Opinion
Arabie Saoudite et
Israël, la tentation du Diable
Hedy Belhassine
Jeudi 21 novembre 2013
La carte de l'actualité du Monde Arabe
affiche un paradoxe désolant.
D'un côté, toutes les républiques sont
ensanglantées, de l'autre toutes les
monarchies sont indemnes.
Le sceptre de l'absolutisme garantit la
tranquillité de l'Arabie, des Emirats,
d'Oman, du Qatar et de la Jordanie. La
paix règne sous ces couronnes.
Aujourd'hui c'est au Maroc de sa Majesté
qu'il fait le meilleur vivre arabe.
En moins de trente ans, les référents du
Levant ont été laminés. Exit l'Irak,
exit le Liban, exit l'Egypte, exit la
Syrie, double exit la Palestine. Ceux
qui avaient rêvé à l'Umma républicaine
vivent le sommet de leurs humiliations.
Michel, Salah, Zaki, Gamal et des
millions d'autres se retournent dans
leurs tombes. Leurs enfants pleurent de
honte !
Mais le comble du comble des révoltes et
des révolutions, c'est que le destin qui
guide les arabes soit à présent
entre les mains des Saoud !
La tribu des sept mille prince et des
quarante mille princesses règne sur
vingt huit millions de sujets et de
serviteurs. Pourtant, en quelques
décennies, le pays le plus riche de la
terre a vécu la contradiction inouïe
d'un retour des idées à l'âge du
prophète et de l'accession à la société
de l'information. Ainsi, le Royaume des
salafistes rétrogrades est celui des
accros à YouTub, Twitter Facebook, et
autres sms. En marge de la majorité
sevrée de religion de Mac Do et de
coca, la classe sociale la plus
aisée a investi dans l'éducation de sa
progéniture qui fréquente les meilleures
universités étrangères. L'élite
saoudienne est aujourd'hui une réalité
recensée par dizaine de milliers dans
tous les domaines. Petit à petit, le
pouvoir du savoir gagne sur celui des
princes et des obscurantistes. Ainsi
dans l'armée, les rejetons d'altesses
royales ont laissé la place à des
officiers diplômés de Sandhurst ou de
West Point.
L'homme fort du moment est un hybride.
Prince de sang royal mitigé, Général
d'aviation, diplomate et multi
milliardaire. Surnommé Bandar Bush en
raison d'une affinité affichée avec
l'ancien Président US; c'est le maître
incontesté des services secrets du monde
musulman.
Deux destins se présentent à lui: celui
de roi d'Arabie, celui de roi de la
guerre. Comme il est ambitieux, il
s'offrira les deux.
Les Britanniques, gens biens informés,
affirment que Bandar Ben Sultan aurait
passé un accord de coopération militaire
avec les Israéliens pour lancer une
offensive contre l'Iran. Ce que Riyad
dément formellement bien évidemment car
la probable réalité est incroyablement
extravagante au yeux d'une opinion arabe
unanimement anti-sioniste et
majoritairement anti-juive.
Selon des géo-stratèges perfides le
scénario serait le suivant: Israël
bombarderait l'Iran qui riposterait en
Arabie par rétorsion d'avoir accordé des
facilités aériennes aux attaquants. Les
EU et plus modestement la France
voleraient au secours du pétrole
enflammé. La guerre sera courte. La
négociation à chaud (grâce aux
Anglais?), cessez-le-feu, promesses de
dénucléarisation, promesse d'un Etat
Palestinien...
Conséquences post conflit: Bandar héros
des arabes, calife du Prophète, et Roi
d'Arabie.
C'est simpliste car la guerre est
incontrôlable et proliférante.
Mais cet imaginaire reflète la réalité
de la coalition Bandar-Barack-Bibi-François,
c'est-à-dire et par ordre d'influence
entre l'Arabie Saoudite, les USA
(pressés par les néoconservateurs et les
lobbies sionistes) et Israël flanqué de
ses inconditionnels amis socialistes du
Crif.
Le Prince Bandar joue avec le feu, il
brandit l'allumette d'une déflagration
mondiale. Ce qui le rend incontournable
à la table de jeu des grands.
A Moscou l'été dernier, pendant quatre
heures d'affilées il a affronté Poutine
«tu lâches Bachar... je reprends
Moubarak....»
Ils ne se sont pas mis d'accord sur un
«Yalta arabe» alors en joueur habile,
Bandar Ben Sultan a surenchéri la mise.
Ses armes affluent chez les rebelles en
Syrie, les bombes prolifèrent en Irak et
au Liban, les groupuscules salafistes
dormants se réveillent aux quatre coins
du monde.
Dans cette stratégie du chaos, Vladimir
Poutine est tout aussi à l'aise que son
rival wahhabite. Il a renforcé l'aide
militaire à Damas, proposé un formidable
marché d'armement aux Egyptiens,
multiplié les rencontres aux sommets
avec les Israéliens, les Turcs, les
Iraniens. La diplomatie russe est un
formidable outil tentaculaire de
persuasion qui excelle dans la pratique
du billard à trois bandes. Guerre ou
paix, Poutine saura toujours tirer les
marrons du feu alors il pousse le Saoud
dans ses retranchements car il le
soupçonne d'esbroufe.
La diplomatie saoudienne gigote dans
tous les sens; elle pointe l'Iran, cause
avec Tel Aviv et laisse entendre que la
bombe atomique du Pakistan pourrait être
délocalisée.
Dédaignant le strapontin tournant
d'observateur au Conseil de Sécurité,
elle exige désormais un siège de membre
permanent et il est fort à parier
qu'elle l'obtiendra bientôt pour prix
«de ses efforts aux services de la
paix». En attendant, elle a été élue au
Comité des Droits de l'Homme de l'ONU,
une élection surréaliste mais qui a valu
à Hamza Kashgari, le «Chevalier de la
Barre» saoudien d'être libéré.
Bandar bluffe car il sait bien que son
royaume est un coffre fort vulnérable
qui ne résisterait pas longtemps aux
chalumeaux de quelques commandos de
Pasdarans aguerris. Il sait aussi que
les forces armées saoudiennes
suréquipées seraient bien en peine de
manoeuvrer sans l'aide de leurs
instructeurs américains britanniques,
pakistanais ou français dont aucun n'est
disposé à sacrifier sa vie pour du
pétrole.
Alors Riyad ressasse l'habituel message
apaisant en direction de Téhéran:
«jamais l'Arabie n'attaquera un pays
musulman! ».
La plus grande incertitude de ce
dangereux tour de Mistigri provient de
l'Etat hébreu qui a besoin d'entretenir
en permanence une posture belliciste. Il
dispose pourtant de deux formidables
boucliers contre le feu nucléaire de
l'islam: quatre millions de Palestiniens
et la Sainte Jérusalem.
Mais il possède aussi l'une des plus
puissantes armées défensives du monde
sous la protection de laquelle les
intégristes de Tel Aviv rêvent d'un
voisinage implosé façon puzzle dont les
miettes seront faciles à asservir, voire
à annexer.
Rappelons – ce qui n'est jamais colporté
- que l'Arabie Saoudite et Israël ont
une frontière quasi commune. Car en
effet, seulement quelques kilomètres à
la nage les séparent.
Mais attention, le Golfe d'Aqaba est
infesté de requins!
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