RIA Novosti
Crimée: la colère des Russes ethniques
alimente le sentiment séparatiste
Howard Amos
Un meeting
pro-russe à Sébastopol - © RIA Novosti.
Taras Litvinenko
Mercredi 26 février 2014
Source:
RIA Novosti
"Un maire russe pour un peuple
russe", scande la foule en colère au
centre de Sébastopol, ville portuaire du
bord de la mer Noire… en Ukraine.
Depuis que l'opposition - composée
principalement de nationalistes
ukrainiens - a pris
le pouvoir dans le pays, la division
de l'Ukraine est sur toutes les lèvres
dans les régions russophones du sud et
de l'est de ce grand pays.
Au sujet de l’autonomie les habitants
de Sébastopol, sur
la péninsule de Crimée, ont décidé
de passer des paroles aux actes : lundi
soir, plusieurs milliers de personnes se
sont réunies devant la mairie.
Première revendication : réunir
d'urgence le conseil municipal pour
nommer au poste de maire Alexeï Tchaly,
un homme d'affaires local étroitement
lié à la Russie.
Certaines têtes brûlées exigeaient de
prendre d'assaut la mairie, d'autres
brandissaient le drapeau russe en
ignorant les objections selon lesquelles
Alexeï Tchaly ne pouvait pas occuper le
poste de maire parce qu'il a la
citoyenneté russe.
Il a été rapidement annoncé que
Tchaly avait été élu président du
nouveau conseil de coordination et
quelques minutes plus tard, il est
apparu à la fenêtre du premier étage
sous les cris de ses partisans.
Pour tenter d'apaiser la situation,
l'ex-maire Vladimir Iatsouba avait
d’abord annoncé sa démission, les larmes
aux yeux, ouvrant la voie à
l'application du slogan des manifestants
"un maire russe pour un peuple russe".
Deux manifestations similaires ont
été organisées ces derniers jours au sud
et
à l'est de l'Ukraine mais nulle part
la colère contre le nouveau régime
n'était aussi prononcée qu'en Crimée,
péninsule de la mer Noire abritant 2
millions d'habitants et unique région
ukrainienne où les Russes ethniques
vivent en majorité. La nomination
d'Alexeï Tchaly, largement couverte par
les médias pro-Kremlin en Russie, est
sans précédent. Sébastopol n'avait
encore jamais élu de maire par
référendum national depuis la privation
de ce droit par Kiev en 1992. Après
cette prise de décision collective et la
nomination de Tchaly au poste de maire,
les manifestants de Sébastopol ont exigé
des forces de l'ordre municipales
qu’elles prêtent serment au nouveau
maire, et ont bloqué les rues qui mènent
vers la ville.
Des rumeurs paniquées ont été
répandues, disant que des troupes armées
étaient envoyées depuis l'Ukraine
occidentale pour réprimer les émeutes en
Crimée et leur imposer la volonté de
Kiev.
Le chef de la police municipale
Alexandre Gontcharov, répondant aux
questions des manifestants, a déclaré
que les quatre routes qui menaient vers
la ville seraient bloquées par des
policiers armés.
Fedor, un marin de Sébastopol qui
travaille sur des navires commerciaux à
travers le monde, participait à la
manifestation. Il compte sur
l'intervention de Moscou.
"Si les Russes de Crimée étaient
victimes de répressions, la Russie
serait contrainte de réagir", a-t-il
déclaré.
Dans la foule Alexandra, qui ne
souhaite pas dévoiler son nom complet,
appelle le président russe Vladimir
Poutine à agir immédiatement.
"Poutine et la flotte de la mer Noire
doivent nous venir en aide. Nous ne
craignons pas l'effusion de sang",
a-t-elle déclaré.
La Crimée a une longue histoire
commune avec la Russie. Officiellement
la région faisait partie de la Russie
jusqu'en 1954, avant que Nikita
Khrouchtchev transmette ce territoire à
la République socialiste soviétique
d'Ukraine.
Début 2010, quand Ianoukovitch a été
élu président, l'Ukraine avait prolongé
la location de
la base navale de Sébastopol
jusqu'en 2042, renforçant ainsi les
liens économiques déjà solides entre
cette région et Moscou.
Les sentiments séparatistes se sont
accrus après l'effondrement de l'Union
soviétique en 1991. Depuis, on entend
constamment des rumeurs selon lesquelles
ces velléités seraient encouragées
secrètement par le Kremlin.
Une vague de manifestations prorusses
s'est déroulée dimanche en Crimée. Selon
certaines estimations, plus de 10 000
personnes ont participé au mouvement à
Sébastopol - bien plus qu'à la
manifestation improvisée le lendemain.
Les orateurs accusaient le nouveau
gouvernement de Kiev d’être fasciste et
appelaient ouvertement à la séparation.
Les manifestants brandissaient des
drapeaux tricolores russes et scandaient
"Russie! Russie!" comme des supporters
de football. Ils ont soutenu les appels
à constituer avec la police des unités
d'autodéfense et à refuser de payer des
impôts à Kiev.
Les actions de Moscou, prétendument
planifiées depuis quelques années pour
accorder des passeports russes aux
Russes ethniques vivant en dehors de la
Russie ont été fermement critiquées par
Kiev, qui affirmait que ces actes
n'étaient rien d'autre qu'un prétexte
pour occuper de nouveaux territoires.
Depuis mardi le président russe
Vladimir Poutine n'a fait aucun
commentaire public sur l'évolution de la
situation. Par contre, le ministère
russe des Affaires étrangères a
ouvertement déclaré que le gouvernement
actuel cherchait à établir son pouvoir
par des "méthodes dictatoriales, voire
terroristes".
Il est également à craindre que les
séparatistes du sud tentent de profiter
de la crise actuelle pour provoquer la
Russie à utiliser la force et arracher
la Crimée à l'Ukraine.
Selon certains experts, un autre
scénario reste également plausible,
selon lequel la péninsule pourrait se
retrouver en état de conflit bloqué et
dépendre entièrement de la Russie, comme
ce fut le cas avec les ex-républiques
soviétiques telles que la Géorgie, qui a
perdu le contrôle de l'Abkhazie et de
l'Ossétie du Sud suite à l'intervention
de Moscou.
"On peut facilement imaginer
l'organisation en Crimée d'un référendum
pour recevoir un statut particulier dans
le cadre de l'Ukraine", a déclaré Maria
Lipman, analyste du Centre Carnegie de
Moscou. "La prochaine étape logique
serait la séparation…"
Cependant, tous les habitants de
Crimée ne sont pas favorables à la
séparation.
La communauté tatare locale,
principalement composée de musulmans et
comptant près de 250 000 personnes,
soutient activement le nouveau
gouvernement de Kiev. Ce qui renforce
encore la tension dans cette région
polyethnique.
Difficile de prédire comment agira le
nouveau régime de Kiev envers la Crimée.
Le président par intérim
Alexandre Tourtchinov a reconnu
mardi que le séparatisme était une
menace sérieuse et a déclaré qu'il
coopérerait étroitement avec les forces
de l'ordre pour trouver une solution à
ce problème. Les dirigeants du parti
d'extrême-droite Svoboda, qui a joué un
rôle clé dans l’arrivée au pouvoir de
l'opposition, auraient déclaré que la
Russie envoyait des forces navales
supplémentaires en Crimée. Ces
déclarations ne visent qu'à alimenter la
panique.
Le conseiller du ministre de
l'Intérieur par intérim Viktor Neganov a
déclaré aux journalistes de RIA Novosti
que les actes de Tchaly à Sébastopol
n'étaient rien d'autre d'un coup d'Etat
local.
"S'il restait à son poste, il
risquerait la prison pour haute
trahison", a-t-il déclaré.
Les participants à la manifestation
prorusse de Sébastopol portaient des
pancartes avec l'inscription "Non au
nazisme ukrainien!".
© 2014
RIA Novosti
Publié le
27 février 2014
Le
dossier Ukraine
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