France-Irak
Actualité
Jacques Chirac avait offert l’asile
politique
à Tarek Aziz
Gilles Munier
Samedi 9 mai 2015
Le père Benjamin et l’Irak :
de Tarek Aziz au calife Ibrahim
Dans « Irak - l’effet boomerang
», son dernier livre*, le père
Jean-Marie Benjamin révèle que Jacques
Chirac a offert l’asile politique à
Tarek Aziz, quelques mois avant
l’agression américaine de l’Irak et le
renversement du Président Saddam
Hussein.
En novembre 2002, approché à Rome par
la DGSE – le service secret
français – le prêtre a accepté de
transmettre le message au vice-Premier
ministre irakien lors de la visite qu’il
projetait de lui organiser au Vatican
pour rencontrer le Pape Jean-Paul II.
Le 14 février 2003, loin des oreilles
indiscrètes dans un des parloirs de la
basilique d’Assise, le père Benjamin a
présenté l’invitation du gouvernement
français à Tarek Aziz. Touché par le
geste de Jacques Chirac et Dominique de
Villepin, le ministre a répondu qu’il ne
pouvait accepter : « Je dois être à
Bagdad, avec le peuple irakien qui va
mourir sous les bombes. Je ne peux pas
me sentir en sécurité alors que mon
peuple sera dans la souffrance ».
Il est certain qu’une acceptation
aurait aussitôt été montée en épingle
dans les médias et interprétée en
désertion, mais elle aurait fait de lui
quelques mois plus tard la voix écoutée
de la résistance irakienne à l’étranger.
Dommage, mais on ne refait pas
l’histoire.
Aujourd’hui – 12 ans plus tard
- Tarek Aziz est emprisonné à Nassiriyah,
dans le sud de l’Irak. Le régime de
Bagdad l’y a transféré avec les anciens
dirigeants irakiens, de crainte que l’Etat
islamique ne les libère. Cardiaque,
on se demande comment il parvient à
survivre sans suivi médical sérieux. Son
épouse qui a finalement pu le voir le
dit très diminué. Il se déplace
difficilement et est sujet à des pertes
de mémoire.
L’annonce faite par Nouri al-Maliki à
son avocat de le libérer n’était
qu’une promesse de campagne électorale,
un coup médiatique pour améliorer son
image.
Pas un James Bond, mais
presque…
Jean-Marie Benjamin n’est pas un
James Bond du Vatican, mais il pourrait
y ressembler… C’est en tout cas un
prêtre de choc. Pour ceux qui l’auraient
oublié, il a été le premier occidental à
violer l’embargo aérien de l’Irak, le 3
avril 2000. De 1997 à février 2003, –
habillé en journaliste et cinéaste
- il n’a eu de cesse d’alerter l’Italie
et le monde de la tragédie humanitaire
du peuple irakien et de dénoncer les
effets de l’uranium appauvri utilisé par
les Etats-Unis lors de la Première
guerre du Golfe et pendant les 13 années
de bombardements qui ont suivi.
Assistant du cardinal Casaroli –
secrétaire d’Etat du Vatican – il
s’est entretenu avec Tarek Aziz à de
multiples reprises, ce qui lui a permis
de réaliser
« Tareq Aziz-The other truth »
(s/t en français), un film qui a
obtenu, en 2011, le Award du
meilleur documentaire au Festival de
Silent River (Irvine-Los Angeles).
« Daech peut
remercier George W. Bush…»
Le père Benjamin consacre une partie
de son livre à l’émergence de l’Etat
islamique. Sans les Américains,
écrit-il, l’Irak ne se serait pas
retrouvé dans cette situation : «
Ils élaborent des stratégies
invraisemblables qui échouent. Ils
interviennent alors sur le terrain,
bombardent, provoquent des milliers de
morts et réfléchissent ensuite à ce
qu’il faut faire, improvisant un nouveau
scénario, pas toujours réussi ».
Mis à part les opposants arrivés dans
les fourgons de l’armée US, il fallait
s’attendre à ce que les Irakiens
résistent.
Et, d’ajouter plus loin : « Le 10
septembre 2014, le secrétaire d’Etat
John Kerry déclarait à Bagdad : « La
barbarie des islamistes n’a sa place
dans le monde moderne ». Des amis
irakiens m’ont envoyé un message en
ironisant « La barbarie américaine n’a
pas non plus sa place dans le monde
moderne à cet égard il faut se demander
qui sont les plus barbares ; ceux qui
sont occupés ou ceux qui occupent ? ».
Un livre à lire et à méditer,
notamment concernant le rôle
anesthésiant joué par ce que le père
Benjamin appelle les « médias de
service », qu’ils soient financés
par des intérêts privés ou par des
officines d’Etat. Le prêtre, qui
intervenait de Bagdad en direct sur la
RAI, sait de quoi il parle.
Le père Jean-Marie Benjamin,
69 ans, ancien fonctionnaire des Nations
unies, a été ordonné prêtre en 1991. Il
est compositeur – notamment d’opéras
et de et l’hymne de l’UNICEF -,
chef d’orchestre, réalisateur et
producteur de films et écrivain («
Irak : l’apocalypse », et « Ce que Bush
ne dit pas »).
* « Irak : l’effet
boomerang », Ed. Balland, Paris,
2015 (cf. la vidéo
de présentation du livre ci-dessous)
Photo: Jean-Marie
Benjamin
© G. Munier/X.
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Publié le 9 mai 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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