L'actualité du
droit
L’Arabie Saoudite retire son
financement (3 milliards $) du contrat
d’armement du Liban par la France
Gilles Devers
Lundi 22 février 2016
En septembre 2014, l’annonce était
belle : « L’Arabie saoudite et la France
ont signé ce mardi à Ryad un contrat de
livraison d'armes françaises pour le
Liban, menacé par la poussée jihadiste,
grâce à un
don saoudien de trois milliards de
dollars ». Le futur président du
Conseil constitutionnel plastronnait :
« Cet accord illustre la qualité
exceptionnelle de la relation
franco-saoudienne ». Le futur président
de la région Bretagne soulignait l’enjeu
militaire : « C'est une nécessité. Les
forces armées libanaises constituent le
dernier rempart de sécurité face à la
menace qui pèse sur ce pays : en sus des
divisions confessionnelles qui
traversent ce pays en raison de l'afflux
de réfugiés, le danger est celui de
Daesh ». Très bien. Sauf que…
Les évènements militaires sont
toujours aussi pressants, mais grand
retournement ce 19 février :
l’Arabie saoudite a annoncé avoir rompu
son aide de trois milliards de dollars à
l’armée libanaise. Les livraisons
d’armement tombent à l’eau :
une décision de première importance.
L’armée libanaise, du jour au
lendemain, doit renoncer à ces
livraisons de haut niveau, qui
touchaient tous les secteurs de son
équipement. Depuis septembre 2014, la
France n'a livré que
48 missiles antichar Milan, prélevés
sur de vieux stocks de l'armée. Alors
que l’armée et les forces de sécurité
sont en action,
cette décision sonne comme un abandon.
La décision saoudienne est
solide. Dans la
mise sous tension qui a suivi
l’exécution du dignitaire religieux
chiite Nimr el-Nimr, Gebran Bassil le 2
janvier, Ryad estime que Beyrouth
n’a pas joué le jeu. Le gouvernement
avait affirmé que le Liban «
prenait ses distances avec cette
crise afin de préserver sa stabilité
nationale ». Depuis, les Saoudiens
n’avaient cessé de manifester leur
mécontentement sur ce choix politique
des Libanais. Le ministre saoudien des
Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a
été cash : « Êtes-vous avec nous ou
contre nous ? Vous ne pouvez être à la
fois avec et contre nous. »
Samedi, le Conseil de
coopération du Golfe (CCG) a exprimé son
soutien à la décision saoudienne par son
secrétaire général, Abdel Latif al-Zayani :
« Le CCG appuie la décision de l'Arabie
saoudite, prise à la suite de la
position officielle du Liban qui est
sortie du consensus arabe et qui
s'inscrit en contradiction avec les
relations entre les Libanais et les pays
du Golfe ».
Le leader druze Walid
Joumblatt, chef du Parti socialiste
progressiste, Saad Hariri, chef du
Courant du Futur, et Samir Geagea,
leader des Forces libanaises qui ont
tous deux demandé au gouvernement
libanais d'agir après la décision de
Riyad, accusant le Hezbollah et le
Courant patriotique libre d'être
« responsables de ce qui s'est passé ».
Le gouvernement a demandé à
Ryad de revoir sa position… Le
Hezbollah, lui, s'estime conforté dans
ses analyses sur l’impasse qu’est le
soutien saoudien pour l’indépendance du
Liban. Pour le Hezbollah, l’annulation
de l’aide saoudienne trahit « les
mensonges de l'Arabie saoudite qui
affirme vouloir soutenir l'armée
libanaise et prouve qu'elle soutient en
réalité le terrorisme ». À prévoir au
minimum, de nouvelles périodes de
tensions internes, de nature à retarder
encore l’organisation de la
présidentielle.
Côté français, cette décision
saoudienne est
une sale affaire. C’est un lot de 31
contrats concernant la plupart
d’entreprises d’armement qui est remis
en cause. Hier le discours officiel
était que le contrat d'armement
« continuera d'être exécuté selon le
calendrier prévu, indépendamment de la
destination finale des armes
produites ». Je ne connais pas ces
contrats, mais il serait tout de même
surprenant que ces équipements, qui
correspondaient précisément besoin de
l’armée libanaise, puissent en toute
simplicité se trouver livrés aux
militaires saoudiens, qui n’en ont pas
besoin. Aussi, à prévoir quelques
discussions serrées sur le retournement
de la politique française vis-à-vis de
l’Iran et de la Syrie.
Le sommaire de Gilles Devers
Le dossier
Liban
Les dernières mises à jour
|