France-Irak
Actualité
Mossoul, comme Carthage, sera-t-elle
détruite ?
Gilles Munier
Chasse aux
lions dans la région de Ninive (fresque
assyrienne)
Vendredi 5 août 2016
Si vous
avez aimé les batailles d’Alep, Homs,
Tikrit, Sinjar, Ramadi, Falloujah… vous
adorerez celle de Mossoul.
Face à 10 à 15 000
djihadistes de l’Etat islamique
qui ont eu deux ans pour organiser leur
défense, la coalition anti-Daech
aligne 50 000 soldats gouvernementaux,
20 000 peshmerga, une force d’environ 10
000 miliciens comprenant des Turkmènes
et des Assyriens, et Hashd al-Watani,
des volontaires de tribus sunnites
locales commandés par Atheel Nujaifi ,
ancien gouverneur de la province de
Ninive, réfugié au Kurdistan.
« Cibler »
aussi les troupes américaines…
A cette
impressionnante coalition militaire, il
faut ajouter les milices chiites d’Hashd
al-Shaabi, fortes de plusieurs
milliers de combattants soutenus par
l’Iran. Leur chef, Hadi al-Amiri, vient
de déclarer qu’elles
participeront à l’offensive.
Saraya al-Salam,
les Brigades de la paix de
Moqtada al-Sadr ne seront pas en reste,
mais marqueront leur différence : le
leader religieux a ordonné à ses hommes
de « cibler » également les
troupes américaines présentes dans la
région (environ 4 600 « conseillers
militaires », sans compter les forces
spéciales et les
« contractors »)…
Près de 100 000
soldats vont donc se lancer à l’assaut
de Mossoul, un nombre équivalent à celui
des troupes gouvernementales qui se sont
débandées, en juin 2014, lors de
l’entrée des djihadistes dans la ville.
On sait maintenant qu’ils étaient 106
0000, du moins sur les fiches de paye…
Le 1er aout dernier, Khalid al-Obeidi,
ministre irakien de la Défense
(sunnite), les a tous
licenciés , ce qui va exacerber
un peu plus les tensions au sein de la
communauté chiite.
«
Libération »
ou nouvelle
« occupation »
?
On se souvient que
la population de Mossoul avait accueilli
les djihadistes en libérateurs,
ne faisant pas la différence entre ceux
appartenant à Daech et à l’Armée
des hommes de la Naqshbandiyya,
proche du parti Baas clandestin d’Izzat
Ibrahim al-Douri. Pour les mossouliotes,
l’important était d’être débarrassé des
forces gouvernementales qui se
comportaient en occupants et en
racketteurs. A l’époque, il était encore
question de proclamer un
Gouvernements provisoire de la
République irakienne. Mais,
Daech a pris le dessus et
imposé sa loi, sans partage.
Un exode massif
En mars, le compte
à rebours a commencé. Des avions
irakiens ont largué
des millions de tracts sur la
province d’Al-Anbar pour prévenir la
population que l’heure de la «
libération » était proche. Le «
Commandement militaire opérationnel de
la région de Ninive » a diffusé un
prospectus comportant
19 directives conseillant aux
habitants de Mossoul et de ses environs
de stocker de l’eau et de la nourriture,
d’avoir un éclairage de secours,
d’éviter de circuler en automobile, et
d’écouter les radios des forces
gouvernementales plutôt que celles de
« l’ennemi ».
L’annonce faite par
le Pentagone que
des B-52 surnommés « Big Ugly Fat
Fella' » (BUFF)
- pour «
Gros Salaud Gras et Moche » -
participeront aux bombardements dits
ciblés n’a évidemment rassuré personne.
On estime à 1 million le nombre
d’habitants résidant encore à Mossoul.
Comment réagiront-ils à l’entrée des
troupes de la coalition dans leur ville
? Certainement pas en leur offrant des
fleurs. L’exode des populations de la
région de Ninive est déjà important. Le
Jour J, il sera massif.
L’issue des combats
ne fait aucun doute : Mossoul sera
reconquise, mais à quel prix et pour
quoi faire ensuite ? Aucun projet
sérieux de réconciliation n’est proposé
par les assaillants. Ce qui est sûr,
c’est que la bataille ne signera pas la
disparition de l’Etat islamique.
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