Opinion
Le voyage
sidérant de Hollande en Arabie
Hedy Belhassine
Photo:
D.R.
Mardi 31 décembre 2013
Vers l'Arabie compliquée, François
Hollande s'en est allé avec une idée
simple : engranger la récompense de son
allégeance. Au terme de vingt quatre
heures passées à Riyad, il rentre
bredouille avec l'amer sentiment de
s'être fait rouler dans la farine.
Cette visite officielle, scrupuleusement
encadrée par des attachés de presse
dévoués, laissera la trace de non dits
révélateurs de la légèreté française.
La première exclusion sémantique de ce
voyage est l'islam.
Il est extraordinaire que le chef de
l'Etat français ait omis toute référence
à la vocation religieuse du Royaume
wahhabite d'accueillir -au moins une
fois dans la vie- un milliard et demi de
pèlerins. Plus regrettable, dans aucun
de ses discours il n'a mentionné la
communauté musulmane de France pourtant
la première en nombre des pays
occidentaux.
Quel contraste avec sa visite en Israël
où il y a un mois il déclarait : « ...la
France sait ce qu'elle doit aux juifs de
France, en matière scientifique,
culturelle, intellectuelle,
économique. » Passons.
Le Président du pays de la déclaration
des droits de l'homme n'a pas davantage
évoqué l'orgueil oublié de la France. Il
a complaisamment accepté la danse du
sabre. L'Arabie a décidément les moyens
de faire taire les bonnes consciences.
En Orient l'absence de mots a un sens.
Francois Hollande a doctement évoqué
l'Iran, l'Egypte, la Syrie, le Liban
donnant l'impression que son bref aparté
avec le roi dominait l'Europe et la
piétaille du G20. Pas une fois il n'a
parlé des Etats Unis ou de son
Président. Pire, la diplomatie française
a crânement fait savoir qu'elle allait
profiter des opportunités offertes par
le refroidissement passager des
relations entre Washington et Riyad.
Certes, les deux capitales se boudent.
Mais c'est une querelle entre deux
familles consanguines. Sans l'assistance
américaine, la poignée de millions de
saoudiens retourneraient vite au désert.
Tous les secteurs vitaux du pays sont
dominés par les experts et les
consultants US : pétrole, eau, armée,
police, transports aériens,
communications...La quasi totalité des
élites est formée dans des universités
américaines. Bref, il n'existe aucune
alternative crédible à l'hégémonie US en
Arabie.
L'entrisme de Hollande était d'avance
voué à l'échec dès lors qu'il avait
ignoré le portier. L'impression qui
domine est qu'à Riyad, le Président
grenouille a voulu se faire plus grosse
que le bœuf.
Conséquences : les frégates et les
sous-marins tombent à l'eau. Plusieurs
méga-contrats sont différés. Même le
milliardaire marché de missiles sol-air
paraphé il y a trois mois est remis à
plat. Alors, le Président s'est consolé
en allant agrafer la Légion d'honneur à
un homme d'affaires saoudien qui a eu la
riche idée d'aller le mois dernier
sauver les poulets Doux d'une faillite
bretonne certaine.
A croire que le Quai d'Orsay n'a pas
échographié correctement les arcanes de
la monarchie saoudienne et qu'il a sous
estimé l'autonomie du puissant ministère
de la défense, le MODA qui échappe
depuis toujours au clan du très vieux
roi.
Pourtant, la visite de François Hollande
a révélé que le pouvoir des Saoud
n'était ni vacant ni déliquescent. En
coulisse une subtile partie de mistigri
s'est jouée à ses dépens. Ainsi, le
Français s'est vu offrir un formidable
cadeau empoisonné : Abdallah
d'Arabie lui a donné trois milliards en
bons d'achats d'armement à livrer au
Liban ! C'est extravagant. Le Président
du Liban en est tombé de l'armoire. Au
même moment, les intermédiaires de
toutes obédiences sautaient de joie !
Décryptage : incapable d'imposer des
acquisitions à son propre Royaume, le
souverain habilement inspiré a décidé en
contrepartie de puiser dans sa cassette
une somme équivalente, offrant à
Hollande d'aller les dépenser en
armement au Liban.
Cette magistrale embrouille va désigner
la France comme premier fournisseur
d'huile sur le feu au Levant. Paris est
piégé, l'Europe et la communauté
internationale vont se faire un malin
plaisir de l'empêtrer davantage.
L'année diplomatique 2014 s'annonce
périlleuse. A moins que Hollande s'en
aille très vite vers d'autres capitales
demander l'indulgence pour avoir si
maladroitement piétiné les plates bandes
des grands.
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