France-Irak
Actualité
Forcing US en
Irak
pour faire réélire Al-Abadi Premier
ministre
Gilles Munier
Dimanche 2 septembre 2018
Depuis le
renversement du régime baasiste en avril
2003, les Premiers ministres irakiens -
Iyad Allaoui, Ibrahim al-Jaafari,
Nouri al-Maliki, Haïdar al-Ababi -
ont tous été choisis par les Américains
avec l’accord tacite de Téhéran. Cela se
passait plus ou moins discrètement,
mais personne n’était dupe. Sous Donald Trump,
les Etats-Unis ne prennent plus de
gants. Son envoyé spécial, Brett McGurk,
fait le tour des partis représentés au
Parlement et des personnalités
pro-américaines influentes pour leur
dire clairement de voter - ou de
faire voter - pour Haïdar al Abadi.
Il a, par exemple, rencontré Massoud
Barzani à 5 reprises depuis les
élections législatives. A tous, il a
laissé entendre que les conséquences
pour l’Irak seraient terribles si le
futur Premier ministre était
pro-iranien.
Un nouveau Nouri
Saïd ?
Haïdar al-Abadi est
revenu en Irak en 2003, après passé 30
ans en Grande-Bretagne. Membre d’Al-Dawa
à 15 ans, titulaire d’un doctorat en
ingénierie électrique, naturalisé
britannique, il avait créé à Londres une
petite société de conseil et ouvert un
café très prisé des services secrets de
Sa Majesté, car s’y retrouvaient de
nombreux militants exilés, irakiens et
arabes.
En Irak, où
l’espionite fait des ravages, certains
le soupçonnaient déjà d’être
lié au MI6 britannique. L’insistance
avec laquelle Brett McGurk assure sa
promotion va le faire passer pour un
nouveau
Nouri Saïd, du nom de ce Premier
ministre irakien désigné par l’Intelligence
Service pour gouverner le pays sous
les rois Fayçal 1er et Fayçal
II.
Assassiné par les
nationalistes, le 15 juillet 1958, le
lendemain du renversement de la
monarchie par le général Abdul Karim
Kassem, Nouri Saïd avait adhéré au
Pacte de Bagdad, rebaptisé plus tard
CENTO. Al-Abadi est
plus prudent dès qu’il est question
de ses relations avec l’OTAN, mais s’il
est élu, on l’imagine s’intéresser à l’Alliance
stratégique pour le Moyen-Orient (ASMO)
dite « OTAN arabe » voulue
par Donald Trump. Cela dit, on ne lui
souhaite pas le sort réservé par les
bagdadis à son lointain prédécesseur.
Encore plus de
bases américaines
Les Américains
n’ont pas l’intention de quitter l’Irak
comme le réclament Moqtada al-Sadr et
Hadi al-Amiri. Entre 5 000 et 7 000 G.I’s
stationneraient sur 9 bases situées dans
l’ouest du pays, interdites de survol à
l’aviation irakienne. Le Pentagone
souhaiterait en avoir 12.
Le gouvernement
Abadi a fait la sourde oreille à la
demande du Parlement irakien d’établir
« un calendrier de retrait des forces
étrangères », et lors de la
Conférence de Munich sur la sécurité,
en février 2018, le Premier
ministre irakien s’est félicité de la
présence américaine en Irak. Plus
récemment, Ihsan al-Shamri, un de ses
conseillers, a déclaré à
Al Monitor que le gouvernement
négociait « avec les Etats-Unis pour
changer les missions des conseillers
militaires américains du stade de la
guerre au stade de la paix ». Autant
dire que les troupes américaines
resteraient en Irak indéfiniment.
Entrée en lice
de Faleh al-Fayyad
En déclarant, le 7
août dernier, qu’il se conformera aux
sanctions économiques décidées par
Donald Trump contre l’Iran « pour
protéger les intérêts de de l’Irak »,
et en traitant ceux qui ne sont pas
d’accord avec sa position « de gangs
faisant passer leurs intérêts avant ceux
du peuple irakien », Haïdar al-Abadi
s’est mis à dos, non seulement les
Iraniens, mais la majorité des Irakiens
et de tous ceux qui dans le monde ont
condamné les 12 ans d’embargo
international génocidaire imposé à ce
pays.
Ses justifications
alambiquées et son rétropédalage du 14
août, pour dire qu’on l’avait mal
compris, qu’il ne respecterait pas les
sanctions américaines, mais seulement
l’interdiction d’effectuer des
transactions commerciales en dollars
avec l’Iran, n’a convaincu personne, à
commencer au sein de l’Alliance pour
la victoire (Al Nasr - 42 élus), sa
coalition électorale, alliée à celle de
Moqtada Sadr. Résultat : dans son camp,
une quinzaine d’élus a estimé que Faleh
al-Fayyad - son conseiller à la
sécurité nationale depuis 2011, chargé
de la coordination avec les Hachd al-Chaabi
- ferait un bien meilleur candidat au
poste de Premier ministre. Et, ils ont
rejoint le bloc Amiri-Maliki.
Faleh al-Fayyad
reçu par le président Bachar al-Assad
(18 mai 2017)
Faleh al-Fayyad a
aussitôt été limogé et des milliers
d’Irakiens sont descendus dans la rue
pour conspuer la décision dictée, selon
eux, par les Etats-Unis. Curieusement,
le 17 août dernier, le site saoudien
Al Arabiya pressentait déjà Al-Fayyad
comme le futur candidat anti-USA. C’est
un fait que le soutien d’Haïdar al-Abadi
à la politique de Donald Trump et les
défections qu’il provoque minimisent les
chances d’un Premier ministre proposé
par Moqtada Sadr et ses alliés.
(à suivre)
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