d’Amérique ont été sommés de
choisir : le racisme avec le sionisme,
ou les valeurs libérales.
L’extrême droite
européenne s’est servie de cette ruse,
en faisant appel aux sionistes contre
les juifs libéraux pendant des années.
Breivik, l’assassin de masse norvégien,
avait mis cette stratégie en avant
aussi. Les partis européens d’extrême
droite qui ont refusé de jouer avec les
sionistes et avec les juifs libéraux à
la fois se sont retrouvés privés de
micro, sans le moindre écho médiatique.
C’est un schéma
semblable qui a été mis en œuvre par les
Britanniques : ils ont donné aux
juifs ce qu’ils demandaient, plus
précisément Theresa May a annoncé
qu’elle avait décidé d’accepter la
définition de l’antisémitisme donnée par
l’IHRA (Alliance Internationale pour la
Mémoire de l’Holocauste), et
l’intègrerait à la législation
britannique, et au même moment ils ont
rendu plus facile l’abstention US et
rendant le texte plus succulent pour
Obama.
Les Russes en ont
fait autant : ils ont repris les chaînes
de télévision aux oligarques juifs, les
ont chassés du pouvoir, mais caressent
dans le sens du poil les
fondamentalistes loubavitch et
Netanyahou.
Le monde va se
libérer de l’hégémonie juive, mais cette
transition compliquée exige d’utiliser
un groupe juif contre un autre, du
moins c’est ce que ressentent les
politiques. Ce qui n’empêche pas que le
moment de la libération approche. A
mesure que l’hégémonie US décline, celle
des juifs suit la même pente. Trump a
gagné malgré le fait que les media
juifs, les Maîtres du discours, étaient
contre lui. Cette leçon, les politiciens
vont la retenir, et s’en resservir.
La conduite des
Israéliens a beaucoup contribué au
changement. Les blancs aiment jouer à la
loyale ; ils ont donné l’intégralité des
droits aux juifs et aux noirs, malgré le
fait que ce n’était pas à leur avantage.
Mais les juifs n’ont que faire de la
loyauté, tout ce qui compte, pour eux,
c’est le but à atteindre. Leurs mauvais
traitements aux Palestiniens ont dépassé
tout seuil de tolérance. Ils pouvaient
renoncer à la Palestine et vivre bien
sur les 78% du territoire qu’ils lui
avaient confisqués, honnêtement ou non.
Ils auraient pu obtenir la solution à
Deux Etats, où l’Etat palestinien
n’aurait pas eu le moindre contrôle sur
ses frontières, son espace aérien, son
eau ou sur sa capacité militaire, aurait
juste gagné un drapeau et un hymne
national.
Ou encore, s’ils
veulent la terre de Palestine tout
entière, ils pourraient traiter
honnêtement les Palestiniens, leur
donner des droits dans un seul
Etat, au lieu de continuer à implanter
toujours plus de colonies juives sur la
terre qu’ils volent aux Palestiniens
tout en prétendant viser la solution à
Deux Etats. Mais les juifs ont préféré
avoir le beurre et l’argent du beurre.
C’est un stratagème qui peut marcher un
temps, mais pas éternellement, et les
sionistes viennent de découvrir les
limites de leur pouvoir.
La dramaturgie du
vote au Conseil de sécurité mériterait
d’être mise en musique. L’Egypte a tracé
les grandes lignes, et Israël a commencé
à faire pression. Le général Sisi est un
dirigeant plutôt fragile ; il est arrivé
au pouvoir par un coup d’Etat, il n’est
pas très populaire, et il est donc
sensible aux pressions. Netanyahou a
demandé à Trump d’aller parler à Sisi,
ce qu’il a fait. Trump redoute que ses
adversaires lui jouent un sale tour
avant la prise de pouvoir, et il a
besoin de protection. Sisi a accepté de
retarder indéfiniment le vote. Mais
Obama a été outré par l’interférence de
Trump et celle de Netanyahou passant
par-dessus lui. « Un seul président à la
fois », selon sa réplique célèbre.
Quatre Etats ont
alors repris la motion abandonnée par
l’Egypte. La Nouvelle Zélande a été
menacée par Netanyahou qui lui avait
promis « ce sera la guerre » et qui a
rappelé son ambassadeur, en fermant
l’ambassade. Mais la Nouvelle Zélande
n’a pas reculé d’un pouce ! Ils avaient
connu cette situation avec l’Angleterre,
et les menaces de Netanyahou les ont
laissés de marbre. Quelques années plus
tôt, ils avaient déjà envoyé
l’ambassadeur israélien faire ses
valises, lorsqu’on avait appris que les
assassins israéliens du Mossad étaient
équipés de faux passeports NZ.
La motion a été
mise sur la table à nouveau. Netanyahou
a appelé Poutine à la rescousse. Poutine
a été très amical et il a promis de voir
ce qu’il pouvait faire. L’homme de la
Russie à l’Onu, Vitally Churkin, a bien
tenté de retarder le vote jusqu’après
Noël, ou après l’installation de Trump,
mais personne d’autre ne l’a suivi. Il a
donc voté pour la motion.
Il ne pouvait rien
faire d’autre ; en tant que membre du
quartet, la Russie constitue un soutien
solide et généreux pour la Palestine,
c’est un protecteur historique des
Palestiniens. Jusqu’à une date récente,
la Russie ne reconnaissait pas les
conquêtes israéliennes de 1948, et cela
inclut Jérusalem Ouest. Sur les cartes
russes, les frontières d’Israël sont
celles du projet de partition de 1947,
avec ses lignes de démarcation, 7000 km2
de moins que n’en fixait la Ligne verte
de 1949. Les Israéliens ont sous-estimé
la fibre morale et religieuse russe.
La veille, le
représentant israélien s’était tenu à
l’écart lors du vote sur la Syrie à
l’Assemblée générale de l’Onu, pour
faire plaisir à Poutine. Netanyahou
s’attendait donc à un renvoi
d’ascenseur. Mais Poutine a préféré ne
pas mettre en danger sa réputation bien
méritée et durement gagnée de protecteur
de la Palestine et de la Syrie. Le
président russe est quelqu’un de
rationnel. Il veut l’amitié avec
Israël pour plusieurs raisons, mais pas
à n’importe quel prix ; il n’est pas
Sisi, mais pas non plus Sissi
l’impératrice. Tandis que Netanyahou n’a
pas hésité à bombarder l’aéroport de
Damas et des unités de l’armée syrienne,
les alliés de la Russie. Poutine n’a pas
riposté, mais n’a pas oublié.
Maintenant
Netanyahou est hystérique; il menace le
monde entier d’une guerre diplomatique
et il attaque l’Autorité palestinienne.
Dans un accès de frénésie, il a convoqué
les ambassadeurs des Etats membres du
Conseil de sécurité au ministère des
Affaires étrangères le jour de Noël,
comme si le monde était en guerre. Il
n’avait pas encore compris qu’il avait
perdu. Israël et sa politique envers les
Palestiniens sont détestés par le monde
entier, parce qu’ils sont arrogants et
déloyaux, c’est tout.
Netanyahou espère
que Trump va remettre tout ça dans les
rails qui lui conviennent, mais j’en
doute. Pour le moment, Trump considère
qu’il a besoin de soutien juif, mais une
fois en place… il va voir que le prix à
payer est trop élevé. Trump va
probablement faire comme Poutine : jouer
l’amitié, mais sans perdre de vue ses
propres intérêts.
Et Obama, qui en a
vraiment assez, a encore une autre
fenêtre de tir, car le 15 janvier, le
programme français devrait
internationaliser les négociations de
paix. Ce qui est un danger considérable
pour Netanyahou et son extrême droite.
Il s’avère que les
juifs ont grandement surestimé leur
poids et leur force de frappe réelle.
Ils ont fini par croire aux Protocoles,
à en faire leur charte pour l’exercice
du pouvoir, alors que ce n’était qu’une
fable. Et ce genre d’histoires a sa
durée de vie propre, et une date de
péremption.
Pour joindre
l’auteur : adam@israelshamir.net
Original publié sur
The
Unz Review.
Traduction : Maria
Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
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