Justice
Ramadan, justice patriarcale, justice
raciste
Houria Bouteldja
Mercredi 14 février 2018
Oui à une sévérité
exemplaire contre le viol
Non au traitement raciste de Tariq
Ramadan
En tant que femme,
j’exige que le viol soit sévèrement puni
quel que soit l’auteur du crime, Blanc
ou Noir.
En tant que femme indigène, j’exige la
même répression contre tous les auteurs
de viol, Blancs ou Noirs.
Oui, la justice
française est patriarcale et, oui, elle
est tendanciellement complaisante à
l’égard des crimes sexuels notamment
lorsqu’ils sont commis par des hommes de
pouvoir. Oui, la parole des femmes est
constamment méprisée et délégitimée.
Mais il y a une exception : lorsque
l’auteur est réputé Noir, Arabe,
Musulman ou habitant de banlieue.
Là, la justice
devient tendanciellement raciste. Les
choses s’inversent : les hommes qui sont
généralement plutôt protégés au
détriment des femmes perdent toute
immunité, voire sont condamnés d’avance.
Cela est vrai tant pour les délits que
pour les crimes. C’est la raison pour
laquelle les hommes issus de
l’immigration sont surreprésentés en
prison.
Croit-on vraiment
défendre la cause des femmes en
chargeant une catégorie d’homme et en
organisant l’impunité des autres ?
Croit-on vraiment servir la cause des
femmes quand les auteurs - présumés ou
reconnus - d’agressions sexuelles
caractérisées mais bénéficiant de leur
situation de pouvoir jouissent de leur
liberté et de leur présomption
d’innocence avec le soutien de leurs
pairs pendant que Tariq Ramadan, déjà
condamné par le tribunal médiatique,
écope d’une détention provisoire à
laquelle ont échappé et échappent
Dominique Strauss-Kahn, Patrick Balkany,
Georges Tron, Gérard Darmanin, Denis
Baupin, Thierry Marchal-Beck, Frédéric
Haziza, Jean-Claude Brisseau, Gilbert
Cuzou et tant d’autres. Évidemment,
toutes ces affaires ne sont pas
similaires mais les différences de
traitement médiatique, politique et
judiciaire réservé à ces hommes avec
celui infligé à Tariq Ramadan, en dit
long. Dans le cas de Gilbert Cuzou, plus
particulièrement, il est édifiant de
noter que même s’il a été mis en examen
pour cinq agressions sexuelles, il a pu
ressortir libre, dans l’attente du
procès. Tariq Ramadan croupit lui à
Fleury-Mérogis depuis le 2 février.
L’humiliation et le
traitement discriminatoire des hommes
indigènes ont des conséquences
désastreuses sur nos vies de femmes. Ils
ont des conséquences funestes sur la vie
de nos enfants et de nos communautés qui
en paient collectivement le prix.
Quant à l’impunité
des hommes blancs en particulier, elle a
des conséquences désastreuses sur la vie
des femmes en général.
Le silence des
féministes sur cette différence de
traitement a déjà des conséquences
néfastes sur leur propre cause car non
seulement le patriarcat se renforce mais
en plus cette indifférence ne fait que
creuser l'abîme qui existe déjà entre
les femmes blanches et celles issues des
immigrations post-coloniales dont
l’union est pourtant fondamentale pour
les luttes d’émancipation.
Ainsi, la seule
sortie par le haut qui s’offre à nous
toutes c’est d’exiger, quelle que soit
l’issue de la procédure concernant Tariq
Ramadan, et sans préjuger de sa
culpabilité ou de sa non culpabilité,
qu’il soit traité sans être humilié,
c'est à dire, dignement. A tout le moins
comme les autres...ou que les autres
soient traités comme lui. C’est urgent
et non négociable.
En mon âme et
conscience, Houria Bouteldja
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