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Irak : un Premier ministre
qui veut dissoudre les milices
Gilles Munier
Mardi 16 juillet 2019
Le 1er
juillet dernier, Adel Abdel Mahdi,
Premier ministre, a publié un décret
ordonnant aux milices chiites –
et d’autres
obédiences ethniques et religieuses
- de s’auto-dissoudre, fermer leurs
sièges à Bagdad et en province, ainsi
que leurs sociétés commerciales. Il leur
a donné jusqu’au 31 juillet pour se
fondre réellement dans l’armée
nationale, dans la police ou pour se
transformer en parti politique. Celles
qui refuseront d’obtempérer seront
déclarées illégales et passibles de
poursuites.
Moqtada al-Sadr qui
réclame depuis longtemps l’interdiction
des groupes armés a aussitôt ordonné le
démantèlement de ses Brigades de la
paix (Saraya
al-Salam). Les milices
reconnaissant l’autorité d’Ali al-Sistani
sont déjà en partie intégrées dans
l’armée depuis qu’en décembre 2018, le
Grand ayatollah le leur a
demandé.
Conseillé par le
général Abdul Amir Yarallah – ancien
chef du commandement conjoint anti-Etat
islamique à Mossoul – Adel Abdel
Mahdi veut incorporer les miliciens
considérés comme pro-iraniens dans de
nouvelles brigades tenant compte des
équilibres ethniques et religieux
irakiens et qui seraient constituées
majoritairement de combattants
indépendants, c’est-à-dire rétifs aux
influences étrangères. Vaste programme,
inspiré peut-être par
son vieux fond baasiste !
Le Premier
ministre, qui a mis plus d’un an pour
former son gouvernement, s’attend à
toutes sortes de tergiversations de la
part de certaines milices, membres ou
pas des
Hachd al-Chaabi (Unités de
mobilisation populaire : 130 à 140 000
combattants). Des affiches ont été
placardées anonymement dans Bagdad
l’accusant d’avoir pris sa décision sous
la pression des Etats-Unis et lui
répondent que les Hachd
continueront d’exister.
En mars 2018,
Haïdar al-Abadi - son
prédécesseur - les avait intégrées
aux forces de sécurité et placées sous
son commandement : cela n’avait eu pour
effet que d’accorder un salaire aux
membres de plus d’une soixantaine de
milices.
Considérées comme
intouchables en raison de leur
participation à la guerre contre l’Etat
islamique, plusieurs milices ont
commis des « exactions »
dénoncées par l’ONG Human Rights
Watch. Aujourd’hui, certaines
disposent encore de prisons secrètes,
rackettent la population aux check
points, interdisent l’entrée de
leurs bases aux représentants du
gouvernement.
Les milices
visées par les Américains
De toute évidence,
le décret anti-milices a été publié sous
la pression du secrétaire d’Etat US,
Mike Pompeo, revenu à la charge après le
bombardement par sept drones tirés par
Ansar Allah - la résistance
yéménite - sur un pipeline de l’Aramco,
dans le centre de l’Arabie.
Cette attaque,
attribuée sans preuve par les services
secrets américains et israéliens au
Hezbollah irakien, fait suite à
celles - non revendiquées
depuis juin - de bases US en Irak :
tir de mortier sur les bases de Balad et
de Taji, tir d’une salve de roquettes
Katioucha sur le complexe de
Burjesia, abritant des sociétés
pétrolières près de Bassora, dont la
société américaine Exxon Mobil.
Outre la
dissolution du Hezbollah irakien,
qualifiée d’organisation
terroriste par le Département d’Etat
US, Mike Pompeo réclame celles des
Brigades Badr, d’Asa’ib
Ahl al-Haq, des
Kata’ib Al-Imam Ali, de
Harakat Hezbollah al-Nujaba, et
de
Saraya al-Khorasani, dont la
chaîne de commandement aboutirait –
selon les occidentaux - au
général Qassem Suleimani, chef de la
Force Al-Qods des Gardiens de
la révolution iranienne.
Abdel Mahdi sur
un siège éjectable
Intelligemment, la
plupart de ces dernières ont accepté de
jouer le jeu – sans doute du bout des
lèvres – conscientes qu’en cas de
guerre Etats-Unis/Iran, il leur suffira
de lancer un appel pour que leurs
partisans quittent l’armée, avec armes
et bagages.
Pour l’instant, le
Hezbollah irakien, dirigé par
Abou Mahdi al-Mohandis, n’a pas
réagi clairement au décret du Premier
ministre. Il s’étonne qu’Abdel Mahdi
n’ordonne pas également la dissolution
des peshmerga et des milices
pro-occidentales soutenues par la Région
autonome du Kurdistan.
Abdel Mahdi,
personnalité politique dite indépendante
- c’est-à-dire sans appui armé -
sait qu’il ne pourra rien imposer aux
milices récalcitrantes, ou qui feront
semblant d’exécuter ses ordres. Au pire,
en cas de crise, il menacera de
démissionner – ce n’est pas la
première fois -, ou sera renversé
par une coalition parlementaire. Haïdar
al-Abadi, qui tente de revenir sur le
devant de la scène politique,
est à l’affut.
A suivre…
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